Violences en RDC : Message des évêques au président de la République

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ROME, Vendredi 25 novembre 2005 (ZENIT.org« >http://www.zenit.org/ »>ZENIT.org) – A la suite des actes de violence perpétrés par des miliciens Maï-Maï, au Katanga, dans le sud du Congo, les évêques du Karanga ont envoyé un message au président de la République et au représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies en République Démocratique du Congo. Nous reprenons le texte de ce Mémorandum, publié par l’agence vaticane Fideshttp://www.fides.org »>Fides>.

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Nous, Archevêque et évêques de Lubumbashi, Manono et Kilwa-Kasenga, vous exprimons notre vive inquiétude au sujet de la situation des éléments Mai-Mai dans le nord et le centre de la province du Katanga. Cette situation préoccupante touche à six diocèses de notre province, à savoir Lubumbashi, Kamina, Kalemie-Kirungu, Kongolo, Manono et Kilwa-Kasenga.

En effet, depuis la guerre de 1998, des milices Maï-Maï ont été formées et armées pour défendre l’intégrité territoriale de notre pays. Au regard de l’Accord Global et Inclusif et de la réunification de la RDC, nous croyons sincèrement que ces milices n’ont plus de raison d’être.

Aussi est-ce avec satisfaction que nous saluons la participation de toutes les Composantes et Entités à la gestion du pays, y compris les combattants Maï-Maï. De même, nous nous réjouissons de la mise sur pied, avec l’appui de la Communauté Internationale, de certaines initiatives fort louables comme le programme de DDR, le brassage des armées, la CONADER ainsi que la démobilisation des enfants soldats.

Toutefois, si ces initiatives commencent à porter des fruits ailleurs, au Katanga, à part le timide démarrage des activités de la CONADER à Kamina et les efforts isolés de l’ONG PAREC dans certaines localités du nord de la province, le problème des Maï-Maï est entier.

A notre avis, depuis que l’on parle de transition, on distingue deux catégories des Mai-Mai au Katanga. La première catégorie est constituée de ceux qui errent dans la cité et n’obéissent qu’à leurs chefs. Ils érigent parfois des barrières, tracassent la population et se constituent comme une police parallèle. Ce type de Maï-Maï se trouve essentiellement dans certaines localités du diocèse de Kongolo. La deuxième catégorie est composée des Maï-Maï qui occupent certains espaces du territoire de la province et qui, par conséquent, échappent au contrôle du Gouvernement central. Tel est le cas dans certaines parties des diocèses de Kalemie-Kirungu, Manono, Kilwa-Kasenga, Kamina et Lubumbashi. A certains endroits, des exactions les plus abominables sont commises contre la population civile. Les témoignages de rescapés et de déplacés de guerre révèlent des crimes graves: tueries, incendies de maisons, séquestration de personnes, confiscation de biens, vol, viol, etc. On y déplore même des cas de cannibalisme. Ces méfaits provoquent le déplacement de populations, la frustration, le traumatisme, la haine, la malnutrition ainsi que la catastrophe humanitaire. C’est le cas notamment à Dubie et Mitwaba dans le nord du diocèse de Kilwa-Kasenga et dans le nord-est du diocèse de Manono. Dans ces localités, on enregistre une forte concentration de déplacés de guerre qui, selon les mêmes témoignages, fuient l’horrible terreur d’un chef Maï-Maï nommé KYUNGU KASONGO, alias Gédéon qui sème la désolation dans la région comprise entre Mitwaba, Manono, Dubie et Pweto.

Depuis une cinquantaine de jours, l’Abbé François DJIKULO, prêtre du diocèse de Manono et un laïc nommé Simon KAYIMBI se seraient rendus en mission de bons offices dans le territoire contrôlé par Gédéon et ses hommes, pour tenter de les convaincre de déposer les armes. Mais jusqu’à ce jour, ces pauvres gens ne sont jamais revenus.

Sont-ils pris en otage ou tués ? Personne ne le sait. Les rumeurs les plus troublantes courent au sujet de leur sort. L’Eglise de Dieu qui est au Katanga est dans l’inquiétude.

Comme vous le savez, il n’est pas dans les habitudes de l’Eglise de se mêler des problèmes de sécurité. Mais, si nous intervenons, c’est essentiellement pour plusieurs raisons fondamentales. D’une part le silence sur ce drame nous inquiète. Une simple comparaison avec les efforts de sécurisation déployés ailleurs par le Gouvernement, avec le concours de la MONUC, suffit pour s’en convaincre. De même, l’état psychologique et l’équipement des troupes gouvernementales placées en face des Maï-Maï au centre du Katanga démontrent que l’on minimise le drame. D’autre part, la paix est menacée et des vies humaines sont en danger. Le nombre de sinistrés, abandonnés à leur triste sort, est effrayant. Enfin, la persistance de ce problème menace également le processus électoral que le peuple congolais appelle de tous ses vœux. Nous ne sommes pas loin de penser que les Maï-Maï qui tuent leurs propres frères bénéficient des appuis dans certains milieux où l’on cache des agendas politiques. C’est pourquoi, nous recommandons :

1. Que le gouvernement et la MONUC se penchent sérieusement sur le problème des Maï-Maï au Katanga et le résolvent dans le cadre global du processus de la Transition. Concrètement, nous recommandons vivement le démarrage au Katanga des opérations de DDR, l’accélération des activités de la CONADER et le démantèlement de tous les groupes armés opérant au Katanga. Pour le besoin de la cause, il faut imposer la paix par la force, comme en Ituri ;

2. Que les instances compétentes de l’Etat fassent tout pour libérer l’Abbé François DJIKULO et son compagnon des mains de KYUNGU KASONGO Gédéon ;

3. Que l’on accorde une assistance humanitaire aux sinistrés victimes du phénomène Maï-Maï, principalement ceux de Mitwaba, Dubie, Pweto, Mpyana-Mwanga et d’ailleurs au Katanga.

4. Que l’on pacifie les territoires contrôlés par les Maï-Maï ;

5. Que l’on garantisse l’aboutissement du processus électoral sur toute l’étendue du pays.
Le Dieu de la vie en qui nous croyons est aussi celui de l’espérance. Nos prières se conjuguent aux efforts de vos lourdes responsabilités pour que la paix règne en RDC et au Katanga. Que Dieu bénisse la RDC.

Fait à Lubumbashi, le 28 octobre 2005
+ Floribert SONGASONGA, Archevêque de Lubumbashi Vincent de Paul KWANGA,
+ évêque de Manono Fulgence MUTEBA, évêque de Kilwa-Kasenga

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ZENIT Staff

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