CITE DU VATICAN, Mardi 25 février 2003 (ZENIT.org) – “Je me suis rendu en Côte-d'Ivoire poussé par un fort sentiment de solidarité envers ces populations qui souffrent depuis plus de cinq mois ". C'est ce qu'a déclaré au téléphone à l'agence Fides le cardinal Gantin, depuis Cotonou, la capitale de sa patrie, le Bénin: “J'ai voulu transmettre ce puissant élan de compassion qui provient du Saint-Père”, précise le cardinal.

Le cardinal Bernardin Gantin, doyen émérite du collège des cardinaux, expliquait les raisons de sa visite en Côte-d'Ivoire du 18 au 21 février: malgré les accords signés en France à la fin du mois de janvier, qui prévoyaient la formation d'un gouvernement d'unité nationale, la situation n'est pas encore stabilisée, et la guerre peut se rallumer d'un moment à l'autre. Tous les jours, des avions français, italiens et de nombreux autres pays rapatrient leurs concitoyens, mais les missionnaires veulent rester sur place.

Dans quel esprit vous êtes-vous rendu en Côte-d'Ivoire ?

Avec l'esprit de celui qui aime son prochain, comme le commande Notre Seigneur. Cela veut dire aimer ceux qui te sont proches, et qui sont dans la souffrance. Avec la Côte-d'Ivoire, il y a des liens très profonds : historiques, culturels, économiques et spirituels. Ces derniers en particulier viennent aussi du fait que les prêtres du Bénin et de la Côte-d'Ivoire fréquentaient le même séminaire d'Aniana, à 30 km d'Abidjan, que j'ai eu le plaisir de visiter durant mon séjour en Côte-d'Ivoire.
Par ma visite, j'ai ainsi voulu offrir un témoignage humble et en même temps concret à nos frères Ivoiriens. Les paroles ne suffisent pas à elles seules : être à côté de ceux qui souffrent, même quand on se sent impuissant devant l'énormité du mal, est un devoir que nous, chrétiens, nous sommes appelés à remplir. L'important est d'y être. Le Seigneur nous demandera : " où étais-tu quand je souffrais ? ".

Comment votre visite a-t-elle été accueillie ?

J'ai reçu un accueil très chaleureux de la part de mes frères Ivoiriens. Comme je l'ai déjà souligné, j'ai de nombreux amis prêtres avec lesquels nous avons suivi notre formation au grand séminaire de Aniana. Ces liens profonds sont devenus plus forts face à cette guerre. Les gens ont participé avec une vive émotion à la Messe célébrée, dans la cathédrale d'Abidjan, avec le Cardinal Bernard Agré, Archevêque d'Abidjan. Pendant la Messe, je me suis inspiré du Pape qui aime beaucoup l'Afrique et j'ai voulu transmettre ce puissant élan de compassion qui provient du Saint-Père, pour dire aux Ivoiriens : nous n'êtes pas seuls, toute l'Eglise universelle prie pour que la paix revienne enfin dans votre merveilleux pays. C'est pourquoi, dans mon homélie, j'ai rappelé les missionnaires qui continuent à rendre témoignage de l'Evangile en restant en Côte-d'Ivoire, tout en ayant la possibilité de s'en aller. Il ne se passe pas de jours où des avions français, italiens et de nombreux autres pays viennent pour rapatrier leurs concitoyens ; mais les missionnaires ne partent pas. Nous devons tous être reconnaissants envers ces personnes qui servent l'Eglise dans le silence, avec humilité, mais avec la ferveur d'une foi profonde.

Pourquoi ne cessent d'arriver d'Afrique de mauvaises nouvelles ? Quelle
peut être l'espérance ?

Ici, plus que dans d'autres contextes, la soif d'argent et de pouvoir des hommes politiques, et d'hommes d'affaires sans scrupules, ont la voie libre, parce que les structures de l'Etat, laissées par les colonisateurs, sont extrêmement faibles. Il n'y a pas de règles assurées pour punir ceux qui font recours à la violence pour dominer sur les plus faibles, et quand il y en a, l'Etat n'est pas en mesure de les faire respecter. L'espérance vient de ce que l'on sème aujourd'hui. En visitant le grand séminaire, et en voyant tous ces jeunes qui se préparent pour servir le prochain, je faisais ces considérations : combien de biens spirituels pour l'Afrique peuvent naître d'endroits comme celui-ci ! Là, j'ai pu toucher du doigt la fraternité extraordinaire qui existe dans l'Eglise, et qui devrait servir d'exemple même pour d'autres institutions.