Le sens de la visite du pape au Patriarcat œcuménique de Constantinople

Print Friendly, PDF & Email

Entretien avec don Cereti, professeur de théologie œcuménique

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

ROME, Mardi 28 novembre 2006 (ZENIT.org) – Les échanges de visites entre les Eglises sont « des gestes d’amour », affirme don Giovanni Cereti, professeur de théologie œcuménique, dans cet entretien à Zenit, à l’occasion du voyage apostolique de Benoît XVI en Turquie.

Don Giovanni Cereti enseigne la théologie oecuménique à l’Institut d’études œcuméniques de Venise, à la Faculté pontificale de théologie Marianum de Rome et à l’Institut supérieur des Sciences religieuses Mater Ecclesiae qui dépend de l’Angelicum de Rome.

Le théologien explique qu’il existe un modèle ecclésiologique dans lequel orthodoxes et catholiques se rencontrent, celui de la koinonia ou communion.

Zenit : Chaque année, le 30 novembre, fête de saint André, une délégation vaticane rend visite au Patriarcat œcuménique de Constantinople et le Patriarcat envoie à son tour une délégation à Rome pour la solennité des saints Pierre et Paul, le 29 juin. De quand date cet échange de visites et quelle importance doit-on accorder au fait que cette année, c’est le pape lui-même qui effectue cette visite ?

Don Cereti : Dans les relations entre les chrétiens, l’échange de visites entre les Eglises remonte, on pourrait dire, au temps des apôtres et revêt une grande signification symbolique et spirituelle comme geste d’amour et de communion fraternelle.

L’Eglise du Christ est une communion et les relations fraternelles entre les chrétiens et les Eglises sont une expression fondamentale de cette communion qui nous unit déjà dans le Seigneur en vertu de la foi commune et de l’unique baptême.

Après une longue période au cours de laquelle, également en raison de difficultés externes, ces visites n’ont pu avoir lieu, le Concile Vatican II a constitué un nouveau point de départ et les échanges de visites entre Eglises locales d’Occident et d’Orient sont devenus très fréquents. Parmi toutes ces visites, les plus significatives sont précisément celles qui ont été effectuées entre les deux sièges les plus importants du christianisme, à l’initiative de Paul VI et du patriarche Athénagoras.

Celles-ci sont devenues courantes à l’occasion des grandes fêtes des saints patrons de l’Eglise de Rome et de Constantinople, et dans certains cas les visites n’ont pas été effectuées seulement par des délégations officielles mais ce furent des visites au plus haut niveau. Rappelons que le pape Paul VI s’est rendu au Patriarcat de Constantinople en 1967 et le pape Jean-Paul II en 1979.

La visite actuelle de Benoît XVI au patriarche de Constantinople à l’occasion de la fête de saint André entend rendre la visite du patriarche Bartholomaios à l’évêque de Rome à l’occasion de la fête des saints Pierre et Paul en 2005.

Zenit : Existe-t-il un modèle ecclésiologique dans lequel orthodoxes et catholiques pourraient vraiment se retrouver dans une unité visible ou celui-ci est-il à inventer ?

Don Cereti : Il existe un modèle ecclésiologique, qui remonte lui aussi au temps des apôtres. C’est le modèle de la koinonia : l’Eglise du Christ est une koinonia, une communion, et vit cette communion dans les différentes dimensions déjà mentionnées plus haut : la foi commune, fondée sur l’unique révélation, sur l’unique Ecriture Sainte, et exprimée dans les symboles de foi de l’Eglise antique ; la vie sacramentelle, et en particulier le baptême, porte d’entrée à la communion ecclésiale, et l’eucharistie, signe visible suprême de la communion ecclésiale ; et enfin la vie de charité de l’ensemble du peuple chrétien, vie de charité qui s’explique sous de multiples formes et qui se réalise sous la conduite du ministère ordonné et en particulier de l’épiscopat, qui a précisément la tâche d’être au service de la communion ecclésiale.

Catholiques et orthodoxes sont déjà d’accord sur ce modèle de la communion. Cette communion s’exprime dans la synodalité (ou dans la collégialité épiscopale), mais à tous les niveaux de la synodalité il existe un ‘protos’, un « premier », Président ou modérateur du Synode ou du Concile.

Au niveau de l’Eglise universelle également il doit exister un ministre appelé à présider dans la charité, à la communion de l’Eglise universelle.

Les catholiques considèrent que cette tâche est confiée à l’Evêque de Rome, mais les orthodoxes également reconnaissent que le jour où la communion entre l’Orient et l’Occident serait rétablie l’Evêque de Rome reprendrait la première place parmi les évêques et les patriarches qui lui est reconnue selon la tradition de l’Eglise antique.

Zenit : Le schisme de 1054 répondait-il à des problèmes de doctrine et de foi, ou à des problèmes politiques et culturels et à la diversité de mentalités entre orientaux et occidentaux ?

Don Cereti : La séparation entre l’Orient et l’Occident est le résultat d’une évolution séparée des deux parties de l’Europe, orientale et occidentale, qui s’est réalisée au cours de plusieurs siècles et qui a porté au déveoppement de deux cultures très différentes, qui s’exprimaient dans des langues différentes (le grec et le latin) et qui ont forgé des mentalités très différentes.

Déjà au cours du premier siècle il y avait eu des incompréhensions et des périodes d’interruption de la communion entre Rome et l’Orient. 1054 est une date symbolique, et l’excommunication réciproque qui fut alors prononcée devrait être effacée de la mémoire des Eglises comme l’a demandé la déclaration commune de Rome et de Constantinople de 1965.

Malheureusement la séparation de 1054 a continué à se creuser au cours des siècles qui ont suivi, également à cause des croisades et surtout de la Quatrième Croisade de 1204, créant un fossé profond entre les deux Eglises, et aussi parce que les difficultés de communication des siècles passés ont contribué à faire grandir les préjugés réciproques, alors que le manque de connaissance de l’autre a entraîné également un manque d’amour de l’autre.

Ceci dit, la séparation n’a jamais été totale. Les deux Eglises ont continué à se reconnaître comme telles. A Florence en 1439 elles ont même rétabli la communion entre elles, même si c’était lors d’un Concile qui n’a pas été compris par les populations et qui, pour cette raison, n’a pas été accueilli par le peuple chrétien. Aujourd’hui nous pourrions rétablir la communion tout simplement en accueillant, même tardivement, les décisions de Florence.

Il n’y a pas eu en tout cas de raisons doctrinales ayant justifié la séparation : pendant des siècles on a invoqué comme motif doctrinal l’ajout du Filioque dans le credo de Nicée-constantinople de la part de l’Eglise d’Occident, mais l’Eglise catholique a aujourd’hui déclaré de manière solennelle (par exemple à travers Dominus Iesus) que celle-ci professe sa foi avec le symbole de Nicée-constantinople sous sa forme originelle sans le Filioque, qui reste un ajout liturgique de l’Eglise latine, qui n’a du reste jamais été porté à la connaissance des Eglises gréco-catholiques.

La grande difficulté réelle est la reconnaissance du primat de l’Evêque de Rome. Cette difficulté ne concerne pas tant le principe du ministère pétrinien que la manière d’exercer ce ministère pétrinien. Il n’est pas impossible de trouver un accord sur ce point, comme l’a écrit le pape Jean-Paul II dans l’encyclique Ut unum sint.

Zenit : On sait que le dialogue entre l’Eglise catholique et les Eglises orthodoxes se poursuit et progresse. Personnellement, espérez-vous un geste important dans un avenir proche ?

Don
Cereti :
Personnellement je m’attends à une heureuse surprise de jour en jour, et il n’est pas exclu que celle-ci puisse venir de cette visite de Benoît XVI au patriarcat de Constantinople : le 30 novembre on attend une déclaration commune qui pourrait marquer un progrès significatif.

L’Esprit Saint est en train de changer le cœur des chrétiens qui se reconnaissent toujours davantage comme frères et sœurs dans l’unique foi au Christ au-delà de toutes les divisions et qui ne supportent plus cette situation de séparation dans une Europe et un monde qui s’unifient et dans lequel nous devons affronter ensemble les défis de l’avenir et avant tout celui du dialogue et de la confrontation avec les autres grandes traditions religieuses de l’humanité.

Le Seigneur Jésus nous appelle à la pleine communion avec lui et entre nous. Nous ne pourrons rendre témoignage au monde de la crédibilité de la foi chrétienne et de la réalité de l’amour de Dieu qui a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit qui nous a été donné, que si nous sommes unis (Rm 5, 5).

Share this Entry

ZENIT Staff

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel