Athènes: “Le patrimoine chrétien de l’Europe doit être reconnu”

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Entretien avec l’évêque orthodoxe grec Athanase

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CITE DU VATICAN, Mercredi 19 février 2003 (ZENIT.org) – “Nous sommes entièrement d’accord avec nos frères catholiques et protestants: le patrimoine et les racines chrétiens de l’Europe doivent être reconnus dans la future Constitution. De même l’Union doit garantir aux Eglises et communautés religieuses de pouvoir exister conformément à leurs traditions. Chaque pays membre doit avoir la liberté de choisir son mode traditionnel des rapports entre l’Etat et l’Eglise”, déclare l’évêque orthodoxe grec Athanase.

« Europaica » (cf. www.orthodoxeurope.org) publie cet entretien de Dimitri Siniakov avec Mgr Athanase, évêque d’Achaïe, et directeur du bureau de la représentation de l’Eglise de Grèce auprès de l’Union européenne.

Un entretien d’autant plus intéressant que la Grèce assure la présidence de l’Union jusqu’en juillet, et que le cardinal Walter Kasper, président du conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des chrétiens, revient d’Athènes, après une visite au Saint-Synode. Le président Valéry Giscard d’Estaing sera lui-même, jeudi 20 février, à Athènes (cf. european-convention.eu.int).

Le bureau de la représentation de l’Eglise orthodoxe de Grèce auprès de l’Union européenne à Bruxelles a été inauguré en juin 1998, un mois après l’intronisation de S. B. Christodoulos comme Archevêque d’Athènes et de toute la Grèce. La représentation est dirigée depuis novembre 2000 par Mgr Athanase Chatzopoulos, évêque d’Achaïe.

Mgr Athanase, quels sont les objectifs de la Représentation de l’Eglise de Grèce?

D’abord je voudrais féliciter Mgr Hilarion pour l’initiative de publier l’Europaica. C’est un moyen de communication utile pour tous.

Pour ce qui concerne votre question je peux vous dire que notre Représentation est avant tout un service du Saint-Synode de l’Eglise de Grèce dont l’objectif est de s’informer de ce qui se passe dans l’Union européenne, de garder un contact permanent avec le Parlement européen et, plus particulièrement avec les députés grecs, afin de bien comprendre la problématique et les enjeux européens. Nous sommes chargés d’établir les contacts réguliers avec la Commission européenne, le Conseil de l’Europe et l’UNESCO. Notre tâche est d’exprimer les intérêts des orthodoxes de notre pays, de faire entendre la voix de l’Eglise de Grèce dans les débats sur l’avenir de l’Europe. La Représentation est une sorte de pont entre les Institutions européennes et l’Eglise orthodoxe de Grèce.

Le contact avec la Commission européenne est notre priorité, cependant, nous avons des liens avec les organisations européennes de Strasbourg, le Conseil de l’Europe et l’UNESCO, avec lesquels nous désirons collaborer pour élaborer, par exemple, une politique commune de la préservation du patrimoine culturel et religieux européen. L’Union européenne n’est pas une institution monolithe, elle comprend plusieurs facteurs de prise de décisions, auxquels nous avons le devoir de témoigner de la tradition chrétienne orthodoxe. Nous le faisons en collaboration avec les diverses organisations européennes religieuses et représentations ecclésiales, présentes à Bruxelles, comme la COMECE, la Conférence des Eglises européennes et autres organisations religieuses. Nous désirons avoir un témoignage commun avec la Représentation du Patriarcat œcuménique et celle de l’Eglise orthodoxe russe, c’est notre priorité absolue.

La Commission européenne encourage le dialogue entre les diverses communautés religieuses européennes, et plus particulièrement entre les religions monothéistes. Nous sommes régulièrement convoqués pour exprimer notre opinion sur la construction européenne aux commissaires européens. Les réunions régulières entre les représentants orthodoxes à Bruxelles sont particulièrement indispensables. Notre Représentation, qui provisoirement se trouve dans un petit bureau, devrait bientôt déménager dans une maison, acquise par l’Eglise de Grèce. Nous pensons y organiser un centre ouvert à tous ceux qui désirent découvrir l’orthodoxie. Ce sera un lieu d’accueil, d’échanges avec une grande salle de réunion. Nous voudrions également offrir aux Européens la possibilité de s’informer de la tradition orthodoxe et des débats sur l’avenir de l’Europe. Pour cela, nous mettrons à leur disposition une petite bibliothèque spécialisée. Dans notre nouveau centre il y aura aussi un lieu d’accueil où des jeunes membres du clergé de l’ Eglise de Grèce pourront passer quelques temps, six ou douze mois, à participer dans l’activité de notre Représentation et à découvrir les Institutions européennes.

Quel est à votre avis le rôle de la Grèce et de l’Eglise de Grèce en Europe?

En 1981 la Grèce a eu la chance d’entrer dans la Communauté européenne. L’Eglise de Grèce est ainsi responsable de la vie spirituelle de plusieurs de Grecs, citoyens européens. Les Grecs essaient d’équilibrer la réalité double dans laquelle ils se trouvent, de trouver un juste milieu entre l’identité grecque et l’identité européenne. L’Eglise ne peut y rester indifférente; elle est consciente des problèmes que pose l’unification de l’Europe et aspire à participer aux délibérations sur les décisions prises au plan européen. Les décisions de Bruxelles touchent, en effet, la vie de tous les fidèles de l’Eglise de Grèce. Les orthodoxes sont minoritaires dans l’Union européenne; pour cette raison les Grecs ne se sentent pas toujours chez eux dans les autres pays européens. L’Eglise orthodoxe de Grèce a donc le défi de trouver des moyens de collaboration avec les autres Eglises et communautés religieuses, de faire entendre la voix de l’orthodoxie qui a un rôle à jouer dans l’élaboration de la démocratie et de l’u nité européenne.

Ce semestre est celui de la présidence grecque de la Commission européenne. Les ministres grecs sont conscients du rôle qui leur incombent et ils utilisent leur autorité afin de promouvoir une politique efficace d’unification qui n’accentue pas la diversité, mais les convergences entre les peuples de l’Europe. A cause de sa situation géographique la Grèce est pour l’Europe un pont entre l’Occident et l’Orient; même sa situation aux confins de l’Europe occidental l’appelle à avoir un rôle de médiateur entre les cultures. Cet effort trouve dans l’Eglise de Grèce un interlocuteur valable et une voix constructive.

Quels sont les rapports entre l’Eglise et l’Etat en Grèce?

En Grèce il existe un lien étroit entre l’Etat et l’Eglise. Au XIXe et XXe siècle l’Eglise a beaucoup aidé l’Etat en lui offrant ses terres; la plus grande partie des biens fonciers de l’Eglise a été donnée à l’Etat grec. Le rôle historique de l’Eglise en Grèce est considérable. C’est l’Eglise qui assurait jusqu’à l’indépendance de la Grèce l’éducation des enfants. C’est elle qui est le garant de la cohésion du peuple; elle est le véritable facteur d’unité des Grecs. L’Eglise a une présence symbolique forte dans notre pays: installée depuis deux millénaires, elle a accompagné le pays dans son évolution. En Grèce on a le sentiment très aigu que l’Eglise transcende l’histoire et le temps. Ce rôle de l’orthodoxie est reconnu et apprécié dans le pays.

Que pensez-vous de la décision récente du Parlement européen d’abroger l’interdiction d’accès des femmes au Mont Athos?

Le Parlement national n’aurait jamais pris une décision pareille, parce que, contrairement à l’autorité européenne, il est conscient de l’importance des traditions locales et de la législation n
ationale. En effet, la Constitution de Grèce et l’accord signé pour l’entrée de notre pays dans la Communauté européenne reconnaissent l’autonomie de la République monastique et laissent aux moines la liberté d’administrer les terres qui leur appartiennent depuis plus d’un millénaire. Cette décision ne peut être appliquée.

Quel est votre avis sur l’élargissement prochain de l’Union européenne? Quel sera le rôle de l’Orthodoxie après l’entrée des pays de l’Europe de l’Est dans l’Union?

Nous sommes pour l’élargissement de l’Europe, et l’augmentation du nombre des citoyens orthodoxes de l’Union européenne n’en est pas la seule raison. L’Eglise de Grèce a toujours encouragé et salué avec enthousiasme l’élargissement de l’Union et l’unification de notre continent. La présence des peuples divers dans l’Union enrichit l’Europe.

Pensez-vous que le facteur religieux doit être mentionné dans la Constitution européenne?

Sur ce point nous sommes entièrement d’accord avec nos frères catholiques et protestants: le patrimoine et les racines chrétiens de l’Europe doivent être reconnus dans la future Constitution. De même l’Union doit garantir aux Eglises et communautés religieuses de pouvoir exister conformément à leurs traditions. Chaque pays membre doit avoir la liberté de choisir son mode traditionnel de rapport entre l’Etat et l’Eglise. La situation française est différente de celle des autres pays à cause de son histoire propre; elle ne peut aucunement être imposée aux autres nations, dont les particularités doivent être reconnues et acceptées. L’Eglise de Grèce s’est exprimée officiellement sur cette question en mai 2002; le texte prononcé par l’archevêque Christodoulos d’Athènes, ainsi que la Déclaration de l’Eglise à ce sujet, sont disponibles sur le site de l’Eglise de Grèce. Nous préparons également un symposium international qui aura lieu à Athènes du 4 au 6 mai 2003 et sera intitulé «Les valeurs et principes pour l’avenir de l’Europe».

© Europaica

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ZENIT Staff

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