Chers frères et sœurs,
Aujourd’hui, avec la liturgie du Mercredi des Cendres, commence l’itinéraire quadragésimal de quarante jours, qui nous conduira au Triduum pascal, mémoire de la passion, de la mort et de la résurrection du Seigneur, cœur du mystère de notre salut. Il s’agit d’un temps favorable, où l’Eglise invite les chrétiens à prendre une conscience plus vive de l’œuvre rédemptrice du Christ et à vivre plus profondément leur Baptême. En effet, en cette période liturgique, le Peuple de Dieu, depuis les premiers temps, se nourrit avec abondance de la Parole de Dieu pour se renforcer dans la foi, en re-parcourant toute l’histoire de la création et de la rédemption.
De par sa durée de quarante jours, le Carême possède une force évocatrice indéniable. Il entend en effet rappeler plusieurs des événements qui ont rythmé la vie et l’histoire de l’antique Israël, en nous en re-proposant également la valeur de paradigme: pensons, par exemple, aux quarante jours du déluge universel, qui débouchèrent sur le pacte de l’alliance scellée par Dieu avec Noé, et ainsi, avec l’humanité, et aux quarante jours passés par Moïse sur le Mont Sinaï, qui furent suivis par le don des tables de la Loi. La période quadragésimale veut surtout nous inviter à revivre avec Jésus les quarante jours qu’il passa dans le désert, en priant et en jeûnant, avant d’entreprendre sa mission publique. Nous aussi, nous entreprenons aujourd’hui un chemin de réflexion et de prière avec tous les chrétiens du monde, pour nous diriger spirituellement vers le Calvaire, en méditant sur les mystères centraux de la foi. Nous nous préparerons ainsi à faire l’expérience, après le mystère de la Croix, de la joie de la Pâque de résurrection.
On accomplit aujourd’hui, dans toutes les communautés paroissiales, un geste austère et symbolique: l’imposition des cendres. Ce rite est accompagné par deux formules riches de sens, qui constituent un appel pressant à se reconnaître pécheurs et à retourner à Dieu. La première formule dit : « Souviens-toi que tu es poussière, et que tu retourneras à la poussière » (cf. Gn 3, 19). Ces paroles, tirées du livre de la Genèse, évoquent la condition humaine placée sous le signe de la caducité et de la limite, et entendent nous pousser à placer toutes nos espérances uniquement en Dieu. La deuxième formule se réfère aux paroles prononcées par Jésus au début de son ministère itinérant : « Convertissez-vous et croyez à l’Evangile » (cf. Mc 1, 15). C’est une invitation à adhérer de manière ferme et confiante à l’Evangile comme fondement du renouveau personnel et communautaire. La vie du chrétien est une vie de foi, fondée sur la Parole de Dieu et nourrie par elle.
Dans les épreuves de la vie et face à chaque tentation, le secret de la victoire réside dans l’écoute de la Parole de vérité et dans le ferme refus du mensonge et du mal. Tel est le programme véritable et central du temps du Carême: écouter la Parole de vérité, vivre, parler et faire la vérité, refuser le mensonge qui empoisonne l’humanité et qui ouvre la porte à tous les maux. Il est donc urgent d’écouter à nouveau, au cours de ces quarante jours, l’Evangile, la Parole du Seigneur, parole de vérité, afin qu’en chaque chrétien, en chacun de nous, se renforce la conscience de la vérité donnée, qui nous est donnée, afin que nous en vivions et en devenions le témoin. Le Carême nous invite à laisser la Parole de Dieu pénétrer dans notre vie et à connaître ainsi la vérité fondamentale: qui sommes-nous, d’où venons-nous, où devons-nous aller, quel est le chemin à prendre dans la vie ? Et ainsi, le temps du Carême nous offre un parcours ascétique et liturgique qui, alors qu’il nous aide à ouvrir les yeux sur notre faiblesse, nous fait ouvrir notre cœur à l’amour miséricordieux du Christ.
En nous rapprochant de Dieu, le chemin quadragésimal nous permet de poser sur nos frères et leurs besoins un regard nouveau. Celui qui commence à voir Dieu, à regarder le visage du Christ, contemple également son frère avec un autre regard. Il découvre son frère, son bien, son mal, ses nécessités. C’est pourquoi le Carême, comme écoute de la vérité, est un moment favorable pour se convertir à l’amour, car la vérité profonde, la vérité de Dieu, est dans le même temps amour. En nous convertissant à la vérité de Dieu, nous devons nécessairement nous convertir à l’amour. Un amour qui sache adopter l’attitude de compassion et de miséricorde du Seigneur, comme j’ai voulu le rappeler dans le Message pour le Carême, qui a pour thème les paroles évangéliques: «Voyant les foules, Jésus eut pitié d’elles » (Mt 9, 36). Consciente de sa mission dans le monde, l’Eglise ne cesse de proclamer l’amour miséricordieux du Christ, qui continue à tourner son regard plein d’émotion vers les hommes et les peuples de tous les temps. « Face aux terribles défis de la pauvreté d’une si grande part de l’humanité — ai-je écrit dans le Message de Carême mentionné ci-dessus —, l’indifférence et le repli sur son propre égoïsme se situent dans une opposition intolérable avec le « regard du Christ ». La prière, le jeûne et l’aumône, que l’Eglise propose de manière spéciale dans le temps du Carême, sont des occasions propices pour se conformer à ce « regard »», au regard du Christ, et nous voir nous-mêmes, l’humanité et les autres, avec ce regard. Dans cet esprit, nous entrons dans le climat d’austérité et de prière du Carême, qui est véritablement un climat d’amour pour nos frères.
Que ce soient des jours de réflexion et d’intense prière, au cours desquels nous nous laissons guider par la Parole de Dieu, que la liturgie nous propose en abondance. En outre, que le Carême soit un temps de jeûne, de pénitence et de vigilance sur nous-mêmes, convaincus que la lutte contre le péché ne finit jamais, car la tentation est une réalité de chaque jour et la fragilité et l’illusion sont l’expérience de tous. Enfin, que le Carême soit, à travers l’aumône et les actions de bien à l’égard de nos frères, une occasion de partage sincère des dons reçus avec nos frères et d’attention aux besoins des plus pauvres et des laissés-pour-compte.
Que Marie, la Mère du Rédempteur, modèle d’écoute et de fidèle adhésion à Dieu, nous accompagne dans cet itinéraire pénitentiel. Que la Très Sainte Vierge nous aide à arriver, purifiés et renouvelés dans notre cœur et notre esprit, à célébrer le grand mystère de la Pâque du Christ. Avec ces sentiments, je souhaite à tous un bon et fructueux Carême.
[Texte original : italien – Traduction réalisée par Zenit]