Wang Huiling est catholique. Agée de 49 ans, cela fait deux ans qu’elle se déplace dans les localités alentour de son village natal, Liuhe. Situé dans le district de Qingxu, à une heure de voiture de Taiyuan, chef-lieu de la province du Shanxi, Liuhe est un village catholique. A pied ou en voiture, Wang Huiling rend visite aux personnes qui peuvent avoir besoin d’aide, le plus souvent des personnes âgées, isolées et sans parents pour prendre soin d’elles. Elle tient à leur témoigner l’amour de Dieu et raconte sa visite à un vieillard alité : « La première fois que je suis entré chez lui, je l’ai vu allongé sur son lit. Je n’ai rien dit. J’ai seulement pris son pot de chambre pour aller le vider. »
Dans le témoignage qu’elle a confié à l’agence Ucanews en octobre dernier (1), elle poursuit, évoquant la réaction du vieil homme. « Il était très têtu, avec un mauvais caractère. Jamais il n’écoutait ce que les autres lui disaient. Il refusait d’aller consulter un médecin, même lorsqu’il était gravement malade », se rappelle-t-elle, précisant que son hôte ne lui témoigna aucune reconnaissance pour cette première visite. Revenant chez lui une à deux fois par semaine, Wang Huiling faisait sa lessive et les autres tâches ménagères, sans un mot quant à la foi catholique qui l’anime. Cependant, avec ce « militant maoïste », ainsi qu’elle le qualifie dans un sourire, au bout d’un mois, ils ont tous deux commencé à avoir des conversations quant à leurs croyances respectives. Le vieil homme ne croyait pas en Dieu et la perspective de la mort ne lui faisait pas changer d’avis. En secret, Wang Huiling priait et jeûnait pour lui. A l’article de la mort, le vieil homme accepta finalement de se convertir. « Je l’ai baptisé, car les prêtres de la paroisse n’étaient pas disponibles à ce moment-là », se souvient-elle, précisant qu’elle a ainsi œuvré à la conversion de vingt-cinq personnes, dont quatre sont aujourd’hui décédées.
Dans le village de Liuhe, où la paroisse rassemble 6 000 catholiques – un chiffre élevé en Chine continentale –, Wang Huiling n’est pas un cas isolé. Ils sont plusieurs dizaines, surtout des femmes, à consacrer leur temps à la diffusion de la Bonne Nouvelle. Le plus souvent, les familles dont ils sont issus sont catholiques depuis plusieurs générations. Pour le curé de la paroisse, le P. Zhang Junhai, l’aide de ces évangélisatrices est essentielle. « Lorsque je me rends chez les non-chrétiens, j’y vais accompagné de laïques car il ne serait pas convenable que je sonne chez les gens en étant seul », témoigne-t-il.
La paroisse a lancé un cours de formation destiné aux évangélisateurs laïques en 2002. Ce sont des sessions courtes de catéchisme. L’un d’eux, organisé du 5 au 18 septembre dernier, a réuni soixante personnes. « Nombre d’entre elles (ce sont principalement des femmes) n’ont pas reçu une éducation approfondie. Et l’on doit d’abord s’assurer de la solidité des fondations avant de se lancer dans l’étude systématique du catéchisme », explique le P. Zhang, qui ajoute : « Je leur dit que nous devons faire preuve d’enthousiasme lorsque nous allons vers les non-croyants, mais que nous ne pouvons nous contenter de notre enthousiasme. » Agé de 42 ans, le prêtre précise que, selon lui, il n’existe pas de méthode toute faite pour l’évangélisation. « Nous avons à nous montrer souples et ajuster nos façons de faire aux gens que nous rencontrons. »
Pour l’évangélisatrice Wang Zhongfeng, « sans le soutien des prêtres, nous ne pouvons atteindre notre but. Nous sommes comme les poissons et les prêtres sont comme l’eau ». Le P. Duan Xiaogang, vicaire à la paroisse de Liuhe, l’analogie est bonne, mais il en inverse les termes : « Le clergé est comme le poisson et les évangélisateurs laïques sont comme l’eau. »
Tous, parmi les évangélisateurs, ne participent pas de la même manière à cet apostolat. Wu Jingxian insiste sur le fait qu’elle se contente de transporter les évangélisateurs en voiture. « Je suis comme les jambes de Dieu lorsque je véhicule les évangélisateurs dans les villages », dit-elle, admettant toutefois qu’il lui arrive plus souvent qu’à son tour de chanter des cantiques et de prier durant les visites à domicile. Parmi les choses que les gens visités répètent souvent, rapporte-t-elle, il y a ce refrain : « Je crois en Dieu, mais je ne prie pas » ou bien « je ne vais pas à l’église ». Aller à l’église, assister à la messe est perçu comme « une corvée ennuyeuse ». Selon Wu Jingxian, les évangélisateurs répondent à cela en disant qu’il est urgent sur cette terre de consacrer du temps à Dieu, afin de jouir de la vie éternelle dans l’autre monde.
Parfois, l’accueil des personnes visitées est hostile. Zhu Ailin, une autre évangélisatrice, se rappelle d’avoir approché une famille où « le fils, un maoïste, m’a vertement réprimandé pour parler de Dieu ». « Je savais que c’était la passion de Jésus que j’avais à endurer et je n’ai rien répondu, explique-t-elle. Et, de façon surprenante, le fils m’a dit merci lorsque je suis partie. »
Pour Han Jiangping, un des responsables laïcs de la paroisse, l’activité déployée par les évangélisateurs a transformé l’atmosphère. Dans les années 1980, lorsque les activités religieuses ont progressivement repris dans le pays, « nous pensions que l’Eglise appartenait avant tout au clergé et aux leaders laïcs ». Aujourd’hui, ajoute-t-il, « nous avons fortement le sentiment que l’Eglise est nôtre ». A Liuhe, un village rural où la principale activité est la culture maraîchère, les jeunes vivent sur place, pour prendre soin de leurs parents et vivre auprès de catholiques, et se rendent dans les villes voisines uniquement pour la journée, où ils trouvent à s’employer. Selon les témoignages recueillis par Ucanews, les jeunes catholiques préfèrent cette vie à un exil dans une ville plus éloignée où ils pourraient trouver des emplois mieux rémunérés.
(1) Ucanews, 23 novembre 2005