La Grande Synagogue de Rome a cent ans: la "Joie de la Torah"

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Message de Jean-Paul II sur les relations avec le Judaïsme

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CITE DU VATICAN, Dimanche 23 mai 2004 (ZENIT.org) – « Je m’associe avec une joie profonde à la communauté juive de Rome pour célébrer les cent ans de la Grande Synagogue, symbole et souvenir de la présence millénaire dans cette ville du peuple de l’Alliance du Sinaï », déclare Jean-Paul II dans son message au grand rabbin de Rome, Riccardo Di Segni, pour les célébrations du centenaire du « Temple majeur » de Rome inauguré en 1904. Un message où le pape approfondit sa réflexion sur les relations entre Juifs et Chrétiens.

La joie du don de la Loi au Sinaï
Les cent ans de la Grande Synagogue de Rome ont en effet été l’occasion de rassembler les autorités civiles et religieuses de la ville éternelle autour de la « Joie de la Torah » donnée au Sinaï: les précieux parchemins, les rouleaux de la Loi divine, couronnés de chefs d’œuvre de l’orfèvrerie baroque et rococo, revêtus pour l’occasion de chatoyantes étoffes du XVIIIe s. rebrodées – bleu, rose, vert, or -, ont été portés solennellement en procession et vénérés jusqu’au « tabernacle » qui les abrite, au cœur de la synagogue des bords du Tibre. En effet, après le chant de plusieurs psaumes, le rabbin Della Rocca a chanté l’hymne de la « Joie de la Torah », la « Simhat Torah ».

Jean-Paul II était représenté par le cardinal Vicaire pour Rome, Camillo Ruini, président de la conférence épiscopale italienne, accompagné du cardinal Walter Kasper, président de la commission vaticane pour les Relations avec le judaïsme, et du recteur de l’université du Latran, Mgr Rino Fisichella. Le cardinal Ruini a lu le message du pape.

Un écho spécial dans le cœur de l’évêque de Rome
« Depuis plus de deux mille ans, votre communauté fait partie intégrante de la vie de l’Urbs : celle-ci peut se vanter d’être la communauté juive la plus ancienne de l’Europe occidentale, et d’avoir eu une fonction importante pour la diffusion du judaïsme sur ce continent. C’est pourquoi la commémoration d’aujourd’hui assume une signification particulière pour la vie religieuse, culturelle et sociale de la capitale, et ne peut pas ne pas avoir une résonance tout à fait spéciale aussi dans le cœur de l’évêque de Rome ! Ne pouvant participer en personne, j’ai demandé à mon Vicaire général pour le diocèse de Rome, le cardinal Camillo Ruini de me représenter en cette occasion : il est accompagné du président de la Commission du Saint-Siège pour les Relations religieuses avec le Judaïsme, le cardinal Walter Kasper. Ce sont eux qui expriment concrètement mon désir d’être avec vous en ce jour ».

« En vous adressant ma salutation déférente, illustre Dr. Riccardo Di Segni, j’étends mes cordiales pensées à tous les membres de la Communauté, à son président, l’Ingénieur Leone Elio Paserman, et à tous ceux qui sont venus pour témoigner encore une fois de l’importance et de la vigueur de l’héritage religieux qui se célèbre chaque sabbat en ce Temple majeur. Je veux réserver une salutation particulière au Grand rabbin émérite, le Prof. Elio Toaff »…

Hommage au rabbin Toaff
Le cardinal Ruini n’avait pas achevé la phrase d’un tonnerre d’applaudissements répondait à la salutation du pape, faisant au rabbin Toaff une ovation debout: le rabbin italien a célébré ses cinquante ans de ministère. Un autre « monument » de la communauté de Rome, soulignait pour sa part ensuite le rabbin Di Segni.

« Je veux réserver une salutation particulière au Grand rabbin émérite, le Prof. Elio Toaff, reprenait le cardinal Ruini, continuant sa lecture du message pontifical, qui m’a reçu à la synagogue avec un esprit ouvert et généreux à l’occasion de ma visite, le 13 avril 1986. Un tel événement demeure gravé dans ma mémoire et dans mon cœur, comme un symbole de la nouveauté qui a caractérisé, ces dernières décennies, les relations entre le Peuple juif et l’Eglise catholique, après des périodes parfois difficiles et tourmentées ».

Le peuple premier-né de l’Alliance
Dans son message, Jean-Paul II réaffirme la vocation du peuple juif comme Peuple « aîné » de l’Alliance: « La fête d’aujourd’hui, à la joie de laquelle nous nous unissons tous, soulignait le message du pape, rappelle le premier siècle de ce majestueux temple majeur, qui, dans l’harmonie de ses lignes architecturales, se dresse sur les rives du Tibre comme un témoignage de foi et de louange au Tout-Puissant. La communauté chrétienne de Rome participe avec vous, à travers le Successeur de Pierre, à l’action de grâce au Seigneur pour cet heureux anniversaire. Comme je le disais lors de ma visite, nous vous saluons en tant que nos frères « bien aimés » dans la foi d’Abraham, notre patriarche, d’Isaac, et de Jacob, de Sarah et de Rébecca, de Rachel et Lia. Saint Paul déjà, lorsqu’il écrivait aux Romains (cf. Rm 11,16-18), parlait de la racine sainte d’Israël, sur laquelle les païens sont greffés dans le Christ; « parce que les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables » (Rm 11,29) et vous continuez à être le peuple premier-né de l’Alliance (Liturgie du Vendredi Saint, Prière universelle, Pour les Juifs) ».

« Vous êtes citoyens de cette Ville de Rome depuis plus de deux mille ans, souligne le pape en abordant la question des relations entre Juifs et Chrétiens dans le dessein de Dieu, avant même que Pierre, le pêcheur, et Paul, dans les chaînes, y parviennent, soutenus intérieurement par le souffle de l’Esprit. Ce ne sont pas seulement les Ecritures saintes, que nous partageons pour une large part, pas seulement la liturgie, mais aussi de très anciennes expressions artistiques qui témoignent du lien profond que l’Eglise a avec la Synagogue, du fait de cet héritage spirituel, auquel, sans qu’il soit ni divisé, ni répudié, ceux qui croient dans le Christ ont participé, et qui constitue un lien indissociable entre nous et vous, le Peuple de la Torah de Moïse, le bon olivier sur lequel a été greffé une branche nouvelle » (cf. Rm 11,17) ».

Préparer les chemins de la paix
Le pape invitait ensuite à travailler ensemble au service des hommes d’aujourd’hui et de la paix. « Au cours du Moyen Age, certains de vos grands penseurs, comme Yehuda ha-Levi et Moïse Maimonide, ont cherché à scruter de quelle façon il était possible d’adorer ensemble le Seigneur et de servir l’humanité souffrante en préparant ainsi les chemins de la paix. Le grand philosophe et théologien bien connu de saint Thomas d’Aquin, Maimonide de Cordoue (1138-1204), dont nous rappelons cette année le huitième centenaire de la disparition, a exprimé le souhait qu’une meilleure relation entre Juifs et Chrétiens puisse conduire « le monde entier à l’adoration unanime de Dieu, comme il est dit: « Alors je donnerai un peuple aux lèvres pures, pour qu’ils servent le Seigneur épaule contre épaule » (Sophonie 3, 9) ». (Mishneh Torah, Hilkhot Melakhim XI, 4, Jérusalem, éd. Mossad Harav Kook) ».

« Jésus est juif et l’est pour toujours »
« Nous avons fait beaucoup de chemin ensemble depuis ce 13 avril 1986 lorsque, pour la première foi – depuis l’Apôtre Pierre – l’évêque de Rome vous a rendu visite: ce fut l’accolade de frères qui se retrouvaient après une longue période au cours de laquelle n’ont pas manqué les incompréhensions, le rejet, et les souffrances. L’Eglise catholique, avec le concile œcuménique Vatican II, ouvert par le bienheureux pape Jean XXIII, en particulier après la Déclaration Nostra aetate (28 octobre 1965), vous a ouvert les bras, se souvenant que « Jésus est juif et l’est pour toujours » (Commission pour les Relations religieuses avec le Judaïsme, Notes et suggestions [1985]: III, § 12) ».

Développer amitié, estime, relations fraternelles
« Au Concile Vatican II, continue le pape, l’Eglise a répété de façon claire et définitive le refus de l’antisémitisme so
us toutes ses expressions. Cependant, il ne suffit pas, même si c’est un devoir, de déplorer et de condamner les hostilités contre le peuple juif, qui ont souvent caractérisé l’histoire; il faut aussi développer avec lui l’amitié, l’estime et les relations fraternelles ».

Rafles, déportations, solidarités
Jean-Paul II évoquait la rafle du 16 octobre 1943 en disant: « Ces relations amicales, renforcées et accrues après les assises conciliaires du siècle dernier, nous voient unis dans le souvenir des victimes de la Shoah, et spécialement de ceux qui, en octobre 1943 ont été arrachés à leurs familles et à votre chère Communauté juive romaine pour être internés à Auschwitz. Que leur souvenir soit une bénédiction et nous pousse à agir en frères. C’est par ailleurs un devoir de se souvenir de tous ces chrétiens qui, sous l’impulsion d’une bonté naturelle et d’une rectitude de conscience, soutenus par la foi et par l’enseignement évangélique, ont réagi avec courage, en cette Ville de Rome aussi, pour porter secours concrètement aux juifs persécutés, en leur offrant solidarité et aide, parfois même au risque de leur vie. Que leur mémoire bénie reste vivante, avec la certitude que pour eux, comme pour tous les « justes des nations », les « tzaddiqim », une place est préparée dans le monde futur, à la résurrection des morts. On ne peut pas non plus oublier, à côté des déclarations officielles, l’action, souvent cachée, du Siège Apostolique, qui, de multiples façons, est venu en aide aux juifs en danger, comme cela a été reconnu aussi par leurs représentants autorisés (cf. « Nous nous souvenons, une réflexion sur la Shoah », 16 mars 1998) ».

Jean-Paul II appelait ses gestes jubilaires en disant: « En parcourant, avec l’aide du Ciel, ce chemin de fraternité, l’Eglise n’a pas hésité à « déplorer les manquements de ses fils et de ses filles à toute époque », et en acte de repentance (teshuvah), elle a demandé pardon pour leurs responsabilités, liées de quelque manière que ce fût avec les plaies de l’anti-judaïsme et de l’antisémitisme (ibidem). Au cours du Grand jubilé, nous avons invoqué la miséricorde de Dieu dans la basilique sacrée en mémoire de Pierre à Rome, et à Jérusalem, la cité aimée de tous les Juifs, cœur de cette Terre qui est sainte pour nous tous. Le Successeur de Pierre est monté en pèlerin sur les monts de Judée, a rendu hommage aux victimes de la Shoah à Yad Vashem, a prié auprès de vous au Mont Sion, au pied de ce Lieu saint ».

Trop de sang innocent
« Hélas, la pensée de la Terre Sainte suscite dans nos cœurs préoccupation et douleur, en raison de la violence qui continue à marquer cette région, de trop de sang innocent répandu par Israéliens et Palestiniens, qui assombrit la levée d’une aurore de paix dans la justice, continue le pape. Pour cela nous voulons élever aujourd’hui une prière fervente vers l’Eternel, dans la foi et dans l’espérance au Dieu de Shalom, afin que l’inimitié n’entraîne plus dans la haine ceux qui se réclament de leur Père Abraham, – juifs, chrétiens, et musulmans – et qu’elle cède la place à la claire conscience des liens qui nous tiennent et de la responsabilité qui pèse sur les épaules des uns et des autres. Nous devons encore parcourir beaucoup de chemin: le Dieu de la justice et de la paix, de la miséricorde et de la réconciliation nous appelle à collaborer sans hésitation dans le monde contemporain, déchiré par les affrontements et les inimitiés. Si nous savons unir nos cœurs et nos mains pour répondre à l’appel divin, la lumière de l’Eternel nous rapprochera pour éclairer tous les peuples en nous montrant les chemins de la paix, de la Shalom. Nous voudrions les parcourir d’un seul coeur ».

Le pape conclut sur cette invitation aux croyants à travailler ensemble à Rome, pour ceux qui souffrent: « Ce n’est pas seulement à Jérusalem et dans la Terre d’Israël, mais aussi ici, à Rome, que nous pouvons faire beaucoup ensemble, insiste Jean-Paul II: pour ceux qui souffrent près de nous en raison de la marginalisation, pour les immigrés, et pour les étrangers, pour les faibles et pour les indigents. En partageant les valeurs pour la défense de la vie, et de la dignité de toute personne humaine, nous pourrons accroître notre coopération fraternelle de façon concrète ».

« La rencontre d’aujourd’hui, ajoute le pape, est comme une préparation à votre solennité imminente de Shavu’ot et de notre Pentecôte, qui célèbrent la plénitude de nos fêtes de Pâques respectives. Puissent de telles fêtes nous voir unis dans la prière du Hallel pascal de David:

Hallelu et Adonay kol goim
shabbehuHu kol ha-ummim
ki gavar ‘alenu khasdo
we-emet Adonay le-‘olam»

Laudate Dominum, omnes gentes,
collaudate Eum, omnes populi.
Quoniam confirmata est super nos misericordia eius,
et veritas Domini manet in aeternum »
Hallelu-Yah (Sal. 117 [116]). »

Le président de la République italienne, M. Carlo Azeglio Ciampi était retenu par les conséquences d’une chute et avait adressé un message lu par le président de la communauté juive de Rome, M. Leone Elio Paserman. Le maire de la Ville, les autorités de la Région et de la Province, les autorités religieuses chrétiennes et musulmanes, les ambassadeurs de nombreux pays dont la Jordanie et le Maroc assistaient à cette célébration solennelle. Elle était aussi marquée par la présence des deux grands rabbins d’Israël, Metzger et Amar et de l’ambassadeur d’Israël au Quirinal. La célébration, qui revêtait une importance nationale et même internationale, était transmise en direct par la télévision d’Etat, RAI 2.

Au micro de Radio Vatican, le cardinal Walter Kasper précisait à propos de cette célébration: « Après la guerre et après le concile Vatican II, nous avons tourné la page dans nos rapports avec les juifs. Nous avons découvert à nouveau que les chrétiens ont des racines juives et nous avons affirmé que nous sommes contre toute forme d’antisémitisme, que l’antisémitisme va contre les Droits humains. Nous voulons le redire aux juifs présents à Rome. On doit savoir que les juifs étaient à Rome avant les chrétiens. C’est la plus ancienne communauté juive d’Europe occidentale. Par conséquent, ce ne sont pas seulement les cent ans de la Synagogue que l’on célèbre, mais on célèbre leur présence, justement aujourd’hui, alors que nous avons besoin de cohabiter amicalement et de collaborer ».

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ZENIT Staff

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