CITE DU VATICAN, Mardi 22 février 2005 (ZENIT.org) – Dans un nouveau livre, Jean-Paul II livre ses réflexions sur les totalitarismes du XX e siècle et leurs mécanismes : des leçons à tirer en quelque sorte au seuil du IIIe millénaire.
Le cardinal Joseph Ratzinger et le porte-parole du Saint-Siège, M. Joaquin Navarro-Valls ont présenté ce soir à Rome, en la fête de la Chaire de Saint Pierre, le cinquième livre de Jean-Paul II, « Mémoire et identité », qui constitue en quelque sorte le troisième volet d’un triptyque sur son ministère, en tant que prêtre (« Don et mystère », 1996, pour ses 50 ans de sacerdoce, il a été ordonné le 1er novembre 1946), en tant qu’évêque, à Cracovie (« Levez-vous ! Allons ! », 2004).
En Italie, le livre est publié par les éditions Rizzoli et sera en librairie dès demain, mercredi 23 février. L’édition est prévue en 11 langues.
L’éditeur annonçait dans un communiqué : « Dans ce livre, le souverain pontife répond aux inquiétudes du monde moderne avec une réflexion profonde sur l’histoire à la lumière de l’annonce chrétienne, et avec une invitation adressée à l’humanité à enquêter sur les problèmes jusqu’à leurs racines ».
Le « mal érigé en système » au XXe siècle
Jean Paul II aborde, explique la même source, « les thèmes historiques majeurs du XXe siècle, en particulier celui du « mal érigé en système » dans les régimes totalitaires comme le nazisme ou le communisme ».
Le pape écrit en effet : « Le XXe siècle a été celui où le mal s’est développé dans la démesure, utilisant des systèmes pervertis (…). Le mal au XXe siècle n’a pas été artisanal, mais il s’est manifesté dans des proportions gigantesques, s’est prévalu des structures d’Etats pour accomplir son œuvre néfaste, a été érigé en système ».
Pour ce début de millénaire, le pape dénonce une nouvelle fois « les réseaux de la terreur qui constituent une menace constante pour la vie de millions d’innocents ». Il évoque les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, celui de Madrid, à la gare d’Atocha, le 11 mars 2004, et le la prise d’otage de Beslan, en Ossétie, en septembre dernier.
Ce livre est né, comme l’annonçait en 2004, M. Navarro Valls, d’un dialogue entre Karol Wojtyla et des amis polonais, philosophes Krysztof Michalski et Jozef Tischner, durant l’été 1993.
Mgr Pawel Ptasznik responsable de la section polonaise de la Secrétairerie d’Etat, a été chargé de réunir, d’ordonner, de rendre publiables les notes et les lettres de Jean Paul II.
Une réflexion sur les lois des hommes, la loi de Dieu et la loi de la nature
Une polémique naissante fait état d’un rapprochement fait par le pape entre la Shoah et l’avortement, alors que Karol Wojtyla a toujours affirmé la singularité monstrueuse de la Shoah. Ce que le pape analyse, c’est le rapport entre les lois des hommes, de Dieu, de la nature, dans le chapitre du livre intitulé : « La démocratie contemporaine ».
Le pape analyse le fonctionnement – ou le dysfonctionnement – des législations et rapproche l’adoption de lois qui se retournent contre l’homme en faisant remarquer : « Un Parlement régulièrement élu a porté Hitler au pouvoir dans l’Allemagne des années 30. Ce même Parlement (…) lui a ouvert la route pour la politique d’invasion de l’Europe, pour l’organisation des camps de concentration et pour la mise en œuvre de la Solution finale, c’est-à-dire l’élimination de millions de fils et de filles d’Israël ».
Le pape affirme le caractère relatif des lois humaines en disant : « la loi établie par l’homme à des limites précises ». Il poursuit sa réflexion sur les législations actuelles en disant : « C’est dans cette perspective que nous devons nous interroger au début d’un nouveau siècle et d’un nouveau millénaire sur certains choix législatifs décidés dans les parlements des régimes démocratiques actuels ». Il prend un exemple: « Ce qui vient immédiatement à l’esprit, ce sont les législations sur l’avortement ».
Le pape met ainsi en garde : « Quand un Parlement autorise l’interruption de la grossesse, consentant la suppression d’une naissance, il commet un grave abus contre un être humain, qui plus est innocent et privé de toute possibilité de se défendre ».
Et d’ajouter, à propos de la responsabilité du législateur : « Les parlementaires qui autorisent et promulguent de telles lois doivent être conscients d’outrepasser leurs compétences et de se mettre en conflit ouvert avec la loi de Dieu et la loi de la nature ».
Interrogé par les journalistes, le cardinal Ratzinger a expliqué que le pape ne « mettait pas sur le même plan la Shoah et l’avortement », qu’il ne comparait pas des « faits » mais des « systèmes ».
Il précisait : « Il attire notre attention sur les tentations permanentes de l’humanité, sur la nécessité de faire attention pour ne pas tomber dans les pièges du mal ».
L’attentat du 13 mai 1981
Le livre évoque également l’attentat dont Jean-Paul II a lui-même été victime, place Saint-Pierre, le 13 mai 1981, dans son dernier chapitre : un dialogue du pape avec un témoin de l’attentat, son secrétaire particulier, Mgr Stanislas Dziwisz. Le dialogue est publié par l’agence Ansa en italien ce soir. L’attentat, affirme le pape, a été « commandité ».
Il explique : « Ali Agça, tout le monde le dit, est un tueur professionnel. Ce qui veut dire qu’il n’a pas commis cet attentat de sa propre initiative, mais que quelqu’un d’autre l’a planifié, que quelqu’un l’a commandité ».
A propos de sa visite à Ali Agça – aujourd’hui gracié par l’Italie, et en prison en Turquie pour l’assassinat d’un journaliste, antérieur à l’attentat contre le pape – dans sa prison romaine, en décembre 1983, le pape révèle : « Pendant tout notre entretien, Ali Agça continuait à se demander pourquoi l’attentat n’avait pas réussi. Il avait fait tout ce qu’il devait faire, soignant les moindres détails. Et pourtant sa victime a survécu à la mort. Comment cela avait-il pu se faire ? » Le pape a répondu, en commentant le message de Fatima : « Une main a tiré, l’autre a dévié la balle », convaincu d’avoir été sauvé par la Vierge Marie.
Mgr Dziwisz était aux côtés de Jean-Paul II dans la jeep, lorsque celui-ci a été atteint à l’abdomen par une balle du « Loup gris ». Pour lui, le pape se trouvait dans un état désespéré à son arrivé au « Gemelli ». Il explique : « Son organisme avait perdu beaucoup de sang, la pression sanguine tombait de manière dramatique et le battement du cœur ne s’entendait pratiquement plus ».
Il révèle même ces détails : « Son organisme a rejeté une première transfusion de sang. Mais des médecins de l’hôpital ont alors donné leur sang pour le Saint-père. Cette seconde transfusion a marché. Mais les médecins ont procédé à l’intervention sans croire que le patient pourrait survivre (…). Les trois jours suivants ont été terribles. Le Saint Père souffrait énormément. Et malgré cela, sa convalescence a été très rapide ».