CITE DU VATICAN, Mercredi 25 avril 2001 (ZENIT.org) – « Le psaume 62… est le psaume de l´amour mystique », expliquait le pape Jean-Paul II dans sa catéchèse de ce matin, Place Saint-Pierre, lors de l´audience générale. Le pape commentait le Ps 62, chanté aux Laudes du dimanche de la Ière des quatre semaines du cycle liturgique.
« Le psaume 62, sur lequel nous réfléchissons aujourd´hui, disait le pape en italien, est le psaume de l´amour mystique, qui célèbre l´adhésion totale à Dieu, à partir d´une aspiration quasi physique et en rejoignant sa plénitude dans un embrassement intime et permanent. La prière se fait désir, soif et faim, parce qu´elle engage l´âme et le corps ».
Le pape citait sainte Thérèse d´Avila: « La soif exprime le désir d´une chose, mais un désir tellement intense que nous mourons si nous en sommes dépourvus » (Chemin de la Perfection, ch. 21). Or la liturgie de ce dimanche propose deux strophes choisies « centrées, explique le pape, sur les symboles de la soif et de la faim ». La troisième strophe évoque « un horizon obscur », celui « du jugement divin sur le mal », en contraste « avec la luminosité et la douceur du reste du psaume ».
S´attachant aux premiers versets, Jean-Paul II commente: « C´est l´aube, le soleil se lève dans le ciel pur de la Terre-Sainte et l´orant commence sa journée en se rendant au temple pour y chercher la lumière de Dieu. Il a besoin de cette rencontre avec le Seigneur de façon quasi instinctive, on pourrait dire « physique ». De même que la terre aride reste morte, tant que la pluie ne l´irrigue pas, et qu´on dirait, dans les craquelures du sol, une bouche assoiffée et brûlante, de même le fidèle aspire-t-il à Dieu, à être comblé par Lui et ainsi pouvoir exister, en communion avec Lui ».
Evoquant ensuite la voix du prophète Jérémie, Jean-Paul II en arrive à évoquer le cri du Christ: « Qu´il vienne à moi et qu´il boive, celui qui croit en moi » (Jn 7,37-38) et la rencontre du Christ et de la femme de Samarie: « En plein midi, un jour ensoleillé et silencieux, il promet à la Samaritaine: « Qui boit l´eau que je lui donnerai n´aura plus jamais soif, mais l´eau que je lui donnerai jaillira en lui pour la vie éternelle » (Jn 4,14).
Jean-Paul II « enfile les perles » en rapprochant la prière du Ps 62 du Ps 41: « Comme le cerf altéré cherche l´eau vive, ainsi mon âme a soif de toi, mon Dieu. Mon âme a soif du Dieu, le Dieu vivant » (vv. 2-3). Et d´expliquer: « Dans la langue de l´Ancien Testament, l´hébreu, « l´âme » s´exprime par le terme « nefesh », qui désigne, dans certains textes, « la gorge » et, dans de nombreux autres, il en vient à indiquer l´être intérieur de la personne. Pris selon cette dimension, le terme aide à comprendre combien le besoin de Dieu est essentiel et profond; sans lui, le souffle et la vie même viennent à manquer. C´est pourquoi le psalmiste finit par placer au second plan jusqu´à sa propre existence physique, si l´union à Dieu devait manquer: « Ta grâce vaut mieux que la vie » (Ps 62,4) ».
Puis le psaume passe du « chant de la soif » à celui « de la faim » (vv. 6-9). « Par les images du « festin abondant » et de la satiété, continue le pape, l´orant renvoie probablement à l´un des sacrifices qui se célébraient dans le temple de Sion: celui que l´on appelle [le sacrifice] « de communion » c´est-à-dire un banquet sacré au cours duquel les fidèles mangeaient la viande des victimes immolées. Une autre nécessité fondamentale de la vie est ici utilisée comme symbole de la communion avec Dieu: la faim est apaisée lorsqu´on écoute la Parole de Dieu et que l´on rencontre le Seigneur. En effet, « l´homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche du Seigneur » (Dt 8,3; cf. Mt 4,4) ».
« Et ici, la pensée du Chrétien, ajoute le pape, court vers ce banquet que le Christ a préparé au dernier soir de sa vie terrestre et dont il avait déjà expliqué la valeur profonde lors du discours de Capharnaüm: « Ma chair est le pain véritable et mon sang la vraie boisson. Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui » (Jn 6,55-56) ».
Jean-Paul II interprète ainsi le psaume dans le sens de la « nourriture mystique de la communion avec Dieu » par laquelle « l´âme se serre » contre Lui, le mot « âme » désignant ici aussi « l´intériorité ». « Ce n´est pas pour rien, insiste le pape, que l´on parle d´embrassement, d´un serrement quasi physique: désormais, Dieu et l´homme sont en pleine communion et sur les lèvres de la créature, ne peut que jaillir la louange joyeuse et reconnaissante ».
Le pape poursuit son commentaire en des termes qui rappellent le Carmel: « Même si c´est dans la nuit obscure, on se sent protégé par les ailes de Dieu, comme l´arche de l´Alliance est couverte par les ailes des Chérubins. C´est alors que fleurit l´expression extatique de la joie: « J´exulte de joie à l´ombre de tes ailes. La peur se dissout, l´embrassement ne serre pas le vide, mais Dieu même, notre main s´entrelace avec la force de sa droite (cf. Ps 62,8-9) ».
C´est à une lecture pascale que Jean-Paul II conduit finalement son auditoire: « Dans une lecture du psaume à la lumière du mystère pascal, dit-il, la soif et la faim qui nous poussent vers Dieu trouvent leur apaisement dans le Christ crucifié et ressuscité, par lequel nous parviennent, par le don de l´Esprit et des Sacrements, la vie nouvelle et l´aliment qui la soutient ».
Jean-Paul II emporte son auditoire vers la contemplation de l´eau et du sang qui jaillissent du Christ en Croix (cf. Jn 19,34), avec cette interprétation de S. Jean Chrysostome: « Ce sang et cette eau sont les symboles du baptême et des mystères », c´est à dire, précise Jean-Paul II: « l´Eucharistie ».
Enfin, à la suite du Père grec, le pape donne du passage une interprétation à la fois christologique et ecclésiale, sponsale et maternelle: « Voyez-vous, interroge saint Jean Chrysostome, comment le Christ unit à lui son Epouse? Voyez-vous par quelle nourriture il nous nourrit tous? C´est par la même nourriture que nous avons été formés et que nous sommes nourris. En effet, comme la femme nourrit celui qu´elle a enfanté par son sang et son lait, ainsi le Christ nourrit-il aussi continuellement par son sang celui qu´il a lui-même engendré » (Homélie III aux Néophytes, 16-19 passim: SC 50 bis, 160-162).
Jean-Paul II propose ainsi une catéchèse qui lit ensemble la « Torah » (le Deutéronome), des Prophètes (Jérémie) et les Psaumes, à la lumière de l´Evangile de la résurrection (cf. Luc 24): une lecture de l´un et l´autre Testament, dans la Tradition (la liturgie, Saint Jean Chrysostome, sainte Thérèse d´Avila), comme le recommande le Concile Vatican II dans « Dei Verbum ».