Benoît XVI répond aux questions des prêtres du diocèse d’Albano (I)

Sur les problèmes de la vie des prêtres, la « pastorale intégrée »

Share this Entry

ROME, vendredi 8 septembre 2006 (ZENIT.org) – Le 31 août dernier le pape Benoît XVI a reçu les membres du clergé d’Albano (Italie) guidés par leur évêque, Mgr Marcello Semeraro. Nous publions ci-dessous le texte des questions adressées au pape par quelques prêtres du diocèse, ainsi que les réponses improvisées de Benoît XVI. Le cardinal Angelo Sodano, secrétaire d’Etat, titulaire de l’Eglise suburbicaire d’Albano était également présent à l’audience.

* * *

Quelques problèmes de la vie des prêtres

P. Giuseppe Zane, Vicaire ad omnia, âgé de 83 ans: « Notre évêque vous a illustré, bien que brièvement, la situation de notre diocèse d’Albano. Nous, prêtres, sommes pleinement insérés dans cette Eglise, nous en vivons tous les problèmes et les difficultés. Jeunes ou âgés, nous nous sentons tous inadaptés, tout d’abord parce que nous sommes peu nombreux par rapport aux grandes nécessités et parce que nous sommes d’origines différentes; en outre, nous souffrons du manque de vocations au sacerdoce. C’est pour ces raisons que nous sommes parfois découragés, cherchant un peu à «tamponner» ici et là, souvent obligés de parer au plus urgent, sans projets précis. En voyant les nombreuses choses à faire, nous avons la tentation de privilégier l’action, en négligeant l’être, et cela se reflète inévitablement sur la vie spirituelle, le dialogue avec Dieu, la prière et la charité (l’amour) envers nos frères, souvent éloignés. Saint-Père, que pouvez-vous nous dire à ce propos ? J’ai un certain âge… mais ces jeunes confrères peuvent-ils avoir de l’espoir ? »

Benoît XVI : Chers frères, je voudrais tout d’abord vous dire une parole de bienvenue et de remerciement. Je remercie le cardinal Sodano de sa présence, à travers laquelle il exprime son amour et son attention à l’égard de cette Eglise suburbicaire. Je vous remercie, Excellence, de vos paroles. En peu de mots, vous m’avez présenté la situation de ce diocèse, que je ne connaissais pas dans cette mesure. Je savais qu’il s’agit du plus grand des diocèses suburbicaires, mais je ne savais pas qu’il s’était développé au point d’avoir maintenant cinq cent mille habitants. Je vois ainsi un diocèse riche de défis, de problèmes, mais, assurément, aussi de joies dans la foi. Et je vois que toutes les questions de notre époque sont présentes: l’émigration, le tourisme, l’exclusion, l’agnosticisme, mais également une foi ferme.

Je n’ai pas la prétention d’être, à présent, une sorte d’« oracle », qui pourrait répondre de manière exhaustive à toutes les questions. Les paroles de saint Grégoire le Grand que vous avez citées, Excellence — que chacun connaît « infirmitatem suam » —, valent aussi pour le pape. Même le pape, jour après jour, doit connaître et reconnaître « infirmitatem suam », ses limites. Il doit reconnaître que ce n’est que dans la collaboration avec tous, dans le dialogue, dans la coopération commune, dans la foi, comme « cooperatores veritatis » — de la Vérité qui est une personne, Jésus — que nous pouvons effectuer ensemble notre service, chacun pour sa part. C’est dans ce sens que mes réponses ne seront pas exhaustives mais fragmentaires. Toutefois, nous acceptons précisément cela: ce n’est qu’ensemble que nous pouvons composer la « mosaïque » d’un travail pastoral qui répond à la grandeur des défis.

Monsieur le Cardinal Sodano, vous avez dit que notre cher confrère, le P. Zane, apparaît un peu pessimiste. Mais je dois dire que chacun de nous a des moments où il peut se décourager face à l’immensité de ce qu’il faudrait faire et aux limites de ce qu’il peut, en revanche, réellement faire. Cela concerne également encore le Pape. Que dois-je faire de l’Eglise à l’heure actuelle, avec les nombreux problèmes, les nombreuses joies, les nombreux défis qui concernent l’Eglise universelle ? Tant de choses se passent jour après jour et je ne suis pas en mesure de répondre à tout. J’accomplis ma part, je fais ce que je peux faire. Je cherche à trouver les priorités. Et je suis heureux d’être assisté par de si nombreux bons collaborateurs. Je peux déjà dire ici, en ce moment: je vois chaque jour le grand travail qu’effectue la Secrétairerie d’Etat sous votre sage direction. Et ce n’est qu’avec ce réseau de collaboration, en m’insérant avec mes petites capacités dans un tout plus grand, que je peux et que j’ose aller de l’avant.

Et ainsi, naturellement, un curé qui se trouve seul voit encore davantage les nombreuses choses qu’il y aurait à faire dans cette situation que vous, P. Zane, avez brièvement décrite. Et il ne peut faire qu’une chose, « tamponner » — comme vous avez dit —, apporter une sorte d’« aide d’urgence », conscient que l’on devrait faire beaucoup plus. Je dirais alors que notre première nécessité à tous est de reconnaître avec humilité nos limites, de reconnaître que nous devons laisser faire la plupart des choses au Seigneur. Aujourd’hui, nous avons entendu dans l’Evangile la parabole du serviteur fidèle (Mt 24, 42-51). Ce serviteur — dit le Seigneur — donne la nourriture aux autres en temps voulu. Il ne fait pas tout ensemble, mais c’est un serviteur sage et prudent, qui sait distribuer dans les différents moments ce qu’il doit accomplir dans cette situation. Il le fait avec humilité, et il est également sûr de la confiance de son maître. Ainsi, nous devons faire tout notre possible pour chercher à être sage et prudent, et également avoir confiance dans la bonté de notre « Maître », du Seigneur, car à la fin il doit lui-même guider son Eglise. Quant à nous, nous nous insérons avec notre petit don et faisons notre possible, surtout les choses qui sont toujours nécessaires: les sacrements, l’annonce de la Parole, les signes de notre charité et de notre amour.

Quant à la vie intérieure, que vous avez mentionnée, je dirais qu’elle est essentielle pour notre service de prêtres. Le temps que nous nous réservons pour la prière n’est pas un temps soustrait à notre responsabilité pastorale, mais est réellement un « travail » pastoral, c’est prier aussi pour les autres. Dans le « Commun des pasteurs » on lit comme étant caractéristique du bon Pasteur que « multum oravit pro fratribus ». C’est le propre du pasteur d’être un homme de prière, de se tenir devant le Seigneur en priant pour les autres, en remplaçant également les autres, qui ne savent peut-être pas prier, qui ne veulent pas prier, qui ne trouvent pas le temps de prier. Combien il apparaît ainsi évident que le dialogue avec Dieu est une œuvre pastorale !

Je dirais donc que l’Eglise nous donne, nous impose presque — mais toujours comme une bonne Mère — d’avoir du temps libre pour Dieu, avec les deux pratiques qui font partie de nos devoirs: célébrer la Messe et réciter le bréviaire. Mais plus que le réciter, il faut le réaliser comme écoute de la Parole que le Seigneur nous offre dans la Liturgie des Heures. Il faut intérioriser cette Parole, être attentif à ce que le Seigneur me dit à travers cette Parole, écouter ensuite les commentaires des Pères de l’Eglise ou également du Concile, dans la deuxième Lecture de l’Office des Lectures, et prier avec cette grande invocation que sont les Psaumes, à travers lesquels nous sommes insérés dans la prière de tous les temps. Le peuple de l’ancienne Alliance prie avec nous – et nous, nous prions avec lui –. Nous prions avec le Seigneur, qui est le véritable sujet des Psaumes. Nous prions avec l’Eglise de tous les temps. Je dirais que ce temps consacré à la Liturgie des Heures est un temps précieux. L’Eglise nous donne cette liberté, cet espace libre de vie avec Dieu, qui est également vie pour les autres.

Et ainsi, il me semble important de voir que ces deux réalités — la Messe célébrée réellement en dialogue avec Dieu et la
Liturgie des Heures — sont des zones de liberté, de vie intérieure, que l’Eglise nous donne et qui sont une richesse pour nous. Nous y rencontrons, comme je l’ai dit, non seulement l’Eglise de tous les temps, mais le Seigneur lui-même, qui parle avec nous et attend notre réponse. Nous apprenons ainsi à prier en nous insérant dans la prière de tous les temps et nous rencontrons également le peuple. Nous pensons aux Psaumes, aux paroles des Prophètes, aux paroles du Seigneur et des Apôtres, nous pensons aux commentaires des Pères. Nous avons aujourd’hui entendu ce merveilleux commentaire de saint Colomban sur le Christ, source d’« eau vive » à laquelle nous buvons. En priant, nous rencontrons également les souffrances du peuple de Dieu d’aujourd’hui. Ces prières nous font penser à la vie de chaque jour et nous guident à la rencontre avec les personnes d’aujourd’hui. Elles nous illuminent au cours de cette rencontre, car nous n’y apportons pas seulement notre petite intelligence, notre amour de Dieu, mais nous apprenons également, à travers cette Parole de Dieu, à leur apporter Dieu. C’est ce qu’elles attendent: que nous leur apportions l’« eau vive », dont parle aujourd’hui saint Colomban. Les gens ont soif. Et ils cherchent à répondre à cette soif par différents divertissements. Mais ils comprennent bien que ces divertissements ne sont pas l’« eau vive » dont ils ont besoin. Le Seigneur est la source de l’ « eau vive ». Il dit cependant, dans le chapitre 7 de Jean, que quiconque croit devient une « source », car il a bu du Christ. Et cette « eau vive » (v. 38) devient en nous eau jaillissante, source pour les autres. Ainsi, nous cherchons à la boire dans la prière, dans la célébration de la Messe, dans la lecture: nous cherchons à boire à cette source pour qu’elle devienne source en nous. Et nous pouvons mieux répondre à la soif des gens d’aujourd’hui en ayant en nous l’« eau vive », en ayant la réalité divine, en ayant la réalité du Seigneur Jésus qui s’est incarné. Ainsi, nous pouvons mieux répondre aux besoins de notre peuple. Voilà, en ce qui concerne la première question. Que pouvons-nous faire ? Faisons toujours le possible pour nos frères — dans les autres questions nous aurons la possibilité de revenir sur ce point — et vivons avec le Seigneur pour pouvoir répondre à la véritable soif des gens.

Votre deuxième question était : avons-nous une espérance pour ce diocèse, pour cette portion du peuple de Dieu qu’est ce diocèse d’Albano et pour l’Eglise ? Je réponds sans hésitation : oui ! Naturellement nous avons de l’espoir : l’Eglise est vivante ! Nous avons derrière nous deux mille ans d’histoire de l’Eglise, avec tant de souffrances et aussi avec de nombreux échecs: pensons à l’Eglise en Asie mineure, la grande et florissante Eglise de l’Afrique du Nord, qui a disparu avec l’invasion musulmane. Des parties de l’Eglise peuvent donc réellement disparaître, comme dit saint Jean dans l’Apocalypse, ou le Seigneur à travers saint Jean: « Je vais venir à toi et je déplacerai ton chandelier, si tu ne te convertis pas » (2, 5). Mais, d’autre part, nous voyons comment malgré tant de crises l’Eglise est re-née avec une nouvelle jeunesse, avec une nouvelle fraîcheur.

Au siècle de la Réforme, l’Eglise catholique apparaissait, en vérité, presque révolue. Le nouveau courant semblait triompher, affirmant: maintenant l’Eglise de Rome est révolue. Mais nous voyons qu’avec les grands saints, comme Ignace de Loyola, Thérèse d’Avila, Charles Borromée et d’autres, l’Eglise renaît. Elle trouve dans le Concile de Trente une nouvelle actualisation et une revitalisation de sa doctrine. Et elle revit avec une grande vitalité. Nous voyons le siècle des Lumières, lorsque Voltaire a affirmé : Cette antique Eglise est enfin révolue, vive l’humanité! Et que se passe-t-il en revanche ? L’Eglise se renouvelle. Le XIXe siècle devient le siècle des grands saints, d’une nouvelle vitalité pour de nombreuses Congrégations religieuses, et la foi est plus forte que tous les courants qui vont et viennent. Il en a été de même au siècle dernier. Hitler a un jour affirmé : « La Providence m’a appelé, moi un catholique, pour qu’en on finisse avec le catholicisme. Seul un catholique peut détruire le catholicisme ». Il était sûr de posséder tous les moyens pour détruire enfin le catholicisme. De même, le grand courant marxiste était sûr de faire la révision scientifique du monde et d’ouvrir les portes à l’avenir: l’Eglise est arrivée à sa fin, elle est révolue ! Mais l’Eglise est plus forte, selon les paroles du Christ. C’est la vie du Christ qui vainc dans son Eglise.

Même à une époque difficile, alors que les vocations manquent, la Parole du Seigneur demeure pour l’éternité. Et celui qui — comme le dit le Seigneur lui-même — construit sa vie sur ce « roc »de la Parole du Christ, construit de manière solide. C’est pourquoi nous pouvons avoir confiance. Nous voyons également à notre époque des initiatives de foi. Nous voyons qu’en Afrique, l’Eglise, malgré tous les problèmes, possède une fraîcheur de vocations encourageante. Et ainsi, avec toutes les diversités du paysage historique d’aujourd’hui, nous voyons — et plus encore nous croyons — que les paroles du Seigneur sont esprit et vie, ce sont des paroles de vie éternelle. Saint Pierre a dit, comme nous l’avons entendu dimanche dernier dans l’Evangile (Jn 6, 69) : « Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le saint, le saint de Dieu ». Et en voyant l’Eglise d’aujourd’hui, en voyant, avec toutes ses souffrances, la vitalité de l’Eglise, nous pouvons nous aussi affirmer : nous croyons et savons que tu nous donnes les paroles de la vie éternelle, et donc une espérance qui ne déçoit point.

La pastorale « intégrée »

Mgr Gianni Macella, Curé à Albano: « Ces dernières années, en harmonie avec le projet de la Conférence épiscopale italienne pour la décennie 2000-2010, nous nous sommes engagés à réaliser un projet de ‘pastorale intégrée’. Les difficultés sont nombreuses. Il peut être utile de rappeler au moins le fait qu’un grand nombre d’entre nous, prêtres, sont encore liés à une certaine pratique pastorale peu missionnaire et qui semblait consolidée, tant elle était liée à un contexte, comme l’on dit, ‘de chrétienté’ ; par ailleurs, beaucoup des demandes de nombreux fidèles envisagent la paroisse comme un ‘supermarché’ de services sacrés. Voilà, je voudrais donc demander à Votre Sainteté: La ‘pastorale intégrée’, est-elle seulement une question de stratégie, ou bien y a-t-il une raison plus profonde pour laquelle nous devons continuer à travailler dans ce sens ? »

BENOIT XVI : Je dois vous avouer que j’ai découvert avec votre question l’expression « pastorale intégrée »… J’en ai toutefois compris le contenu : à savoir que nous devons essayer d’intégrer en un unique chemin pastoral aussi bien les différents agents de la pastorale qui existent aujourd’hui, que les différentes dimensions du travail pastoral. Ainsi je distinguerai entre les dimensions et les sujets du travail pastoral, et je chercherai ensuite à intégrer le tout en un unique chemin pastoral.

Vous avez laissé entendre, dans votre question, qu’il y a un niveau, disons, « classique » du travail dans la paroisse au service des fidèles qui la fréquentent encore — ou peut-être même qui sont en augmentation — qui anime notre paroisse. Il s’agit de la pastorale « classique » et elle est toujours importante. Je distingue en général entre l’évangélisation continue — parce que la foi se transmet, l’Eglise est vivante — et l’évangélisation nouvelle, qui essaie d’être missionnaire, d’aller au-delà des frontières de ceux qui sont déjà des « fidèles » et qui vivent dans la paroisse, ou qui se servent, peut-être aussi avec une foi « réduite », des services de la paroisse.

Au sein
de la paroisse, il me semble que nous avons trois tâches fondamentales, qui découlent de l’essence de l’Eglise et du ministère sacerdotal. La première est le service sacramentel. Je dirais que le Baptême, sa préparation et l’engagement à donner une continuité aux consignes baptismales, nous met également déjà en contact avec ceux qui ne sont pas trop croyants. Ce n’est pas un travail, disons, pour conserver la chrétienté, mais une rencontre avec des personnes qui vont peut-être rarement à l’Eglise. L’engagement de préparer le Baptême, d’ouvrir les âmes des parents, de la famille, des parrains et des marraines, à la réalité du Baptême, peut déjà être et devrait être un engagement missionnaire, qui va bien au-delà des frontières des personnes déjà « fidèles ». En préparant le Baptême, nous essayons de faire comprendre que ce sacrement fait entrer dans la famille de Dieu, que Dieu est vivant, qu’il se préoccupe de nous. Il s’en préoccupe au point d’avoir assumé notre chair et d’avoir institué l’Eglise qui est son Corps, à travers laquelle il peut, pour ainsi dire, à nouveau s’incarner dans notre société. Le Baptême est une nouveauté de vie dans le sens où, outre le don de la vie biologique, nous avons besoin du don d’un sens pour la vie qui soit plus fort que la mort et qui perdure même si nos parents, un jour, ne sont plus là. Le don de la vie biologique se justifie uniquement si nous pouvons ajouter la promesse d’un sens stable, d’un avenir qui, même au cours des crises qui surgiront — et que nous ne pouvons pas connaître —, donnera une valeur à la vie, afin que cela vaille la peine de vivre, d’être des créatures.

Je pense que dans la préparation de ce sacrement ou lors des entretiens avec les parents qui se méfient du Baptême, nous sommes dans une situation missionnaire. C’est un message chrétien. Nous devons nous faire des interprètes de la réalité qui commence avec le Baptême. Je ne connais pas suffisamment bien le Rituel italien. Dans le Rituel classique, hérité de l’Eglise antique, le Baptême commence par la question: « Que demandez-vous à l’Eglise de Dieu ? ». Aujourd’hui, tout au moins dans le rituel allemand, l’on répond simplement : « Le Baptême ». Cela n’explicite pas suffisamment ce qu’il y a à désirer. Dans le Rituel antique, l’on disait : « La foi ». C’est-à-dire une relation avec Dieu. Connaître Dieu. « Et pourquoi — continue-t-on — demandez-vous la foi ? ». « Parce que nous voulons la vie éternelle ». C’est-à-dire que nous voulons une vie sûre même au cours des crises à venir, une vie qui a un sens, qui justifie l’être humain. Ce dialogue, quoi qu’il en soit, doit selon moi déjà commencer, avec les parents, avant le Baptême. Uniquement pour dire que le don du sacrement n’est pas une « chose », n’est pas une simple « chosification » comme disent les Français, mais qu’il s’agit d’un travail missionnaire. Puis il y a la Confirmation, qu’il faut préparer à l’âge où les personnes commencent à prendre des décisions, notamment à l’égard de la foi. Nous ne devons certes pas transformer la Confirmation en une sorte de « pélagianisme », comme si à travers la Confirmation on se faisait catholique tout seul, mais en un entrelacement de dons et de réponses. L’Eucharistie, enfin, est la présence permanente du Christ dans la célébration quotidienne de la Messe. Elle est très importante, comme on l’a dit, pour le prêtre, pour sa vie sacerdotale, en tant que présence réelle du don du Seigneur.

Nous pouvons maintenant mentionner à nouveau le mariage: celui-ci aussi se présente comme une grande occasion missionnaire, parce qu’aujourd’hui — grâce à Dieu — beaucoup de personnes veulent encore se marier à l’église, même si elles ne fréquentent pas beaucoup l’église. C’est une occasion pour amener ces jeunes à se confronter avec la réalité du mariage chrétien, le mariage sacramentel. Cela me semble également une grande responsabilité. Nous le voyons lors des procès en nullité et nous le voyons surtout dans le grand problème des divorcés remariés, qui veulent participer à la Communion et qui ne comprennent pas pourquoi cela n’est pas possible. Ils n’ont probablement pas compris, au moment du « oui » devant le Seigneur, en quoi consiste ce « oui ». C’est une manière de faire alliance avec le « oui » du Christ avec nous. Une manière d’entrer dans la fidélité du Christ, c’est-à-dire dans le Sacrement qu’est l’Eglise et ainsi dans le Sacrement du mariage. C’est pourquoi je pense que la préparation au mariage est une occasion de très grande importance, une occasion d’engagement missionnaire, pour annoncer à nouveau dans le Sacrement du mariage le Sacrement du Christ, pour comprendre cette fidélité et ainsi faire comprendre ensuite le problème des divorcés remariés.

Cela est le premier domaine, le domaine « classique » des Sacrements, qui nous donne l’occasion de rencontrer des personnes qui ne vont pas tous les dimanches à l’Eglise, et donc l’occasion d’une annonce réellement missionnaire, d’une « pastorale intégrée ». Le deuxième domaine est l’annonce de la Parole, avec ses deux éléments essentiels : l’homélie et la catéchèse. Lors du Synode des Evêques de l’année dernière, les Pères ont beaucoup parlé de l’homélie, en soulignant combien il est difficile aujourd’hui de trouver le « pont » entre la Parole du Nouveau Testament, écrite il y a deux mille ans, et notre présent. Je dois dire que l’exégèse historique et critique n’est souvent pas suffisante pour nous aider dans la préparation de l’homélie. Je le constate moi-même, en essayant de préparer des homélies qui actualisent la Parole de Dieu : ou mieux — étant donné que la Parole a une actualité en elle-même — pour faire voir, ressentir aux personnes cette actualité. L’exégèse historique et critique nous dit beaucoup sur le passé, sur le moment où est née la Parole, sur la signification qu’elle a eu au temps des Apôtres de Jésus, mais elle n’aide pas toujours suffisamment à comprendre que les paroles de Jésus, des Apôtres ainsi que celles de l’Ancien Testament, sont esprit et vie : le Seigneur parle encore aujourd’hui. Je pense que nous devons « défier » les théologiens — le Synode l’a fait — et aller de l’avant, pour mieux aider les prêtres à préparer les homélies, à faire voir la présence de la Parole: le Seigneur parle avec moi aujourd’hui et pas uniquement dans le passé. J’ai lu, ces derniers jours, le projet de l’Exhortation apostolique post-synodale. J’ai vu avec satisfaction que se présente à nouveau ce « défi » de préparer des modèles d’homélies. En fin de compte, le curé prépare l’homélie dans son contexte, parce qu’il parle à « sa » paroisse. Mais il a besoin d’aide pour comprendre et pour faire comprendre ce « présent » de la Parole, qui n’est jamais une Parole du passé, mais de l’« aujourd’hui ».

Enfin, le troisième domaine: la caritas, la diakonia. Nous sommes toujours responsables des personnes qui souffrent, des malades, des laissés-pour-compte, des pauvres. A partir du portrait qui m’a été fait de votre diocèse, je constate qu’ils sont nombreux à avoir besoin de notre diakonia et cela aussi constitue toujours une occasion missionnaire. Il me semble que la pastorale paroissiale « classique » se transcende elle-même dans ces trois secteurs et devient pastorale missionnaire.

Je passe à présent au deuxième aspect de la pastorale, du point de vue des agents de la pastorale ainsi que du travail à accomplir. Le curé ne peut pas tout faire ! C’est impossible ! Il ne peut pas être un « soliste », il ne peut pas tout faire, mais il a besoin des autres agents de la pastorale. Il me semble qu’aujourd’hui, à la fois dans les mouvements et au sein de l’Action catholique, dans les nouvelles communautés qui existent, nous avons des agents qui doivent être des collaborateurs dans la paroisse pour une pastorale « intégré e». Je voudrais dire qu’aujourd’hui
il est important pour cette pastorale « intégrée », que les autres agents qui sont présents, non seulement soient actifs, mais s’intègrent dans le travail de la paroisse. Le curé ne doit pas seulement « faire », mais il doit aussi « déléguer ». Les agents doivent apprendre à s’intégrer réellement dans l’engagement commun au service de la paroisse, et naturellement, également dans la « transcendance de soi-même » que la paroisse doit accomplir dans un double sens: transcendance de soi au sens où les paroisses collaborent au sein du diocèse, parce que l’Evêque est leur pasteur commun et aide également à coordonner leurs efforts; et transcendance de soi au sens où ils travaillent pour tous les hommes de ce temps et où ils cherchent également à faire arriver le message aux agnostiques, aux personnes qui sont en recherche. Et cela est le troisième niveau, dont nous avons déjà longuement parlé précédemment. Il me semble que les occasions indiquées nous donnent la possibilité de rencontrer et de dire une parole missionnaire à ceux qui ne fréquentent pas la paroisse, qui n’ont pas la foi ou qui n’ont pas une grande foi. Ce sont surtout ces nouveaux sujets de la pastorale, et les laïcs qui vivent dans le monde professionnel de notre époque, qui doivent apporter la Parole de Dieu également dans les lieux qui sont souvent inaccessibles au curé. Coordonnés par l’Evêque, nous essayons ensemble de coordonner les différents secteurs de la pastorale, de rendre actifs les différents agents et sujets de la pastorale dans l’engagement commun: d’une part d’aider la foi des croyants, qui est un trésor de très grande valeur et, de l’autre, de faire parvenir l’annonce de la foi à tous ceux qui cherchent avec un cœur sincère une réponse satisfaisante à leurs questions existentielles.

© Libreria editrice vaticana
Traduction réalisée par Zenit

Share this Entry

ZENIT Staff

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel