Ce livre qui lui a été demandé, explique le pape dans l’introduction, à l’occasion du 45e anniversaire de sa consécration épiscopale, et de ses 25 ans de pontificat, à l’instar de son livre sur sa vocation sacerdotale, écrit à l’occasion de ses 50 ans d’ordination sacerdotale. Il est né aussi au fil de la rédaction de l’exhortation apostolique post-synodale (synode de l’an 2000) sur le ministère de l’évêque : en rédigeant « Pastores Gregis », publié le 16 octobre 2003, le pape voyait remonter en lui ses souvenirs.
Le livre a été présenté mardi soir aux Ecuries du Quirinal par le sénateur Giuliano Amato, le président du sénat Marcello Pera, le cardinal Giovanni Battista Re, et le directeur de la salle de presse du Saint-Siège, M. Joaquin Navarro Valls, qui animait les débats. La soirée était organisée par l’éditeur italien du livre, « Mondarori » (cf. ZF040518). Les orateurs ont souligné à plusieurs reprises que pour écrire ce récit « impressionniste » qui est sans cesse confronté à l’Ecriture le pape avait dû vaincre les réticences de sa réserve.
« J’offre cet écrit en signe d’amour pour mes frères dans l’épiscopat, et tout le peuple de Dieu. J’espère qu’il puisse servir à ceux qui désirent connaître la grandeur du ministère épiscopal, la fatigue qu’il comporte, mais aussi la joie qui l’accompagne dans son accomplissement quotidien », écrit Jean-Paul II en introduction.
M. Joaquin Navarro Valls, qui a pris la parole après la lecture d’un passage du livre par l’acteur italien Nando Gazzolo, a souligné que les nombreuses allusions autobiographiques du livre sont sans cesse l’occasion d’une réflexion, d’une recherche intérieure. Le pape disait-il, n’a pas cherché à écrire une « autobiographie ». « La chronologie n’est pas imposée comme une structure. L’intérêt n’est pas dans la succession des événements mais dans leur sens ». Et, ajoutait-il, « c’est cette recherche du sens qui entraîne le lecteur », en plus du style « très fluide et franc ».
Souvenirs et réflexions sont ainsi tressés ensemble. M. Navarro Valls cite l’exemple des Journées mondiales de la jeunesse: le pape montre comment elles sont « nées » de son expérience d’un mouvement de jeunes à Cracovie. Autre exemple: on découvre aussi ailleurs le dilemme qui habite l’évêque – et on le pressent, le pape – entre indulgence et fermeté, entre relation personnelle à la vérité et relations aux autres personnes.
Le sénateur Giuliano Amato, ancien Premier ministre italien, soulignait le caractère « exceptionnel » du livre: le jour de son anniversaire, disait-il, c’est le pape qui « fait un cadeau »! Il soulignait cette capacité du pape à « parler à chacun tout en s’adressant à tous », lui qui a rencontré les foules et n’aime pas le mot « masses »: il voit toujours avant tout des « personnes ». Mais le sénateur aussi relève le lien spécial de Jean-Paul II aux jeunes tel qu’il apparaît dans ce livre, en particulier lors des visites pastorales de l’évêque de Cracovie. Il évoquait le pape faisant la « ola » en même temps que les jeunes – à Tor Vergata en l’an 2000.
Citant également la poésie de Jean-Paul II sur saint Stanislas, le sénateur soulignait cette « invincible vision joyeuse de la vie », qui caractérise Karol Wojtyla et est une des raisons de l’attrait des jeunes; il leur dit en quelque sorte leurs raisons de « vivre dans la joie ». Humour aussi, dans les épisodes rapportés: le livre cite l’arrivée du jeune évêque auxiliaire à Cracovie; il est salué d’un joyeux « habemus papam! » de la part de l’évêque… Mais où l’histoire mène-t-elle? Revenant à la poésie pour saint Stanislas, le sénateur concluait sur ce tableau de la réconciliation des hommes: Dieu les aide à être « les uns avec les autres et non les uns contre les autres ».
Le président Pera n’hésite pas à dire son « admiration », et il relève son sens de l’humour. Il souligne aussi le lien du ministère de l’évêque à l’Ecriture tel qu’il apparaît dans le livre: « Ce n’est pas l’évêque qui est protagoniste, mais l’évêque en tant qu’il fait ce que l’Ecriture demande de faire ». Il voit ainsi dans le livre une « pédagogie évangélique illustrée par des épisodes de la vie », ou encore une « imitation de l’Evangile, une imitation du Christ », une « parabole », une confrontation constante avec l’Ecriture par cette technique que la musique a appelée « contre point ».
C’est par exemple évident lors de la description de la liturgie de la consécration épiscopale. Des gestes et des actes, on passe à « l’explication symbolique des choses ». Ou encore cette réflexion du pape sur le rôle de l’évêque « d’accompagner » ses brebis, jusqu’à se faire parfois guider par elles. Il résume la personnalité de l’auteur en insistant sur sa capacité étonnante de « dialogue », au sens profond, comme essentiel dans le ministère de l’évêque, et aujourd’hui du Successeur de Pierre.
Le cardinale Giovanni Battista Re a souligné, en tant que préfet de la congrégation pour les Evêques, que le livre n’était pas fait seulement pour eux, mais pour tous les fidèles.
« Selon moi, disait-il, ce livre est très intéressant pour les évêques. Jean-Paul II leur enseigne comment faire l’évêque et il le fait par son expérience, il montre le chemin à suivre avec son style évangélique, humain, transparent. Mais pour les laïcs aussi ce livre est attrayant. Il me semble en effet qu’il puisse intéresser tout le monde: il aide à comprendre ce qui se passe dans le cœur d’un évêque ».
Le cardinal Re s’arrête en particulier à une caractéristique de l’archevêque de Cracovie alors que le monde était séparé en deux par le « rideau de fer »: le courage. D’où lui vient-il? « Pour Karol Wojtyla, la force de la foi, le sens de la responsabilité qui animent un évêque doivent le conduire à ne pas avoir peur lorsqu’il s’agit de proclamer la vérité ou de défendre les valeurs ou les personnes », résume le cardinal qui évoquait l’attentat de la Place Saint-Pierre, le 13 mai 1981. Le pape n’en fut ni freiné ni intimidé. Le « motif inspirateur » de toutes ses initiatives est en effet, expliquait le cardinal Re, de « faire entrer Dieu dans ce monde et donner à l’humanité le sens de Dieu ».
Il citait l’épisode de la construction de l’église dans ce quartier qui devait être un modèle et donc sans Dieu. L’archevêque commence par nommer un curé. Puis il vient célèbre la messe de Noël à minuit, en plein air, par moins dix degrés. Les fidèles répondent et viennent nombreux: ils donnent un argument de plus à l’archevêque pour réclamer la permission de construire l’église. Les fidèles apporteront chacun une pierre. Autre exemple, le pèlerinage des jeunes à Czestochowa était impossible sous l’occupation nazie. Qu’à cela ne tienne, trois jeunes feront discrètement la route pour que la tradition soit maintenue: Wojtyla en est. Ils échappent de peu aux patrouilles nazies. Il avait d’ailleurs sous les yeux le modèle du cardinal Stepan Sapieha, le « prince intrépide », puis du cardinal Wyszynski.
Le cardinal Re conclut: « Avec Dieu dans le cœur, et l’amour de ses prêtres et des fidèles, l’évêque doit avoir le courage d’affronter les défis ». A propos du voyage impossible de Jean-Paul II à Ur, en Irak, sur les pas d’Abraham, le cardinal Re affirme qu’il ne comprend pas pourquoi Saddam Hussein n’a pas voulu: c’était pourtant politiquement bon pour lui, disait-il, au moment de l’embargo!
Le cardinal insistait aussi sur les pages du livre consacrées au concile Vatican II, le « plus grand événement spirituel de notre temps », un concile non pas « pour condamner mais pour servir ».
La lecture du passage final du livre a conclu la présentation.