Le président Alberto Fujimori a mis en place une politique de réduction de la fécondité dans le cadre d’un programme de planning familial. Ce programme a bénéficié du financement des Nations Unies et de l’Usaid, agence américaine pour le développement international, qui y a consacré 30 millions de dollars entre 1993 et 1998. Selon l’Express, ces organismes n’ont pas su voir que cette campagne de régulation de naissances « a vite dérapé » et que de très nombreuses femmes ont été stérilisées contre leur gré.
Pour Fujimori, il s’agissait de faire baisser le taux de natalité pour obtenir une augmentation du PIB par habitant. Les populations pauvres étaient les premières visées. Dans les campagnes étaient organisées des « festivals de ligature de trompes » où les femmes étaient stérilisées par groupe de 20 ou 30. La ligature des trompes était baptisée « contraception chirurgicale volontaire » et présentée comme un moyen de contraception supplémentaire et gratuite.
Pour que les femmes acceptent la ligature des trompes, le personnel médical faisait une forte pression et de fausses promesses. Un haut responsable de l’époque, explique « il y a eu des excès, on ne peut pas le nier. (…). Il faut dire que nous avions une forte pression du gouvernement, nous avions des quotas très élevés », « nous étions des soldats et nous devions exécuter des ordres. Tous les lundis, il fallait rendre un rapport avec le nombre de ligatures effectuées dans la semaine ». Du directeur du programme aux infirmières, chacun avait « un contingent de femmes à opérer ou à convaincre ». Ceux qui y parvenaient étaient récompensés, les autres « risquaient d’être virés » explique Carlos Lozano, alors médecin dans un hôpital d’Iquitos (Amazonie péruvienne). Il rajoute : « c’était une dictature ».
Depuis 2000, trois commissions d’enquête ont été créées au Congrès péruvien, mais leurs conclusions ont été à chaque fois rejetées. Pour l’Express, c’est parce que ces commissions étaient essentiellement composées de députés conservateurs qui dénonçaient, au-delà des stérilisations forcées, toutes les méthodes de contraception. Pour Maria Esther Mogollon, présidente de MAM-Linea Fundacional, la seule organisation féministe mobilisée sur la question : « présenté par une personne d’un autre bord, ce rapport aurait abouti ».
Nelly Calderon, procureur général de la République, expliquait l’an dernier au quotidien espagnol El Pais que face à la stérilisation de « communautés entières », elle voulait inculper Fujimori, exilé au Japon, pour génocide. Aujourd’hui, elle estime « manquer d’informations ».