Après plusieurs années de débats (1), la Corée du Sud s’est dotée d’une loi encadrant les recherches sur l’embryon humain. Votée en décembre 2003, promulguée en janvier 2004, la « Loi sur la sécurité et la bioéthique » est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. A cette occasion, le P. Dominic Woo Jae-myung, prêtre catholique et spécialiste de théologie morale, a publié un appel demandant la révision de cette loi. Directeur de l’Institut de recherche sur la vie et la culture à l’université jésuite Sogang, à Séoul, le P. Woo souligne que, si la loi interdit le clonage d’embryon humain à fin de reproduction, le texte législatif autorise la recherche sur les embryons humains à des fins de recherche médicale.
Le P. Woo commence par rappeler que le texte qui est entré en vigueur ce 1er janvier a une longue histoire. Sous la précédente législature (1996-2000), certains parlementaires avaient étudié la possibilité d’amender les lois existantes dans le domaine de la bioéthique pour introduire l’interdiction du clonage des embryons humains. Leur initiative avait fait long feu et l’Assemblée nationale a été dissoute en 2000. Avec la nouvelle Chambre, l’initiative est venue non de députés mais du gouvernement : en septembre 2002, le ministère de la Santé a introduit un projet de loi. Celui-ci deviendra l’actuelle « Loi sur la sécurité et la bioéthique », après bien des débats au Parlement et au sein de la société civile, dans les cercles scientifiques et ailleurs.
Pour le P. Woo, l’importance de cette loi tient au fait que c’est le premier texte législatif qui encadre de façon générale les questions de bioéthique et les problèmes liés au développement des sciences de la vie. Il est significatif que la loi pose comme principe l’interdiction du clonage des embryons humains. Mais, une fois posés ces préalables, la loi comporte des éléments inacceptables car contraires à la vie, estime le théologien.
Ainsi, poursuit le P. Woo, l’article 11 pose l’interdit du clonage d’un embryon humain à fin de reproduction et l’article 12 interdit l’implantation d’un embryon humain dans l’utérus d’un animal ou celle d’un embryon animal dans un utérus humain. Mais une clause de ce même article 12 autorise de telles expériences d’hybridation pourvu qu’elles aient pour objet de tester la vitalité des spermatozoïdes humains. Par ailleurs, l’article 22 interdit de manière générale le transfert du noyau de cellules souches, mais l’autorise en fait pour un motif thérapeutique.
Au sujet du Conseil national de bioéthique, créé par la loi afin de conseiller le gouvernement sur les évolutions à venir dans le domaine des sciences de la vie, le P. Woo estime que sa composition le rend trop sensible aux changements politiques et aux intérêts des chercheurs pour qu’il soit véritablement à même de défendre la dignité de la vie humaine et de l’être humain. Enfin, l’encadrement des recherches au sein des laboratoires privés est insuffisant, ajoute le P. Woo. La loi prévoit que les laboratoires travaillant sur les maladies et les diagnostics génétiques doivent « s’enregistrer » auprès du ministère de la Santé. Un simple enregistrement n’est pas suffisant et un système d’autorisation devrait lui être substitué, dit le P. Woo. Le risque est ici de voir se développer la commercialisation des diagnostics dans le domaine génétique. De même, la loi, dans son article 25, n’encadre pas avec suffisamment de rigueur la question du diagnostic prénatal et pourrait déboucher sur une multiplication des avortements demandés au motif que le fœtus ou l’embryon sont porteurs de maladies génétiques.
Sur le fond, écrit encore le P. Woo, ce dont s’inquiète l’Eglise catholique, « c’est qu’un embryon créé à des fins de recherche est identique à un embryon créé pour cloner un bébé ». Si le clonage à fin reproductive est interdit, le clonage à fin thérapeutique doit également l’être, argumente le prêtre, car il n’est pas justifiable de tuer un embryon. La loi telle qu’elle est, poursuit-il, n’empêche pas les technologies liées aux sciences de la vie de menacer la dignité humaine et la valeur de la vie humaine. « A ce jour, l’Eglise catholique constate que la conception de la vie exprimée dans la loi est fondée sur une vision mercantile et une logique économique », écrit le P. Woo.
Se posant la question de l’action à entreprendre pour obtenir la révision de la loi, le P. Woo propose une action en deux temps. Sur le long terme, la révision de la loi ne pouvant être obtenue rapidement, l’Eglise doit accentuer sa pression sur les députés, en informant sans relâche les catholiques et la société civile des problèmes que pose ce texte. Dans l’immédiat, les travaux du Conseil national de bioéthique doivent être suivis de près, afin de dénoncer tout éventuel dérapage. Enfin, le gouvernement comme les organismes privés doivent être encouragés à diriger leurs investissements pour la recherche concernant les cellules souches issues d’êtres humains adultes ou du cordon ombilical qui ne présentent pas de problème éthique.
(1) Voir EDA 315, 333, 344, 357, 361, 386, 392, 399
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