L'Eglise "eucharistique", icône de la Trinité

« Ecclesia de Eucharistia », l’encyclique des XXV ans de pontificat

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CITE DU VATICAN, Jeudi 17 avril 2003 (ZENIT.org) – Une Eglise « eucharistique » est une icône de la Trinité, explique le pape dans l’encyclique de cette Année du Rosaire et de son jubilé pontifical: « Ecclesia de Eucharistia (vivit) », « l’Eglise vit de l’Eucharistie ». Il nourrit son texte du témoignage de son expérience personnelle, ce qui rend le texte extrêmement humain et convaincant.

Jean-Paul II a en effet signé ce Jeudi Saint sa 14e encyclique qu’il adresse à tous les fidèles du monde entier en les invitant à redonner à l’Eucharistie la place centrale qui est la sienne dans la vie de l’Eglise.

Le pape propose l’icône de Roublov comme récapitulation de sa contemplation de l’Eucharistie (1), il insiste sur la célébration liturgique (2), manifeste à chaque page que cette encyclique est aussi sa lettre aux prêtres 2003 (3), présente l’importance du culte eucharistique en relation à l’amour du Coeur du Christ (4), aborde aussi les « ombres » qu’il entend dissiper par cette présentation du « coeur » de la foi et de la vie de l’Eglise (5), qui la conduit à son unité (6), et se révèle aussi être ‘ »comme la source et le sommet de toute l’évangélisation » (7). Nous consacrons ci-dessous un article particulier à la dimension mariale de l’encyclique.

(1) Une icône pour récapituler l’encyclique
Le pape slave puise à la tradition orientale en proposant comme icône de cette encyclique l’icône de l’hospitalité d’Abraham, d’Andrei Roublov, connue en Occident sous le nom d’icône de la Sainte Trinité. Au coeur de l’icône en effet, comme l’ont fait remarquer des auteurs spirituels, le moine russe a représenté le calice, sur l’autel de ce monde, mais les trois anges aussi forment entre eux une coupe, image de la communion d’amour de la Sainte Trinité à laquelle tout homme est appelé.

« Les splendeurs de l’architecture et des mosaïques dans l’Orient et dans l’Occident chrétiens sont un patrimoine universel des croyants, écrit le pape, et elles portent en elles un souhait, je dirais même un gage, de la plénitude tant désirée de la communion dans la foi et dans la célébration. Cela suppose et exige, comme dans la célèbre icône de la Trinité de Roublev, une Église profondément « eucharistique », où le partage du mystère du Christ dans le pain rompu est comme immergé dans l’ineffable unité des trois Personnes divines, faisant de l’Église elle-même une « icône » de la Trinité » (n. 50).

Dans son encyclique jubilaire – dans le sillage du Grand Jubilé et en l’année des 25 ans de pontificat – le pape réaffirme de différentes façons la foi de l’Eglise dans la présence réelle du Christ dans le Sacrement de son Corps et de son Sang, expliquant comment ce mystère est inscrit au coeur même de la vie des croyants. Le mot « foi » revient 24 fois sous la plume du pape.

Ce texte qui « coule » de source et se lit facilement en une heure (76 petites pages, six chapitres) promet de devenir un livre de chevet tant son contenu spirituel est stimulant et neuf à bien des égards, tout en s’inscrivant dans la tradition des Pères (les pères d’Orient sont très cités) et des conciles (le plus explicitement cité étant Vatican II (17 fois), mais aussi le concile de Trente (4 fois) ).

(2) La sainte liturgie
Jean-Paul II a voulu signer cette encyclique dans un cadre liturgique solennel: le porche du Triduum pascal, le Jeudi Saint, jour où l’Eglise célèbre les dons du sacerdoce et de l’Eucharistie, où sont bénies l’huile des catéchumènes, du Baptême, de la Confirmation, du sacrement des Malades, où le lavement des pieds rappelle le service et l’amour fraternel que le Christ commande à ses Apôtres.

Le pape cite la constitution de Vatican II sur la liturgie « Sacrosanctum concilium » et affirme: « Il n’y a pas de doute que la réforme liturgique du Concile a produit de grands bénéfices de participation plus consciente, plus active et plus fructueuse des fidèles au saint Sacrifice de l’autel ».

Cette méditation sur le « mystère » (mot qui revient 54 fois, y compris en latin) s’inscrit surtout dans la liturgie de l’Eglise, et la liturgie pascale en particulier: « lex orandi, lex credendi », la liturgie de l’Eglise exprime ce qu’elle croit. D’où la grande convenance de sa publication à Pâques. Le mot « liturgie » revient 13 fois dans l’ensemble. Le texte est émaillés de citations d’hymnes liturgiques qui surgissent au fil de la méditation.

Dans cette contemplation liturgique, le pape évoque l’origine juive de la liturgie de la Pâque chrétienne. »Par analogie avec l’Alliance du Sinaï, scellée par le sacrifice et l’aspersion du sang, les gestes et les paroles de Jésus à la dernière Cène posaient les fondements de la nouvelle communauté messianique, le peuple de la nouvelle Alliance », explique le pape (21).

« Dans les Évangiles synoptiques, le récit se poursuit avec l’ordre que donne Jésus à ses disciples de préparer minutieusement la « grande salle » nécessaire pour prendre le repas pascal (cf. Mc 14, 15; Lc 22, 12) et avec le récit de l’institution de l’Eucharistie. Faisant entrevoir au moins en partie le cadre des rites juifs qui structurent le repas pascal jusqu’au chant du Hallel (cf. Mt 26, 30; Mc 14, 26), le récit propose de façon aussi concise que solennelle, même dans les variantes des différentes traditions, les paroles prononcées par le Christ sur le pain et sur le vin, qu’il assume comme expressions concrètes de son corps livré et de son sang versé », note encore Jean-Paul II (n. 47).

(3) Lettre aux prêtres
Cette encyclique s’adresse aussi tout particulièrement aux prêtres puisqu’elle s’inscrit dans la tradition des Lettres aux Prêtres que le pape leur adresse chaque année à l’occasion du Jeudi Saint, jour où l’Eglise fait mémoire de l’Institution de l’Eucharistie et de l’institution du sacerdoce ministèriel. A plusieurs reprise le pape souligne le rôle spécifique du prêtre, définissant en particulier dce que signifie « in persona Christi ».

« In persona Christi « veut dire davantage que “au nom” ou “à la place” du Christ. In persona: c’est-à-dire dans l’identification spécifique, sacramentelle, au “grand prêtre de l’Alliance éternelle” qui est l’auteur et le sujet principal de son propre sacrifice, dans lequel il ne peut vraiment être remplacé par personne ». Dans l’économie du salut voulue par le Christ, le ministère des prêtres qui ont reçu le sacrement de l’Ordre manifeste que l’Eucharistie qu’ils célèbrent est un don qui dépasse radicalement le pouvoir de l’assemblée et qui demeure en toute hypothèse irremplaçable pour relier validement la consécration eucharistique au sacrifice de la Croix et à la dernière Cène » (n. 29).

(4) Le culte eucharistique et le Coeur du Christ
Au prêtre toujours, le pape adresse cette recommandation de donner lui même l’exemple du culte de l’Eucharistie, en particulier de l’adoration eucharistique: « Il revient aux pasteurs d’encourager, y compris par leur témoignage personnel, le culte eucharistique, particulièrement les expositions du Saint-Sacrement, de même que l’adoration devant le Christ présent sous les espèces eucharistiques ».

Si l’on devait mettre en relation ce texte spirituellement si dense et des sanctuaires, les noms de Montmartre et de Paray le Monial viennent spontanément à l’esprit, en particulier dans ce passage où le pape livre quelque chose de son expérience spirituelle: « Il est bon de s’entretenir avec Lui et, penchés sur sa poitrine comme le disciple bien-aimé (cf. Jn 13, 25), d’être touchés par l’amour infini de son cœur. Si, à notre époque, le christianisme doit se distinguer surtout par « l’art de la prière »,4 comment ne pas ressentir le besoin renouvelé de demeurer longuement, en conversation spirituelle, en adoration silencieuse, en attitude d’amour, devant le Christ présent dans le Saint-Sacrement? Bien des fois, chers Frères et Sœu
rs, j’ai fait cette expérience et j’en ai reçu force, consolation et soutien! » (n. 25).

(5) Les « ombres »
Aux prêtres et aux fidèles vont aussi les recommandations à éviter des déformations voir des « abus » dans la célébration (les paroles de la consécration sont placées par la liturgie de l’Eglise sur les lèvres du prêtre, justement parce qu’il représente le Christ, les fidèles y adhèrent en silence): « Cette admiration doit toujours pénétrer l’Église qui se recueille dans la Célébration eucharistique. Mais elle doit accompagner surtout le ministre de l’Eucharistie. C’est lui en effet qui, en vertu de la faculté qui lui a été conférée par le sacrement de l’ordination sacerdotale, effectue la consécration. C’est lui qui prononce, avec la puissance qui lui vient du Christ du Cénacle, les paroles: « Ceci est mon corps, livré pour vous… Ceci est la coupe de mon sang versé pour vous… » Le prêtre prononce ces paroles, ou plutôt il met sa bouche et sa voix à la disposition de Celui qui a prononcé ces paroles au Cénacle et qui a voulu qu’elles soient répétées de génération en génération par tous ceux qui, dans l’Église, participent ministériellement à son sacerdoce » (n. 5).

Le pape évoque les difficultés nées du manque d’observation des normes liturgiques, d’un effort oecuménique mal compris ou du manque de relation entre le sacrement de l’Eucharistie et le Sacrement de la Réconciliation: un thème qu’il a abordé l’an dernier dans sa Lettre aux prêtres pour le Jeudi Saint.

A propos du sacrement de la réconciliation comme préparant à a communion eucharistique, le pape rappelle: « Le Catéchisme de l’Église catholique établit à juste titre: « Celui qui est conscient d’un péché grave doit recevoir le sacrement de la Réconciliation avant d’accéder à la communion ». Je désire donc redire que demeure et demeurera toujours valable dans l’Église la norme par laquelle le Concile de Trente a appliqué concrètement la sévère admonition de l’Apôtre Paul, en affirmant que, pour une digne réception de l’Eucharistie, « si quelqu’un est conscient d’être en état de péché mortel, il doit, auparavant, confesser ses péchés » » (n. 36).

A propos des normes liturgiques, Jean-Paul II annonce un autre document: « Précisément pour renforcer ce sens profond des normes liturgiques, j’ai demandé aux Dicastères compétents de la Curie romaine de préparer un document plus spécifique, avec des rappels d’ordre également juridique, sur ce thème d’une grande importance » (n. 52).

Il insiste: « La liturgie n’est jamais la propriété privée de quelqu’un, ni du célébrant, ni de la communauté dans laquelle les Mystères sont célébrés » (ibid.).

Le pape conclut à propos de ces « ombres » : « J’espère que la présente encyclique pourra contribuer efficacement à dissiper les ombres sur le plan doctrinal et les manières de faire inacceptables, afin que l’Eucharistie continue à resplendir dans toute la magnificence de son mystère » (n. 10).

(6) Pour ne pas retarder la marche vers l’unité
Il est un autre aspect très présent dans l’encyclique du jubilé pontifical: la notion de communion, la recherche de l’unité. Le mot « communion » revient plus de 40 fois dans ses différentes acceptions, « communauté » 22 fois et « unité » 12 fois.

Lorsque le pape invite à dissiper ces « ombres », il a en effet le souci d’un authentique oecuménisme » dans la « vérité », et il déplore que ces « ombres », loin d’aider au rapprochement des chrétiens, soient autant d’obstacles, de source de « retard » sur la route de l’unité.

« Les fidèles catholiques, tout en respectant les convictions religieuses de leurs frères séparés, doivent donc s’abstenir de participer à la communion distribuée dans leurs célébrations, afin de ne pas entretenir une ambiguïté sur la nature de l’Eucharistie et, par conséquent, manquer au devoir de témoigner avec clarté de la vérité. Cela finirait par retarder la marche vers la pleine unité visible » (n. 30), insiste le pape qui rappelle les normes établies par l’Eglise en la matière.

Il conclut à ce sujet: « La fidèle observance de l’ensemble des normes établies en la matière est à la fois manifestation et garantie d’amour tout autant envers Jésus Christ dans le très saint Sacrement qu’à l’égard des frères d’autres confessions chrétiennes, auxquels est dû le témoignage de la vérité, et qu’envers la cause même de la promotion de l’unité » (n. 46).

Le pape souligne enfin la force unificatrice de l’Eucharistie, non seulement pour les croyants, mais pour l’humanité: « Aux germes de désagrégation entre les hommes, qui, à l’expérience quotidienne, apparaissent tellement enracinés dans l’humanité à cause du péché, s’oppose la force génératrice d’unité du corps du Christ. En faisant l’Église, l’Eucharistie crée proprement pour cette raison la communauté entre les hommes » (n. 24).

(7) L’Eucharistie « missionnaire »
Jean-Paul II souligne enfin la dimension apostolique de la célébration eucharistique et replace son encyclique dans l contexte de la nouvelle évangélisation.

Le pape rappelle tout d’abord la dimension contemplative de la nouvelle évangélisation: « Contempler le visage du Christ, et le contempler avec Marie, voilà le « programme » que j’ai indiqué à l’Église à l’aube du troisième millénaire, l’invitant à avancer au large sur l’océan de l’histoire avec l’enthousiasme de la nouvelle évangélisation » (n. 6).

Il précise plus loin le lien entre Sainte Trinité, Eucharistie et mission: « La mission de l’Église est en continuité avec celle du Christ: « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie » (Jn 20, 21). C’est pourquoi, de la perpétuation du sacrifice du Christ dans l’Eucharistie et de la communion à son corps et à son sang, l’Église reçoit les forces spirituelles nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Ainsi, l’Eucharistie apparaît en même temps comme la source et le sommet de toute l’évangélisation, puisque son but est la communion de tous les hommes avec le Christ et en lui avec le Père et l’Esprit Saint » (n. 22).

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ZENIT Staff

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