ROME, Lundi 6 novembre 2006 (ZENIT.org) – « La faim et la malnutrition sont inacceptables » : voici le texte intégral de l’intervention du Secrétaire du Vatican pour les Relations avec les Etats, Mgr Dominique Mamberti, à l’occasion de la 32e session du Comité intergouvernemental de l’organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’agriculture (FAO) qui s’est tenue à Rome du 30 octobre au 4 novembre, et plus spécifiquement la session du « Forum spécial pour un monde libéré de la Faim » qui s’est tenu les 30 et 31 octobre.
Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur général,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de vous transmettre les salutations de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI, qui m’a chargé de vous assurer de son intérêt et de son attention à vos travaux sur la sécurité alimentaire et plus généralement à la mission de la FAO dans le monde. Vous êtes aujourd’hui appelés à vous interroger, dix ans après, sur les suites données au Sommet mondial de l’Alimentation. Comment ne pas évoquer la participation de Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II à l’ouverture de ce sommet, le 13 novembre 1996, qui invitait à un changement des modes de vie de nos sociétés pour un partage plus équitable des ressources. Je souhaite exprimer ma vive gratitude à la FAO pour le travail accompli auprès des peuples les plus pauvres et pour le service qu’elle rend à l’humanité tout entière. Votre présence aujourd’hui souligne que seul un effort commun des Responsables des nations et de toutes les personnes de bonne volonté permettra d’atteindre les objectifs adoptés à ce Sommet.
Comme vous le savez, l’Église, pour sa part, apporte sa contribution sur tous les continents pour vaincre la faim dans le monde, et notamment en Afrique, que nos sociétés riches, qui bénéficient largement des ressources du continent africain, se doivent de ne pas oublier, s’attachant à redistribuer les biens selon les principes de la justice et de l’équité.
Vous venez de réalités et de cultures différentes, témoignant que, partout dans le monde, des personnes se préoccupent de leurs frères et sœurs, et ont le souci d’une solidarité accrue entre les peuples, afin d’assurer à tout être humain des conditions de vie conformes à sa dignité inaliénable et au respect qui lui est dû. Les thèmes évoqués par votre réunion rappellent que la sécurité alimentaire – qu’il s’agisse de la quantité ou de la qualité de la nourriture – constitue un aspect fondamental dans la vie de tout individu, de tout groupe, de tout peuple de la terre. En effet, comment un jeune pourrait-il se développer physiquement, intellectuellement, spirituellement, comment pourrait-il étudier s’il n’a pas accès à la ration alimentaire qui est jugée indispensable, selon les critères internationaux ? Comment un père et une mère peuvent-il subvenir aux besoins de leur famille, s’ils n’ont pas les aliments qui leur permettent d’assumer les responsabilités qui sont les leurs ?
Vaincre la faim dans le monde est un travail de longue haleine. Malgré les efforts accomplis par la FAO, par les pays eux-mêmes, par les Organisations inter-gouvernementales, par de multiples associations, par des personnes privées, qui agissent souvent dans le silence et avec une grande humilité, des obstacles et des déséquilibres demeurent, voire s’aggravent, empêchant des millions d’hommes et de femmes de pourvoir comme il convient à leur nourriture. La réalité de foules dont le droit à la vie est mis en péril doit demeurer pour nous une inquiétude et doit toucher les consciences pour que chacun, là où il demeure, s’engage dans des comportements qui ne contribuent pas à aggraver les déséquilibres entre pays riches et pays pauvres. La faim et la malnutrition sont inacceptables dans un monde qui dispose de niveaux de production, de ressources et de connaissances capables de mettre fin à ce fléau et à ses conséquences dramatiques.
Les données récentes montrent que l’élimination de l’insécurité alimentaire dans le monde reste un objectif encore éloigné, qui requiert non seulement une analyse précise de la situation nutritionnelle, mais aussi la mise en œuvre d’engagements politiques, juridiques et économiques permettant d’engager les réformes nécessaires et d’intervenir efficacement. Il nous faut tendre chaque jour vers l’établissement, pour tout être humain sur la planète, de conditions de vie personnelles et communautaires permettant son développement intégral et lui assurant les ressources nécessaires à son alimentation et à l’ensemble des ses besoins fondamentaux.
Dans de nombreux points du globe, l’absence de paix, les injustices patentes, la destruction de l’environnement naturel, le manque de soins pour la santé de base, sont parmi les causes premières qui exposent les populations au grave danger de ne pas pouvoir satisfaire leurs besoins alimentaires essentiels. De même, les comportements des pays les plus riches qui exploitent de manière parfois inconsidérée les richesses des pays les plus pauvres, sans compensation aucune, le non-respect des équilibres écologiques, ont aussi, aujourd’hui et à long terme, des conséquences sur les populations les plus pauvres.
Le phénomène de la mondialisation, qui ne cesse de se développer, doit rendre la famille humaine encore plus consciente que le problème de la faim ne pourra être résolu que grâce à une stratégie de développement global à laquelle tous les pays acceptent de participer, pour le bien de l’humanité : en répartissant les ressources et les bénéfices des ressources naturelles et des biens produits, en mettant l’homme comme critère central des décisions dans les questions économiques, en développant le transfert de technologies et les micro-réalisations dans lesquelles les populations locales sont partie prenante, en formant des élites locales dans tous les domaines et éduquant les jeunes qui sont l’avenir et la première richesse de chaque nation.
On ne doit pas oublier en particulier que la Déclaration et le Plan d’action du Sommet mettaient la cellule familiale au centre des programmes pour l’éducation et la formation, bien conscients que la famille constitue, spécialement dans les zones rurales, un instrument privilégié et souvent exclusif d’éducation, de transmission des valeurs, d’apprentissage et de qualification professionnelle. C’est en grande partie en s’appuyant sur l’institution familiale que des changements pourront s’opérer.
L’Église n’a pas vocation à proposer des solutions politiques, économiques ou techniques, pour faire face aux problèmes de société, mais, dans sa mission d’annoncer la «Bonne Nouvelle à toutes les nations», elle se sent particulièrement proche de ceux qui vivent dans des conditions de pauvreté, de souffrance et de malnutrition, souhaitant les aider avec les moyens qui sont les siens. Elle est toujours disposée à soutenir les personnes qui travaillent à renforcer la solidarité internationale et à promouvoir la justice entre les peuples, notamment celles qui sont en contact direct avec les populations éprouvées.
Sa Sainteté Benoît XVI forme des vœux pour le succès des travaux de la trente-deuxième session du Comité pour la Sécurité alimentaire, invoquant sur tous ses membres les Bénédictions du Très-Haut, dispensateur de tout bien et Père de tous les hommes.
[Texte original: Français]