ROME, Jeudi 7 décembre 2006 (ZENIT.org) – « Son zèle apostolique est aussi un besoin de proclamer l’Evangile et l’ouverture à l’Esprit », a affirmé le cardinal Bertone lors de l’Acte académique pour les 500 ans de la naissance de Saint François Xavier. Une synthèse de Fides.
Le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’Etat, est en effet intervenu le 5 décembre lors de l’Acte académique par lequel l’Université Urbanienne a rendu hommage à Saint François Xavier, patron des Missions, dans le cadre du cinquième centenaire de sa naissance, en présentant un exposé sur le thème « Communiquer la foi : la mission de l’Eglise à l’époque de François Xavier et à notre époque ».
« L’œuvre la plus extraordinaire accomplie par la Compagnie de Jésus dans son histoire pluriséculaire est l’œuvre missionnaire » a souligné le Card. Bertone au début de son intervention. Elle a été grande par le nombre de pays dans lesquels les jésuites sont exercé leur activité apostolique, par les difficultés qu’ils ont dû surmonter, y compris les persécutions et le martyre, par l’audace et la grandeur des projets et des initiatives apostoliques. « Celui qui a donné naissance et élan à cette extraordinaire action missionnaire de la Compagnie de Jésus est Saint François Xavier. Il a été le premier Jésuite à partir de Lisbonne pour les missions, le 7 avril 1541 ».
Dans son exposé, le Secrétaire d’Etat a mis en rapport l’époque à laquelle a vécu François Xavier et l’actuelle, « sous l’angle de la mission comme communication de la foi ». Les deux époques sont toutes les deux parcourues « par une profonde accélération de la socialité humaine qui est devenue plus grande et plus complexe». En 1500 l’utilisation de la boussole et de la voile latine moderne donnèrent aux espagnols et aux portugais la possibilité d’affronter l’océan, mettant le cap sur les Indes, l’Afrique, les Caraïbes. A notre époque la communication a subi une impressionnante accélération et le développement de l’informatique a presque annulé les distances de géographie et de temps. « Aujourd’hui il est possible de connaître et de participer en temps réel à des réalités qui arrivent à de grandes distances ; cependant, aujourd’hui, les possibilités d’une plus grande participation et d’une plus grande responsabilité que ces nouveautés apportent, sont contredites par une orientation culturelle et politique qui favorise l’intérêt de quelques-uns plus que la dignité de tous ».
Le cardinal Bertone a ensuite souligné que « notre époque est profondément différente ». « D’une part la fin de la seconde guerre mondiale a comporté, avec l’indifférence politique, la recherche et l’affirmation du patrimoine culturel de ces peuples, si bien qu’il est désormais commun de parler de passage des missions aux jeunes Eglises. D’autre part la sécularisation a produit un changement profond dans les dynamiques de la vie des terres de très ancienne chrétienté ; en défaisant l’unité organique de la vie chrétienne, on a remis en question sa valeur humaniste, la sauvant seulement comme réserve de solidarité pour les besoins les plus importants. Le résultat est que notre Eglise se retrouve à devoir affronter aujourd’hui non seulement une diminution de foi, devenue minoritaire sous l’angle culturel et sous l’angle de la capacité à orienter sa vie, mais aussi une perte d’humanisme. La mission, ainsi que la proclamation de l’évangile du Seigneur Jésus, doit en rappeler aujourd’hui la valeur anthropologique et le bon sens social ».
L’Eglise, ouverte positivement aux transformations, « y saisit ce rapprochement progressif des peuples vers valeurs évangéliques, que le Pape Jean Paul II a décrit comme « un grand printemps chrétien, dont on entrevoit déjà le début ». Cet optimisme chrétien ne peut être ingénu, ne peut pas ne pas tenir compte de la complexité des situations dans laquelle la mission se retrouve aujourd’hui » a poursuivi le Card. Bertone. Pour saisir les analogies entre l’époque de Xavier et la nôtre, on peut s’inspirer des indications laissées par la Redemptoris Missio à la spiritualité Missionnaire. « Pour le chrétien et pour l’Eglise, la spiritualité ne peut être seulement un reste de prières et de bonnes intentions, à cultiver en privé, mais, au contraire, puisqu’elle nous maintient unis au Christ, elle est la source d’où jaillit la mission et qui la nourrit continuellement ».
L’encyclique Redemptoris Missio (n.87) demande de « vivre en pleine docilité à l’Esprit » : seule une telle attitude peut nous rendre conformes au Christ, nous combler des « dons de la force et du discernement » et nous transformer en « témoins courageux du Christ et annonciateurs éclairés de sa parole ». « Il n’est pas difficile de comprendre que la proclamation de l’évangile rappelle le ministère apostolique que l’Eglise a reçu de son Seigneur – a poursuivi le Cardinal – tandis que les voies mystérieuses de l’Esprit rappellent ce mode d’action divine qui, selon le Concile Vatican II, agit en dehors des limites de l’Eglise. Il s’agit de deux éléments inaliénables parce qu’ils renvoient à l’unique Seigneur qui, tandis qu’il a fixé à l’Eglise une tâche apostolique précise, lui a laissé la liberté de développer cette action salvifique dans les formes qu’elle voudra ». « Il me semble que telle est l’attitude de Xavier – a poursuivi le Card Bertone, dont le zèle missionnaire est aussi un besoin de proclamer l’Evangile et l’ouverture à l’Esprit… Sa personne, totalement animée par l’amour de Dieu, vit pour la mission ». Tout en étant fils de son époque, François Xavier s’efforçait d’entrer personnellement en contact avec les personnes : « privé d’instruments pour se préparer à la rencontre avec l’Asie de son époque, bien qu’ayant demandé du personnel instruit en mesure de dialoguer avec les personnes, il mettra au centre la prédication du Christ et l’enrichira par le témoignage d’une vie vertueuse, droite et miséricordieuse ».
« Si, avec Xavier nous affirmons qu’il n’y a pas de vraie évangélisation sans la proclamation de la foi en Jésus-Christ, en même temps nous savons que cette mission doit tenir compte des circonstances… Parmi ces circonstances, nous reconnaissons la valeur du dialogue interreligieux : « compris comme méthode et moyen pour une connaissance et un enrichissement réciproque, il n’est pas en opposition avec la mission ad gentes, et même il a des liens spéciaux avec elle, et en est une ‘expression’. Dans cette situation complexe, l’Eglise est appelée encore aujourd’hui à écouter et à suivre cet Esprit qui ‘souffle où il veut et dont on entend la voix sans savoir d’où il vient ni où il va ».
Le second aspect mis en lumière par Redemptoris Missio sur la spiritualité missionnaire est le besoin d’une « communion intime avec le Christ » (88). « Sans cette conformité au Christ il ne peut y avoir aucune mission » a souligné le Card. Bertone, qui a montré comment ces éléments se retrouvent dans la spiritualité missionnaire de François Xavier : « la gloire de Dieu, l’amour pascal du Christ crucifié, le salut des âmes sont les éléments qui guident sa personnalité apostolique… Xavier se place dans la tradition agostino-thomiste qui voit Dieu comme l’unique auteur de tout bien ». « La confiance totale dans le Dieu d’amour conduit Xavier, à la ressemblance avec son Seigneur, à vivre d’amour et donc à ressentir dans son cœur comme un tourment le péché de l’humanité… D’où sa communion avec le Christ ; d’où sa continuelle prière ; d’où son passage naturel de l’amour de Dieu à l’amour pour l’homme. C’est seulement de cette manière, c’
est seulement en acceptant d’aimer comme aime son Dieu, librement et gratuitement, qu’il arrive au secret ultime de sa vie missionnaire ; il s’agit du mystère de l’incarnation et de Pâques : c’est seulement au prix de la kénosis, c’est seulement au prix de son total dépouillement, que Xavier s’identifie avec les sentiments de Dieu, et retrouvant l’amour que Dieu a déverser dans ses créatures, il en retire l’amour nécessaire pour le faire resplendir ».
Le Card. Bertone a terminé son exposé en mettant en lumière le profond amour de François Xavier pour l’Eglise. « Xavier était une personnalité ecclésiale au sens le plus profond et le plus noble du terme : il nourrissait pour l’Eglise la même attitude que Jésus-Christ qui ‘a aimé l’Eglise et s’est donné pour elle’ ». La Redemptoris Missio au n.89 rappelle que « seul un amour profond pour l’Eglise peut soutenir le zèle missionnaire ». « Transformé par l’amour divin, plein de zèle pour les âmes, le missionnaire est plein d’amour pour l’Eglise. Xavier a été un homme d’Eglise de façon sincère et profonde ». S’adressant aux étudiants de l’Urbanienne venant des Eglises des différents continents, le Card. Bertone les a encouragés à cultiver un profond sens ecclésial. « Cet esprit ecclésial vous permettra de revivre l’esprit de Xavier, uni à une préparation intellectuelle et humaine profonde et renouvelée, et vous mettra en mesure de réaliser ce printemps missionnaire que l’Eglise et l’humanité attendent aujourd’hui ».