CITE DU VATICAN, Lundi 10 mars 2003 (ZENIT.org) – Lorsque Jean-Paul II présente la paix comme un « don du Ressuscité », la paix est « libérée des idéologies et de toute possible manipulation », explique Mgr Renato Raffaele Martino, président du conseil pontifical Justice et Paix.
Dans L’Osservatore Romano en italien du 9 mars, Mgr Martino analyse en effet les trois aspects principaux de l’activité de l’Eglise catholique à propos de la paix. Voici notre traduction, rapide, de travail. Nos intertitres, tirés du texte lui-même, veulent faciliter la lecture.
Trois aspects principaux
« L’opinion publique, même avec ses modalités propres, c’est-à-dire parfois de façon bien ciblée, parfois de façon un peu distraite, a sans aucun doute été vivement intéressée par les trois aspects principaux de l’activité de l’Eglise catholique à propos de la paix: le très récent magistère de Jean-Paul II, l’incessante activité diplomatique du pape lui-même et du Saint-Siège, surtout avec les missions confiées au cardinal Etchegaray à Bagdad et au cardinal Laghi à Washington, et enfin la journée du 5 mars, mercredi des Cendres, journée de prière et de jeûne confiée à l’intercession de Marie, « Regina pacis ».
Un lien réciproque
« Ces trois éléments pris séparément ont conduit à un haut niveau de débat sur la paix en ces heures de forte tension et de forte préoccupation, mais leur valeur la plus authentique et leur signification la plus profonde, ils la doivent à leur lien réciproque. Les trois lignes d’intervention – magistère, activité diplomatique, prière et jeûne – possèdent une « valeur ajoutée » constituée par leur corrélation intime, du fait que ce sont trois aspects se soutenant et s’éclairant mutuellement. Ils doivent être pris comme un unique « ensemble » et, ainsi, ils peuvent constituer un point de départ significatif dans la pédagogie de la paix ».
Le « don spécial du Ressuscité »
« Le magistère du pape, ces derniers jours, s’est concentré sur la paix comme « don spécial du Ressuscité » (Rosarium Virginis Mariae, n. 40). De cette façon, la paix n’a pas été éloignée mais faite plus proche et rendue plus accessible à l’homme. De cette façon, la paix a été libérée des idéologies et de toute possible manipulation et, donc, elle a été véritablement « possible ». Enraciner la paix en Dieu et la comprendre surtout comme un don de lui signifie d’une part la rendre « indisponible » aux manipulations partisanes, et justement pour cela, la mettre à la disposition des hommes, en faire une chose pleinement humaine. La paix vient d’En-haut, c’est pourquoi elle est aussi à notre portée. Ce n’est pas un paradoxe. Solidement enracinée en Dieu, elle est devenue un aspect caractéristique de la foi chrétienne dans l’Emmanuel, le Dieu avec nous. Elle acquiert profondeur et elle pénètre les plaies les plus profondes de notre être. Reconduite là-haut, elle devient utilisable ici-bas, elle est libérée des idéologies pour devenir une chose des hommes, une chose qui est nôtre, qui est « mienne ».
Elle s’adapte au réalisme de la gradation
« Enracinée en Dieu, la paix acquiert respiration et liberté, elle devient une force attirante et convaincante parce qu’elle devient « vocation ». La paix est aussi une question qui est « mienne », elle m’interpelle moi aussi, justement parce qu’elle n’est de personne en particulier, mais un don d’En-haut. La verticalité se transforme en horizontalité. Plus la paix est fondée en Dieu, plus elle est de tous et plus seulement de quelqu’un. Aucun drapeau ne peut la représenter totalement, aucun groupement n’est pleinement titulaire, aucun intérêt en jeu ne peut se dispenser de se confronter à elle. Personne n’est exempt de faute à son égard, même si toutes les fautes ne sont pas égales. La paix devient « mesure » et critère de discernement, elle devient « agenda »: liste de choses à faire, c’est-à-dire de devoirs. En tant que « don de Dieu », elle appartient à l’humanité, elle est son bien commun. Elle est ombrageuse et condescendante, exigeante et disponible. Ombrageuse parce qu’elle ne tolère pas les compromis mesquins ni les manipulations; condescendante, parce qu’elle le met à la portée de tous, « même » celle des grands de la terre. Exigeante, parce que faite par des personnes convaincues et courageuses; disponible parce qu’elle s’adapte au réalisme de la gradation, et de la tolérance des faiblesses humaines ».
De nature pastorale
« C’est sur ce magistère que s’est greffée l’intense activité diplomatique du pape lui-même et du Saint-Siège, qui ont rencontré les principaux protagonistes mondiaux de la politique. Ces deniers jours, les journaux ont parlé des deux dernières puissances mondiales qui demeurent: les Etats-Unis et l’opinion publique mondiale. Lorsque l’on voit l’activité diplomatique du pape et du Saint-Siège ces derniers jours, on peut avoir l’impression qu’une troisième « puissance » mondiale est à l’œuvre. mais ce serait réducteur de considérer l’incessante activité diplomatique du Saint-Siège avec le regard habituel de la politique internationale, selon les critères des Etats et des armées. La force de cette activité diplomatique tient dans sa nature pastorale d’annonce de la Bonne nouvelle chrétienne dans le cœur des hommes. L’Eglise ne fait pas de politique, même lorsque le pape rencontre les plus grands chefs d’Etat, en des circonstances préoccupantes, comme actuellement. Mais lorsque l’Eglise annonce le Christ, Paix véritable, et lorsqu’elle s’engage à ne pas éteindre la conviction que la paix, avant d’être une construction des chancelleries, est un don de Dieu et le fruit de l’action d’hommes justes, alors, elle ne peut pas ne pas avoir aussi des répercussions « politiques » positives.
Long, mais pas impossible
« En troisième lieu, la prière et le jeûne du mercredi des Cendres. Cette fois aussi la contemplation chrétienne s’est révélée porteuse de réalisme. La prière pour la paix n’est pas une évasion mais une immersion dans la vie, le jeûne pour la paix que le pape a demandé le 5 mars dernier, n’a pas été vide de tergiversation: les yeux fixés sur le Christ, comme le dit (le document) « Rosarium Virginis Mariae » (n. 40), nous pouvons devenir des artisans de paix. Le réalisme chrétien fonde la paix dans le « Dieu de la paix » et justement pour cela, il en fait quelque chose de splendide ici et maintenant, il en fait une monnaie de dialogue et de discussion, d’obstination pour le bien commun, de courage créatif et de sage réalisme aussi. C’est justement parce que la paix on la reçoit – qu’elle est un don… – qu’elle est aussi entre nos mains. On ne la fabrique pas mais plutôt, on la fait germer ou porter du fruit. Et on la crée peu à peu, si bien que le « non » à la guerre est aussi un « examen » du chemin qui l’a rendue possible. C’est tenir les pieds sur terre en étant conscient que le trajet vers la paix est long mais pas impossible, que les résistances sont nombreuses mais pas insurmontables, que le passé met des embûches à l’avenir, mais ne le compromet pas, et surtout, qu’il n’y a pas seulement « la » guerre, mais « les » guerres, celles vers lesquelles les media dirigent leurs projecteurs dans les moments d’urgence, mais aussi celles oubliées et qui demeurent cachées, celles couvertes par les intérêts et les idéologies, celles qui sont « tolérées » parce qu’elles sont politiquement correctes.
La conscience morale de l’humanité
« La valeur ajoutée de ces trois éléments étroitement liés dans un unique ensemble significatif, constitueront, selon toute probabilité, un point de départ important pour la pédagogie de la paix dans le monde, un passage de la conscience morale de l’humanité à un niveau de maturité supérieur ».