Discours prononcé par le pape lors du consistoire du 24 mars

ROME, Lundi 27 mars 2006 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral du discours que le pape Benoît XVI a prononcé, vendredi 24 mars, à l’occasion du consistoire ordinaire public pour la création de quinze nouveaux cardinaux, qui s’est déroulé sur le parvis de la Basilique Saint-Pierre.

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Vénérés Cardinaux, Patriarches et Evêques,
Mesdames et Messieurs,
Chers frères et sœurs!

En cette veille de la solennité de l’Annonciation du Seigneur, le climat pénitentiel du Carême laisse la place à la fête : aujourd’hui, en effet, le Collège des cardinaux s’enrichit de quinze nouveaux membres. Je vous adresse avant tout à vous, chers frères, que j’ai eu la joie de créer cardinaux, mon salut le plus cordial, et je remercie le card. William Joseph Levada pour les sentiments et les pensées qu’il vient de m’exprimer en votre nom à tous. Je suis heureux de pouvoir saluer également les autres cardinaux, les vénérés patriarches, les évêques, les prêtres, les religieux et les religieuses, ainsi que les nombreux fidèles, en particulier les familles qui sont venues accompagner les nouveaux cardinaux dans la prière et dans la joie chrétienne. Je souhaite la bienvenue avec une reconnaissance particulière aux éminentes autorités gouvernementales et civiles, qui représentent diverses nations et institutions. Le consistoire ordinaire public est un événement qui manifeste avec une grande éloquence la nature universelle de l’Eglise, présente à chaque extrémité de la terre pour annoncer à tous la Bonne Nouvelle du Christ sauveur. Le bien-aimé Jean-Paul II en célébra neuf, contribuant ainsi de façon déterminante à renouveler le Collège cardinalice, selon les orientations que le Concile Vatican II et le serviteur de Dieu Paul VI avaient données. S’il est vrai qu’au cours des siècles, de nombreux changements ont eu lieu concernant le Collège cardinalice, la substance et la nature essentielle de cette importante institution ecclésiale n’ont toutefois pas changé. Ses antiques racines, son développement historique et sa composition actuelle en font véritablement une sorte de « Sénat », appelé à coopérer de manière étroite avec le Successeur de Pierre dans l’accomplissement des devoirs liés à son ministère apostolique universel.

La Parole de Dieu qui vient d’être proclamée, nous fait remonter dans le temps. Avec l’évangéliste Marc, nous sommes remontés à l’origine même de l’Eglise et, en particulier, à l’origine du ministère pétrinien. Avec les yeux du cœur, nous avons revu le Seigneur Jésus, à la louange et à la gloire duquel est totalement orienté et consacré l’acte que nous accomplissons. Il nous a adressé des paroles qui ont rappelé à notre esprit la définition du Pontife romain chère à saint Grégoire le Grand: « Servus servorum Dei ». En effet, Jésus, expliquant aux douze Apôtres que leur autorité devrait s’exercer de façon tout à fait diverse de celle des « chefs des nations », résume cette modalité dans le style du service: « Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur (diÅkono°). Celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous (ici Jésus utilise un mot plus fort, doulo°) » (Mc 10, 43-44). La disponibilité totale et généreuse dans le service aux autres est le signe distinctif de celui qui, dans l’Eglise, a une place qui fait autorité, car il en a été ainsi pour le Fils de l’homme, qui n’est pas venu « pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10, 45). Tout en étant Dieu, et précisément poussé par sa divinité, Il prend la forme de serviteur — « formam servi » — comme l’exprime admirablement l’hymne au Christ contenu dans l’Epître aux Philippiens (cf. 2, 6-7).

Le premier « Serviteur des serviteurs de Dieu » est donc Jésus. Derrière Lui, et unis à Lui, se trouvent les Apôtres ; et parmi ceux-ci, de façon particulière, Pierre, auquel le Seigneur a confié la responsabilité de guider son troupeau. Le devoir du pape est de devenir le premier le serviteur de tous. Le témoignage de cette attitude ressort clairement de la première lecture de cette liturgie, qui nous repropose une exhortation de Pierre aux « prêtres » et aux anciens de la communauté (cf. 1 P 5, 1). Il s’agit d’une exhortation faite avec l’autorité que l’Apôtre possède pour avoir été témoin des souffrances du Christ, Bon Pasteur. On sent que les paroles de Pierre proviennent de l’expérience personnelle de service au troupeau de Dieu, mais avant et plus encore, elles sont fondées sur l’expérience directe de l’attitude de Jésus : de sa façon de servir jusqu’au sacrifice de soi, de son humiliation jusqu’à la mort et à la mort sur une croix, ne plaçant sa confiance que dans le Père, qui l’a exalté au moment opportun. Pierre, comme Paul, a été intimement « conquis » par le Christ — « comprehensus sum a Christo Iesu » (cf. Ph 3, 12) — et, comme Paul, il peut exhorter les anciens avec une pleine autorité, car ce n’est plus lui qui vit, mais le Christ qui vit en lui — « vivo autem iam non ego, vivit vero in me Christus » (Ga 2, 20).

Oui, vénérés et chers frères, ce qu’affirme le Prince des Apôtres est parfaitement adapté à celui qui est appelé à revêtir la pourpre cardinalice: « Je m’adresse à ceux qui exercent parmi vous la fonction d’Anciens, car moi aussi je fais partie des Anciens, je suis témoin de la passion du Christ, et je la communierai à la gloire qui va se révéler » (1 P 5, 1). Il s’agit de paroles qui, même dans leur structure essentielle, rappellent le mystère pascal, particulièrement présent dans notre cœur en ces jours de carême. Saint Pierre les applique à lui-même, en tant que faisant « partie des Anciens » (sumpresbµtero°), laissant ainsi entendre que l’Ancien dans l’Eglise, le prêtre, en vertu de l’expérience acquise au cours des années et des épreuves subies et surmontées, doit être particulièrement « en harmonie » avec l’intime dynamisme du mystère pascal. Combien de fois, chers frères, qui venez de recevoir la dignité cardinalice, vous avez trouvé dans ces paroles un motif de méditation et d’encouragement spirituel à suivre les traces du Seigneur crucifié et ressuscité ! Celles-ci trouveront une confirmation supplémentaire et exigeante dans ce que votre nouvelle responsabilité demandera de vous. Plus étroitement liés au successeur de Pierre, vous serez appelés à collaborer avec lui dans l’accomplissement de son service ecclésial particulier, et cela signifiera pour vous une participation plus intense au mystère de la Croix dans le partage des souffrances du Christ. Et nous sommes tous réellement témoins de ses souffrances aujourd’hui, dans le monde, ainsi que dans l’Eglise, et c’est précisément de cette manière que nous participons également à sa gloire. Cela vous permettra de puiser plus abondamment aux sources de la grâce et d’en diffuser les fruits bénéfiques de façon plus efficace autour de vous.

Vénérés et chers frères, je voudrais résumer le sens de votre nouvel appel dans la parole que j’ai placée au centre de ma première Encyclique : caritas. Elle s’associe également bien à la couleur de l’habit cardinalice. Que la pourpre que vous revêtez soit toujours l’expression de la caritas Christi, en vous encourageant à un amour passionné pour le Christ, pour son Eglise et pour l’humanité. Vous avez à présent un motif supplémentaire pour vous efforcer de revivre les mêmes sentiments qui poussèrent le Fils de Dieu fait homme à verser son sang en expiation des péchés de l’humanité tout entière. Je compte sur vous, vénérés frères, je compte sur tout le Collège dont vous faites à présent partie, pour annoncer au monde que « Deus caritas est », et pour le faire avant tout à travers le témoignage d’une communion sincère entre les chrétiens : « A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13, 35), dit Jésus. Je compte sur vous, chers frères cardinaux, pour faire en sorte que le principe de la charité puisse rayonner et réussisse à vivifier l’Eglise à tous les niveaux de sa hiérarchie, dans chaque communauté et institut religieux, dans toute initiative spirituelle, apostolique et d’anima
tion sociale. Je compte sur vous afin que l’effort commun de fixer notre regard sur le Cœur ouvert du Christ rende plus sûr et plus rapide le chemin vers la pleine unité des chrétiens. Je compte sur vous afin que, grâce à la valorisation attentive des petits et des pauvres, l’Eglise offre au monde de façon incisive l’annonce et le défi de la civilisation de l’amour. Je suis heureux de voir tout cela symbolisé dans la pourpre dont vous êtes revêtus. Que celle-ci soit véritablement le symbole de l’amour chrétien ardent qui transparaît de votre existence.

Je confie ces vœux aux mains maternelles de la Vierge de Nazareth, en laquelle le Fils de Dieu puisa le sang qu’il allait ensuite verser sur la Croix comme témoignage suprême de sa charité. Dans le mystère de l’Annonciation, que nous nous apprêtons à célébrer, il nous est révélé que par l’œuvre de l’Esprit Saint, le Verbe divin s’est fait chair et est venu habiter parmi nous. Que par l’intercession de Marie, l’effusion de l’Esprit de vérité et de charité descende en abondance sur les nouveaux cardinaux et sur nous tous, afin que, toujours plus pleinement conformes au Christ, nous puissions nous consacrer inlassablement à l’édification de l’Eglise et à la diffusion de l’Evangile dans le monde.

© Copyright du texte original en italien : Libreria Editrice Vaticana
Traduction réalisée par Zenit

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ZENIT Staff

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