ROME, Vendredi 10 mars 2006 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile de ce dimanche, proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Evangile de Jésus Christ selon saint Marc 9, 2-10

Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l'écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d'une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. Élie leur apparut avec Moïse, et ils s'entretenaient avec Jésus. Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est heureux que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. » De fait, il ne savait que dire, tant était grande leur frayeur. Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le. » Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux.
En descendant de la montagne, Jésus leur défendit de raconter à personne ce qu'ils avaient vu, avant que le Fils de l'homme soit ressuscité d'entre les morts. Et ils restèrent fermement attachés à cette consigne, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d'entre les morts ».

© AELF


Ecoutez-le !

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le ! ». Par ces paroles, Dieu le Père donnait Jésus Christ à l’humanité comme son Maître unique et définitif, supérieur à la Loi et aux prophètes.

Où Jésus parle-t-il aujourd’hui pour que nous puissions l’écouter ? Il nous parle avant tout à travers notre conscience qui est une sorte de « répétiteur » de la voix même de Dieu en nous.

Mais notre conscience seule ne suffit pas. Il est facile de lui faire dire ce qu’il nous plaît d’entendre. Elle a par conséquent besoin d’être éclairée et soutenue par l’Evangile et l’enseignement de l’Eglise. L’Evangile est le lieu par excellence où Jésus nous parle aujourd’hui.

Nous savons toutefois par expérience que même les paroles de l’Evangile peuvent être interprétées de différentes manières. L’Eglise, instituée par le Christ précisément dans ce but, est celle qui nous assure une interprétation authentique : « Qui vous écoute, m’écoute ! ». Pour cette raison, il est important que nous cherchions à connaître la doctrine de l’Eglise, à la connaître personnellement, telle que l’Eglise la comprend et la propose, et pas selon l’interprétation, souvent déformée et réductrice des mass media.

Savoir où Jésus ne parle pas est presque aussi important que savoir où il parle aujourd’hui. Il ne parle certes pas à travers les mages, les devins, les nécromanciens, les diseurs d’horoscopes, les prétendus messages extra-terrestres ; il ne parle pas dans les séances de spiritisme, dans l’occultisme. Dans l’Ecriture nous lisons une mise en garde à ce propos : « On ne trouvera chez toi personne (…) qui pratique divination, incantation, mantique ou magie, personne qui use de charmes, qui interroge les spectres et devins, qui invoque les morts. Car quiconque fait ces choses est en abomination à Yahvé ton Dieu » (Dt 18, 10-12).

Il s’agissait des moyens typiques que les païens utilisaient pour entrer en relation avec le divin. Ils prenaient les augures en consultant les astres, les entrailles des animaux ou le vol des oiseaux. Avec cette parole de Dieu : « Ecoutez-le ! » tout cela est terminé. Il y a un seul médiateur entre Dieu et les hommes ; nous ne sommes plus obligés d’avancer « à tâtons » pour connaître la volonté de Dieu, de consulter telle ou telle chose. Nous avons chaque réponse en Jésus Christ.

Aujourd’hui malheureusement ces rites païens sont à nouveau à la mode. Comme toujours, lorsque la vraie foi diminue, la superstition augmente. Prenons la chose la plus inoffensive de toutes : l’horoscope. Il n’existe pas de journal ou de station radio qui ne propose quotidiennement l’horoscope à ses lecteurs ou ses auditeurs.

Pour les personnes mûres, dotées d’un minimum de sens critique ou d’ironie, il ne s’agit que d’une ridiculisation réciproque inoffensive, une sorte de jeu et de passe-temps. Mais observons ses effets à long terme. Quelle est la mentalité qui se développe, surtout chez les enfants et les adolescents ? La mentalité selon laquelle le succès dans la vie ne dépend pas de l’effort, de l’application dans l’étude et de la constance dans le travail, mais de facteurs externes, impondérables ; du fait de réussir à détourner à son propre avantage certains pouvoirs, personnels ou d’autrui. Pire encore, tout cela conduit à penser que, dans le bien et dans le mal, ce n’est pas nous qui sommes responsables mais les « astres », comme pensait Dom Ferrante de mémoire manzonienne.

Je dois évoquer un autre domaine dans lequel Jésus ne parle pas mais où, en revanche, on le fait parler constamment : celui des révélations privées, des messages célestes, des apparitions et des voix de différentes natures. Je ne dis pas que le Christ ou la Vierge ne peuvent pas parler également à travers ces moyens. Ils l’ont fait dans le passé et ils peuvent le faire, de toute évidence, encore aujourd’hui. Mais avant de partir du principe que c’est Jésus ou la Vierge qui parle, et qu’il ne s’agit pas de la fantaisie maladive de quelqu’un ou, pire, de petits malins qui jouent sur la bonne foi des personnes, il faut avoir des garanties. Il faut, dans ce domaine, attendre le jugement de l’Eglise, et non le précéder. Les paroles de Dante sont encore d’actualité : « Soyez, chrétiens, à vous mouvoir plus graves, ne soyez comme plumes à tout vent » (Paradis V, 73 s. cf. Editions du Cerf pour la traduction française).

Saint Jean de la Croix disait que depuis qu’il a dit de Jésus, sur le Thabor : « Ecoutez-le ! », Dieu est devenu, dans un certain sens, muet. Il a tout dit, il n’a rien de nouveau à révéler. Ceux qui lui demandent de nouvelles révélations ou réponses, l’offensent, comme s’il ne s’était pas encore expliqué clairement. Dieu continue à dire à tous les mêmes paroles : « Ecoutez-le, lui ! Lisez l’Evangile : vous y trouverez non pas moins, mais plus que ce que vous cherchez ».