CITE DU VATICAN, Mercredi 4 juin 2003 (ZENIT.org) – Voici la traduction publiée le 3 juin par L’Osservatore Romano en langue française, de l’allocution de Jean-Paul II en italien lors de l’audience de mercredi dernier, 28 mai.
« Louange à Dieu et invocation d’aide «
Lecture: Ps 107, 2-7
1. Le Psaume 107 qui vient de nous être proposé appartient à la séquence des Psaumes de la Liturgie des Laudes, objet de nos catéchèses. Il présente une caractéristique, à première vue surprenante. La composition n’est autre que la fusion de deux fragments de psaumes préexistants, l’un tiré du Psaume 56 (vv. 8-12) et l’autre du Psaume 59 (vv. 7-14). Le premier fragment possède le ton d’une hymne, le deuxième possède un caractère suppliant, mais il comprend un oracle divin qui donne à l’orant sérénité et confiance.
Cette combinaison donne naissance à une nouvelle prière, et ce fait devient pour nous exemplaire. En réalité, la liturgie chrétienne fait elle aussi souvent fusionner ensemble des passages bibliques différents, afin de les transformer en un nouveau texte, destiné à éclairer des situations inédites. Toutefois, le lien avec la base originelle demeure. En pratique, le Psaume 107 (mais ce n’est pas le seul; il suffit de se reporter, si l’on désire évoquer un autre exemple, au Psaume 143) montre comment Israël, dans l’Ancien Testament, réutilisait et actualisait déjà la Parole de Dieu révélée.
2. Le Psaume résultant de cette combinaison est, donc, quelque chose de plus que la simple somme ou juxtaposition des deux passages préexistants. Au lieu de commencer par une humble supplication comme le Psaume 56, « Pitié pour moi, ô Dieu » (v. 2), le nouveau Psaume commence par une annonce résolue de louange à Dieu: « Mon coeur est prêt, ô Dieu… je veux chanter… » (Ps 107, 2). Cette louange prend la place de la lamentation qui formait le début de l’autre Psaume (cf. Ps 59, 1-6), et devient ainsi la base de l’oracle divin suivant (Ps 59, 8-10 = Ps 107, 8-10) et de la supplique au sein de laquelle il prend place (Ps 59, 7.11-14 = Ps 107, 7.11-1).
L’espérance et le cauchemar se fondent ensemble et deviennent la substance de la nouvelle prière, qui cherche tout entière à communiquer la confiance, même au moment de l’épreuve vécue par toute la communauté.
3. Le Psaume s’ouvre donc par une hymne joyeuse de louange. Il s’agit d’un chant du matin accompagné par la harpe et par la cithare (cf. Ps 107, 3). Le message est clair et possède en son centre la « bonté » et la « vérité » divine (cf. v. 5): en hébreu, hésed et ’emèt, sont les termes typiques pour définir la fidélité pleine d’amour du Seigneur à l’égard de l’alliance avec son peuple. Sur la base de cette fidélité, le peuple est certain qu’il ne sera jamais abandonné par Dieu dans l’abîme du néant et du désespoir.
La relecture chrétienne interprète ce Psaume de façon particulièrement suggestive. Dans le verset 6, le Psalmiste célèbre la gloire transcendante de Dieu: « O Dieu, élève-toi [c’est-à-dire « sois exalté »] sur les cieux ». En commentant ce Psaume, Origène, le célèbre écrivain chrétien du troisième siècle, renvoie à la phrase de Jésus: « Et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jn 12, 32), qui se réfère à la crucifixion. Celle-ci a pour résultat ce que le verset suivant affirme: « Pour que soient délivrés tes bien-aimés » (Ps 107, 7). Origène conclut alors: « Quelle signification merveilleuse! Le motif pour lequel le Seigneur est crucifié et exalté est que ses bien-aimés soient délivrés… Ce que nous avons demandé s’est réalisé: il a été exalté et nous avons été libérés » (Origène-Jérôme, 74 homélies sur le livre des Psaumes, Milan 1993, p. 367).
4. Passons à présent à la deuxième partie du Psaume 107, citation partielle du Psaume 59, comme on l’a dit. Face à l’angoisse d’Israël, qui sent Dieu comme absent et distant (« …Dieu, toi qui nous as rejetés »: v. 12), s’élève la voix de l’oracle du Seigneur qui retentit dans le temple (cf. vv. 8-10). Dans cette révélation, Dieu se présente comme arbitre et seigneur de toute la terre sainte, de la ville de Sichem à la vallée transjordanique de Sukkot, des régions orientales de Galaad et Manassé à celles centre-méridionales d’Ephraïm et Juda, pour parvenir également aux territoires soumis mais étrangers de Moab, Edom et de la Philistie.
Par des images colorées, à caractère militaire ou juridique, la domination divine sur la terre promise est proclamée. Si le Seigneur règne, on ne doit rien craindre: nous ne sommes pas ballottés çà et là par les forces obscures du destin ou du chaos. Un projet supérieur, même dans les moments sombres, sous-tend toujours l’histoire.
5. Cette foi allume la flamme de l’espérance. Dieu indiquera quoi qu’il en soit une issue, c’est-à-dire une « ville fortifiée » située dans la région de l’Idumée. Cela signifie que, malgré l’épreuve et le silence, Dieu reviendra pour se révéler, soutenir et guider son peuple. Ce n’est que de Lui que peut provenir l’aide décisive, et non pas des alliances militaires extérieures, c’est-à-dire de la force des armes (cf. v. 13). Avec Lui seul l’on obtiendra la liberté et l’on accomplira « des prouesses » (cf. v. 14).
Avec saint Jérôme, nous rappelons la dernière leçon du Psalmiste, interprétée dans une optique chrétienne: « Personne ne doit se désespérer pour cette vie. Tu as le Christ et tu as peur? Ce sera Lui notre force, Lui notre pain, Lui notre guide » (Breviarium in Psalmos, Ps. CVII: PL 26, 1224).
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