"La douleur : énigme ou mystère", entretien avec Mgr Follo

Colloque à l’UNESCO

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CITE DU VATICAN, Mardi 23 Décembre 2003 (ZENIT.org) – « Gloria in excelsis Deo », chantent les anges à la Nativité ! C’est le moment d’aller explorer le site « inxl6 », le site « jeune » de l’Eglise catholique en France qui se trouve à l’adresse : inxl6.cef.fr.

« Inxl6 » propose entre autres cet entretien réalisé par Thomas Gueydier avec Mgr Follo.

Dans la perspective de la clôture de l’année européenne des personnes handicapées, Mgr Francesco Follo, observateur permanent du Saint Siège auprès de l’Unesco, a en effet organisé un colloque le 10 décembre, à Paris, au siège de cette organisation, sur le thème de la douleur.

Nous publions l’intervention du cardinal Javier Lozano Barragan, président du conseil pontifical pour la Pastorale du monde de la santé dans la page web de Zenit.

Pourquoi avez-vous organisé ce colloque sur la douleur à l’Unesco et qui avez-vous invité pour parler de ce sujet ?

A l’origine, le but de ce colloque était de faire entendre la voix de l’Eglise à l’occasion de l’année du handicap 2003. C’est pourquoi j’ai invité en priorité à l’Unesco le président du Conseil Pontifical pour la Santé, le cardinal Javier Lozano Barragan, pour qu’il présente la lettre apostolique de Jean-Paul II intitulée « Salvifici Doloris ». Ensuite j’ai fait appel au père Luciano Lotti, ancien directeur de la revue « Studi su Padre Pio », pour qu’il évoque l’œuvre de Padre Pio. Car si l’Eglise parle à travers la voix du pape et des cardinaux, elle est aussi représentée par le peuple des baptisés et, au sein du peuple, par ceux qui occupent une place significative, à savoir les saints. Les deux autres saints sur lesquels je voulais attirer l’attention sont Mère Teresa, que j’ai eu la chance de rencontrer plusieurs fois, ainsi que la petite Thérèse. C’est le père Zambelli, directeur du sanctuaire de Lourdes et ancien directeur du Sanctuaire de Lisieux, qui nous en a parlé. Puis, l’ancien coordinateur de la communauté de l’Arche est intervenu au sujet de la douleur rencontrée par les handicapés mentaux, en montrant que la réponse est donnée travers un partage de vie. Enfin le docteur Mirabel est venu rendre compte de son expérience de médecin cancérologue à l’hôpital de Lille.
Les philosophes ne trouvent pas de solution au scandale absurde de la souffrance et du mal. Si, comme Claudel en 1886, l’homme fait si durement l’expérience de l’absurde, c’est qu’il y a en lui une soif de vérité, un désir d’intégrité, d’innocence qui ne saurait être atteint par l’absurde. Nombreux sont ceux qui ont dénoncé ce scandale de la mort des innocents, pour en faire parfois une « démonstration irréfutable de l’inexistence de Dieu ». C’est pourquoi beaucoup de nos contemporains glissent, soit dans l’indifférence, soit dans le blasphème où ils tentent de s’immuniser contre ce scandale. Certains tentent de s’en sortir en disant que le mal est une illusion. Mais fuir la question du mal en se bouchant les yeux pour ne pas voir la réalité et pour ne plus souffrir, est-ce une solution digne de l’homme ? Le mal a été de toujours une pierre d’achoppement pour l’esprit dans toutes les religions et dans toutes les philosophies. Le mal est un problème inéluctable qui peut conduire soit à la révolte ou au suicide intérieur ou extérieur, donc au refus de l’homme et de la vie, soit au refus de Dieu  » dans une accusation qui ne trouvera jamais de réponse, à moins que Dieu ne soit d’accord avec nous

Avez-vous connu personnellement Padre Pio ?

Non, malheureusement pas. Ce qui m’a frappé quand j’ai lu la vie de ce saint, c’est qu’il a eu les stigmates pendant cinquante ans sans jamais se plaindre. En plus, il a toujours cherché à soulager la douleur des autres. L’hôpital qu’il a fondé s’appelle « Casa Sollievo della Sofferenza » (La maison soulage de la souffrance).

Qu’avez-vous retenu de tous ces échanges ?

J’ai conclu en disant que la synthèse se trouvait dans l’affiche du colloque qui avait pour titre : « La douleur : énigme ou mystère » et qui représente une Croix en forme d’ancre . En préparant cette rencontre, je me suis souvenu que le signe de l’Espérance était l’ancre et que les premiers chrétiens se servaient de l’ancre pour représenter la Croix quand ils vivaient en clandestinité pendant les persécutions. C’est pourquoi j’ai choisi de faire figurer sur l’affiche cette croix en forme d’ancre, que l’on trouve dans les catacombes. Les deux poissons représentés de part et d’autre de l’ancre rappellent que le Christ fait de nous, péchés par Lui, des pécheurs d’hommes. En somme, j’ai voulu faire apparaître durant cette rencontre comment les saints ont répondu à l’énigme et mystère de la douleur, chacun à leur manière, autrement que par des théories. Je pense que, dans ce domaine surtout, la pratique doit être fondée sur une pensée devant elle-même reposer sur l’expérience…A la fin du colloque, l’ambassadeur d’Arabie Saoudite est venu me dire qu’il avait appris à aimer davantage l’humain. Cela m’a beaucoup frappé venant d’un non-chrétien. Ce qui prouve bien qu’il existe des messages vraiment catholiques, c’est-à-dire universels, qui touchent tous les hommes.

La question du colloque était : « La douleur : énigme ou mystère ? » et non « La souffrance : énigme ou mystère ? » Il y a-t-il une différence à faire entre douleur et souffrance ?

Par douleur on entend un mal qui peut-être supprimé ou diminué, si on ne peut pas le supprimer totalement. Par souffrance au contraire, on désigne un mal qui ne peut être aboli. La souffrance a une dimension plus fondamentale, plus spirituelle. En ce sens, le Cardinal Barragan nous a parlé de souffrance et pas de la douleur proprement dite.

Alors, la douleur (ou la souffrance) est-elle une énigme ou un mystère ?

D’abord, il faut noter que la souffrance n’est pas un « problème » car qui dit problème dit solution or il n’y a pas de solution à la souffrance. Ce n’est pas non plus une énigme car on peut toujours percer une énigme, comme Œdipe aux portes de Thèbes a percé l’énigme de la Sphinge. En revanche, on peut dire que c’est un mystère. Mais attention ! Le mystère, ce n’est pas pour les chrétiens une privation mais un excès de sens, un surplus de lumière devant laquelle on ferme les yeux pour ne pas être ébloui. Le mystère de la souffrance dans l’expérience chrétienne n’est pas ce qui se définit négativement comme quelque chose d’incompréhensible. Ce n’est pas un mur mais une porte ouverte vers l’Infini, une porte dont la Croix est la clef. Autrement dit, la souffrance n’est pas la porte fermée du tombeau mais une ouverture. La mort et la souffrance prennent souvent des aspects tragiques mais elles ont une issue. Telle est du moins l’Espérance, qui nous est donnée. « Pour espérer, il faut avoir reçu une grande grâce » disait Péguy . Grâce à l’Espérance, la souffrance nous apparaît comme le manque d’un bien que l’on possédait mais qui est absent. Un écrivain italien, qui s’est suicidé, disait : « Si rien ne nous a été promis, pourquoi attendons-nous ? ». Au final, la souffrance devient une occasion de croissance.

Est-ce que l’Eglise n’a à proposer qu’un discours sur la souffrance ?

Non. Dans l’histoire de l’Eglise, il y a toujours eu les théologiens en chambre mais, parallèlement, il y a toujours eu une vraie réflexion fondée sur l’expérience. Le pape en personne, qui a beaucoup apporté à la théologie, est un homme qui a beaucoup souffert et ce, tout au long de son pontificat. Il avait déjà été victime de son attentat quand il a écrit sa lettre apostolique sur la souffrance, en 1984. En plus, il ne faut pas oublier que le premier hôpital fut fondé e
n 1480 par sainte Catherine de Gênes. Les recherches archéologiques nous montrent d’ailleurs que les hôpitaux n’existaient pas dans le monde non-chrétien. Le travail accompli actuellement par la communauté de l’Arche ou par les médecins chrétiens, comme le professeur Mirabel, sont significatifs aussi. C’est pour cela que j’ai tenu à ce qu’il nous partagent leur expérience lors de ce colloque.

L’attitude qui s’impose face à ceux qui souffrent est évidemment la Compassion. Mais ne pensez-vous pas que ce qui manque à notre société, c’est un discours sur le sens de la souffrance ?

Vous autres français, vous aimez bien manier les idées, c’est une chance que les italiens n’ont pas ! Il n’en reste pas moins que le Christ n’est pas venu dans le monde pour expliquer la Croix mais pour la remplir de sa présence, comme le disait si génialement Claudel. Ceci dit, on a besoin de sens. Permettez-moi de citer un auteur italien à ce sujet, Dante: « Vous n’êtes pas né pour être comme des animaux mais pour suivre vertu et connaissance. » Mais le problème avec la douleur ne réside pas d’abord dans la question du sens mais dans la manière dont on peut la vaincre. Voilà la priorité absolue : vaincre la douleur. D’ailleurs le Christ n’est pas tant venu pour donner sens à la souffrance que pour la transformer en son contraire, à savoir une chose positive qui mène au Salut. Je le répète : on ne répond à la douleur qu’en la vainquant.

© inxl6.cef.fr

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ZENIT Staff

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