CITE DU VATICAN, Dimanche 16 février 2003 (ZENIT.org) – Jean-Paul II recommande le dialogue « de la vie » avec les Musulmans en Guinée Konakry: « La rencontre avec des croyants d’autres religions, en particulier avec les musulmans, est l’expérience quotidienne des chrétiens en Guinée, pays où l’Islam est largement majoritaire. Au moment où les suspicions, les tentations de repli sur soi ou le refus de la confrontation peuvent constituer des obstacles sérieux à la stabilité sociale et à la liberté religieuse des personnes, il importe que se poursuive le dialogue de la vie entre chrétiens et musulmans, afin qu’ils soient les témoins toujours plus audacieux du Dieu bon et miséricordieux, dans le respect mutuel ».
Voici le texte intégral du discours de Jean-Paul II aux évêques de Guinée lors de l’audience de samedi, concluant leur visite quinquennale ad limina.
Chers Frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
1. La visite ad limina que vous accomplissez en ces jours sur la tombe des Apôtres Pierre et Paul est pour moi source de joie. C’est une occasion d’affermir sans cesse les liens de communion qui vous unissent au Successeur de Pierre et, par lui, à l’Église universelle. Je rends grâce pour l’engagement missionnaire de vos communautés diocésaines et pour les fruits que l’Esprit Saint fait porter à votre tâche pastorale. Je vous accueille bien cordialement, saluant tout spécialement Monseigneur Philippe Kourouma, évêque de N’Zérékoré et Président de votre Conférence épiscopale. À votre retour dans vos diocèses, portez à vos prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux catéchistes et à tous les fidèles, le salut affectueux du Pape, qui demeure proche de chacun par la pensée et par la prière. Transmettez à tous vos compatriotes mes souhaits cordiaux pour un avenir de paix et de réconciliation, afin que tous puissent vivre dans la sécurité et la fraternità.
2. L’Église catholique en Guinée est une réalité bien vivante. Au long des pages heureuses et douloureuses de l’histoire du pays, malgré le petit nombre de ses membres et de ses moyens, elle a gardé une vive conscience d’être le levain de l’Évangile, rendant raison de sa foi, de son espérance et de sa charité par la proclamation de la Parole qui sauve et par le témoignage souvent héroïque de sa vie. Comme vous le soulignez dans vos rapports quinquennaux, nombreux sont aujourd’hui les obstacles à l’accueil de la foi, parmi lesquels la situation de grande pauvreté de la population, la difficulté d’annoncer le message évangélique dans un contexte marqué par la prédominance d’autres traditions religieuses et les problèmes rencontrés pour rejoindre des communautés isolées géographiquement. Les défis nouveaux de l’évangélisation qui se présentent aujourd’hui à l’Église ne doivent pas l’effrayer, mais au contraire raviver sa conscience missionnaire en l’enracinant dans une union toujours plus forte avec le Christ et en affermissant les liens de communion, qui rendent véritablement fécond le témoignage des chrétiens. En se fondant sur les valeurs humaines et spirituelles qui font la richesse de la culture du peuple guinéen, l’Église est appelée à semer la Bonne Nouvelle, par l’inculturation du message évangélique, qui offre à tout homme la possibilité d’accueillir Jésus Christ et de se laisser rejoindre dans l’intégralité de son être personnel, culturel, économique et politique, en vue de sa pleine et totale union à Dieu le Père, pour mener une vie sainte sous l’action de l’Esprit Saint (cf. Ecclesia in Africa, n. 62). Par des changements de mentalité et une conversion du cœur toujours nécessaires, puissent vos communautés, appelées à devenir toujours plus fraternelles, plus accueillantes et plus ouvertes aux autres, rendre visibles les signes de l’amour que Dieu porte à tout homme !
3. Comme vous le rappelez dans vos rapports quinquennaux, cette tâche d’évangélisation ne peut être séparée d’une promotion humaine véritable, qui donne à toute personne la possibilité de vivre pleinement selon sa dignité d’enfant de Dieu. Dès le début de l’évangélisation en Guinée, le patient travail des missionnaires, auquel je veux rendre hommage avec vous aujourd’hui, a lié de manière indissociable la mission prophétique de l’Église, manifestant le mystère de Dieu qui est la fin ultime de l’homme, et la mission de charité, révélant à l’homme, par les œuvres, la vérité intégrale sur l’homme (cf. Gaudium et spes, n. 41). Par ses actions d’éducation, d’entraide, de santé et de promotion sociale, l’Église en Guinée rend présent le Verbe de Dieu, accompagnant la croissance matérielle et spirituelle des personnes et des communautés. Je vous invite à poursuivre dans cette voie, en appelant notamment les chrétiens à s’engager toujours davantage dans la vie politique du pays, et en les aidant, par une formation doctrinale adéquate, à allier de manière cohérente leur foi chrétienne et leurs responsabilités civiques (cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Note doctrinale concernant certaines questions sur l’engagement et les comportements des catholiques dans la vie politique, n. 3). Ils pourront ainsi «exercer une influence sur le tissu social, pour transformer les mentalités et les structures de la société de telle sorte qu’elles reflètent mieux les desseins de Dieu» (Ecclesia in Africa, n. 54), travaillant au bien commun, à la fraternité et à l’établissement de la paix dans la justice.
4. Comme j’ai pu le constater, vous accordez, dans vos programmes pastoraux, une grande place à la formation des différents agents de l’évangélisation, afin qu’ils puissent assumer leur rôle irremplaçable dans l’Église et dans la société. Cela est notamment rendu nécessaire en raison de l’offensive des sectes, qui profitent de la situation de misère et de crédulité des fidèles pour les détourner de l’Église et de la parole libératrice de l’Évangile. Dans cette perspective, je souhaite que vous portiez une attention renouvelée à la formation des catéchistes, que je salue avec affection, appréciant leur dévouement inlassable. Je vous encourage vivement à accorder à ces précieux collaborateurs de la mission un soutien matériel, moral et spirituel, et à les faire bénéficier d’une formation doctrinale initiale et permanente. Qu’ils soient des modèles de charité et des défenseurs de la vie, car leur exemple quotidien de vie chrétienne est un précieux témoignage de sainteté pour ceux qu’ils sont chargés de guider vers le Christ !
5. Nombreuses et de tous ordres sont les menaces qui favorisent aujourd’hui l’éclatement de la famille en Guinée et de ses fondements, atteignant ainsi la cohésion sociale.«Du point de vue pastoral, cela constitue un réel défi, étant donné les difficultés d’ordre politique, économique, social et culturel auxquelles les foyers doivent faire face en Afrique, dans le cadre des mutations importantes de la société contemporaine» (Ecclesia in Africa, n. 80). Il est donc essentiel d’encourager les catholiques pour qu’ils préservent et promeuvent les valeurs fondamentales de la famille. Les fidèles doivent avoir en haute considération la dignité du mariage chrétien, signe de l’amour du Christ pour son Église. Pleinement consciente des dangers que peut faire peser la pratique de la polygamie sur l’institution du mariage chrétien, l’Église doit enseigner clairement et inlassablement la vérité sur le mariage et la famille tels que Dieu les a établis, rappelant notamment que l’amour que se portent l’époux et l’épouse est unique et indissoluble, et que, grâce à sa stabilité, le mariage contribue à la pleine réalisation de leur vocation humaine et chrétienne, et qu’il ouvre au bonheur véritable. La famille demeure aussi le lieu indispensable pour la croi
ssance humaine et spirituelle des enfants.
Je souhaite aussi que les jeunes de vos diocèses, chers à mon cœur, trouvent dans leur proximité avec le Christ le goût d’accueillir sa parole de vie et d’être disponibles pour se mettre à son service. Dans les difficultés qu’ils connaissent, qu’ils ne perdent jamais confiance en l’avenir; que, par une vie de prière et une vie sacramentelle forte, ils demeurent proches du Christ, pour porter les valeurs de l’Évangile dans leurs milieux de vie et prendre généreusement leur place dans la transformation de la société !
6. Je salue cordialement les prêtres de vos diocèses, collaborateurs irremplaçables, que vous devez considérer comme des frères et des amis, en vous préoccupant toujours davantage de leur situation matérielle et spirituelle, et en les incitant à une collaboration toujours plus fraternelle avec vous et entre eux. J’exhorte aussi le presbyterium de vos diocèses à manifester son unité et sa profonde communion autour de l’Évêque, en ayant la conviction que tous sont au service d’une unique mission qui leur a été confiée par l’Église au nom du Christ. Ce témoignage d’unité est en effet essentiel pour que l’Église locale poursuive avec fécondité son édification et sa croissance. L’exemple de vie irréprochable des prêtres est aussi pour les jeunes un stimulant vigoureux, qui peut les aider à répondre avec générosité à l’appel du Seigneur, leur montrant la joie qu’il y a à suivre le Christ. Dans la promotion des vocations, comme dans leur discernement et leur accompagnement, la première responsabilité est celle de l’Évêque, responsabilité qu’il doit assumer personnellement, tout en s’assurant la collaboration indispensable de son presbyterium, notamment de prêtres bien formés à ce ministère, et en rappelant aux familles chrétiennes, aux catéchistes et à l’ensemble des fidèles, leur responsabilité particulière en ce domaine.
7. La rencontre avec des croyants d’autres religions, en particulier avec les musulmans, est l’expérience quotidienne des chrétiens en Guinée, pays où l’Islam est largement majoritaire. Au moment où les suspicions, les tentations de repli sur soi ou le refus de la confrontation peuvent constituer des obstacles sérieux à la stabilité sociale et à la liberté religieuse des personnes, il importe que se poursuive le dialogue de la vie entre chrétiens et musulmans, afin qu’ils soient les témoins toujours plus audacieux du Dieu bon et miséricordieux, dans le respect mutuel. L’avenir d’un pays repose en grande partie sur le respect des personnes et de leur liberté de conscience, à laquelle appartient le libre choix religieux. Toutefois, comme je l’ai écrit dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, «le dialogue ne peut être fondé sur l’indifférentisme religieux, et nous avons le devoir, nous chrétiens, de le développer en offrant le témoignage plénier de l’espérance qui est en nous» (n. 56).
8. Je connais la présence active de l’Église, notamment à travers ses organismes caritatifs nationaux et internationaux, auprès des personnes atteintes par de graves maladies comme le Sida, auprès des nombreux réfugiés provenant de pays voisins et, d’une manière générale, auprès de tous ceux qui souffrent des conséquences de la pauvreté. Je vous encourage à poursuivre vos efforts pour leur offrir l’assistance matérielle et pastorale requise. Je remercie vivement ceux qui, avec générosité, se mettent au service de leurs frères et sœurs. Ils sont ainsi, au nom de toute l’Église, les témoins de la charité du Christ envers les plus démunis et les plus faibles de la société.
9. Au terme de notre rencontre, chers Frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce, avec vous je rends grâce à Dieu pour l’œuvre accomplie. Je confie chacun de vos diocèses à l’intercession maternelle de la Vierge Marie, Notre-Dame du Rosaire. J’implore son Fils Jésus, pour qu’il répande sur l’Église en Guinée l’abondance des bénédictions divines, afin qu’elle soit un signe vivant de l’amour que Dieu porte à tous, en particulier aux démunis, aux malades, aux personnes qui souffrent. De grand cœur, je vous accorde la Bénédiction apostolique, que j’étends volontiers aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux catéchistes et à tous les fidèles laïcs de vos diocèses.
[Texte original: Français]