ROME, Mercredi 11 avril 2001 (ZENIT.org) – Les quatorze évêques de la Commission des Episcopats de la Communauté européenne disent attendre « avec impatience la future révision de la Directive Télévision sans frontières par la Commission européenne au début 2002 et du processus de consultations et de travail en ateliers qui se déroulera dans le courant de l´année 2001 afin de préparer cette révision ».
Ils souhaitent une majeure protection des mineurs, une attention particulière à ce qu´ils appellent « l’alphabétisation d´Internet », et prônent d´urgence une éducation des jeunes aux media.
Voici le texte intégral de la déclaration des évêques, dans la traduction officielle en français.
« Les médias et les jeunes : la protection des mineurs »
Un appel à l´éducation aux médias
1. L´Eglise et le nouvel environnement médiatique
L´accès et le choix à la disposition des utilisateurs des « anciens médias » – presse, radio et télévision –et des « nouveaux médias » – Internet et autres formes de technologies de l´information – se sont développés à un rythme extraordinaire au cours de ces dernières années. En même temps, la distinction entre publicité, loisirs et information est souvent devenue très floue et la globalisation des médias a rendu de plus en plus difficile le suivi du contenu et de la diffusion, sans parler du contrôle de ceux-ci.
Ce nouvel environnement médiatique offre des possibilités considérables à la société, mais nous pose aussi des défis de nature sociétale et éthique comme citoyens et comme chrétiens. Le pape Jean Paul II a récemment déclaré que « l´Eglise ne pouvait se borner à être un simple spectateur des résultats sociaux de progrès technologiques qui ont des effets aussi décisifs sur la vie des gens » . Nous avons une responsabilité particulière à l´égard des enfants et des jeunes : non seulement pour les protéger de méthodes de communication qui les exploitent, ou d´un contenu préjudiciable à leur développement, mais aussi pour leur permettre d´utiliser les médias de manière constructive– et en particulier les nouveaux médias – pour le bien commun de la société.
2. L´Union européenne et la protection des mineurs
Le gouvernement suédois s´est engagé à ce que, durant sa présidence du Conseil de l´Union européenne au cours du premier semestre 2001, « l´accent soit mis sur la situation des enfants et des jeunes dans le nouvel environnement médiatique ». La COMECE (Commission des Episcopats de la Communauté européenne) se félicite de cette initiative et attend en particulier avec intérêt les conclusions qui seront tirées par le Conseil des Ministres de la Culture lors de sa réunion du 21 juin 2001 à Luxembourg.
La COMECE attend aussi avec impatience la future révision de la Directive Télévision sans frontières par la Commission européenne au début 2002 et du processus de consultations et de travail en ateliers qui se déroulera dans le courant de l´année 2001 afin de préparer cette révision.
Dans le contexte de ces changements importants qui vont bientôt se produire au niveau de la politique de l´Union européenne, la COMECE voudrait définir quelques principes de base concernant la situation des enfants et des jeunes dans le nouvel environnement médiatique et souligner l´importance de l´éducation aux médias.
Le Conseil a adopté une Recommandation aux Etats membres le 24 septembre 1998 au sujet de la Protection des mineurs et de la dignité humaine dans les services audiovisuels et d´information. Le 27 février 2001, la Commission a publié un Rapport d´évaluation sur l´application de cette Recommandation ainsi que sur les mesures adoptées dans les Etats membres et au niveau communautaire au cours de ces deux dernières années .
La Commission conclut dans son Rapport que même si dans l´ensemble la Recommandation a été mise en œuvre de façon satisfaisante, « les consommateurs auraient dû être mieux associés à la mise en place de codes de conduite ». Un des moyens les plus importants pour faire participer les consommateurs – mais nous pensons qu´il serait préférable de parler de « citoyens » – est l´éducation. Malheureusement, il semble que la Recommandation et le Rapport ne s´intéressent que superficiellement à cette question.
3. Importance de l´éducation aux médias
Nous mettons l´accent sur le fait que les producteurs de médias doivent assumer en premier la responsabilité de s´assurer que les enfants et les jeunes ne sont pas exploités par les médias ou exposés à des contenus qui pourraient être préjudiciables à leur développement. Il est du devoir de l´Etat aussi de contrôler le comportement des producteurs de médias et de garantir qu´ils respectent les normes agréées.
Cependant, les interdictions, la censure, les « lignes de démarcation horaire des programmes », la réglementation et les codes de conduite ne sont efficaces que jusqu´à un certain point. Cette observation a été faite par Viviane Reding, Commissaire européen à l´Education, à la Culture et aux Médias, lors d´une réunion avec le Groupe de travail de la COMECE sur la Société de l´information, les Communications et la Politique des médias en janvier 2001. Ces mesures doivent être mises en œuvre parallèlement à l´éducation. Malheureusement, en dépit des appels réitérés de la Commission pour encourager à la fois l´autorégulation et l´éducation à l´utilisation critique des médias, nous constatons que dans tout le Rapport d´évaluation il n´y a qu´une seule phrase qui traite de l´éducation .
Tout en reconnaissant l´importance de maintenir et de continuer à mettre en œuvre des mesures de réglementation et d´autorégulation, nous sommes convaincus que l´une des « formes de protections » les meilleures et les plus durables consiste à doter les enfants de la compréhension et des compétences nécessaires pour pouvoir être en interaction avec les médias de façon critique. L´éducation aux médias est le moyen clé pour favoriser non seulement la compréhension critique des médias par les jeunes au moyen de l´analyse, mais aussi leur participation critique comme producteurs culturels à part entière. Il est essentiel de les équiper à devenir des participants actifs au sein de la culture médiatique qui les entoure. En ce sens, l´éducation aux médias peut développer la capacité propre des enfants à se protéger de l´environnement médiatique plus large – et, ce qui est plus important et plus positif, à comprendre et à savoir s´y prendre efficacement avec cet environnement. Les parents ont une responsabilité particulière qui est d´encourager et de permettre à leurs enfants d´adopter cette approche critique vis-à-vis des médias.
Nous remarquons aussi que le service public joue un rôle important non seulement en préservant la qualité et la pluralité des médias, mais aussi en donnant aux gens l´éducation nécessaire et la possibilité d´utiliser les médias dans leur propre intérêt. Nous espérons que les législateurs se souviendront de ceci lorsqu´ils se pencheront sur l´avenir du service public dans l´Union européenne. Nous les encourageons également à considérer avec prudence le rôle de « l´espace public » sur Internet.
Il faut être particulièrement attentif à la question de l’alphabétisation d´Internet. Dans ce contexte, nous saluons le plan d´action e-Learning adopté par la Commission européenne le 28 mars 2001, et plus particulièrement l´intention du Commissaire européen Viviane Reding de travailler sur une initiative d´éducation à l´image visuelle et aux nouveaux médias. Néanmoins, nous aimerions souligner que les mesures destinées à former les gens à l´utilisation de la technologie de l´information – telles que les objectifs fixés par le processus de Lisbonne et confir
més par le Conseil européen de Stockholm les 23-24 mars – ne sont pas suffisantes. Des dispositions doivent être prises à tous les niveaux et dans tous les secteurs d´éducation et de formation pour doter les gens des compétences leur permettant d´utiliser et d´évaluer le contenu d´Internet ainsi que son dispositif technique.
4. Apprentissage de la citoyenneté et de la démocratie tout au long de la vie
L´éducation aux médias ne consiste pas seulement en l´acquisition d´une attitude critique personnelle. Elle sert aussi le bien commun de l´ensemble de la société. C´est une éducation à la citoyenneté et à la démocratie. Elle peut contribuer à la formation de citoyens bien informés, capables de « prendre les choses en main », de devenir des agents efficaces du changement, de prendre des décisions rationnelles (souvent en fonction des éléments apportés par les médias) et de participer pleinement à la vie publique au plan local, national et européen. Si, comme nous le savons, la lutte pour la citoyenneté et la démocratie se situe en partie au niveau des expressions et des significations culturelles – en particulier celles proposées par les médias –, l´éducation aux médias représente une contribution très importante au futur développement de la citoyenneté et de la démocratie.
Etant donné aussi que pour la plupart des enfants, l´intérêt et l´attachement aux médias se développent bien avant qu´ils ne commencent à aller à l´école et continuent tout au long de leur vie adulte, nous pouvons en conclure que l´éducation aux médias est un processus qui se déroule tout au long de la vie. Il est donc essentiel de promouvoir l´éducation aux médias aux différents stades de la vie adulte. Nous devrions réfléchir à la possibilité de formes d´éducation aux médias qui vont au-delà d´un apprentissage traditionnel en classe, et notamment à de nouveaux moyens de dialogue et de partage d´expérience commune entre adultes (parents, enseignants, religieux, etc.) et enfants ainsi qu´entre les producteurs de médias, les décideurs (au niveau local, national et européen) et les différents publics. Cette approche comportera aussi de nouvelles dispositions institutionnelles (publiques et privées) destinées aux différents secteurs de la société, avec la possibilité d´avoir accès et de participer à toute une gamme « d´anciens » et de « nouveaux » médias et aux activités d´éducation aux médias qui y sont associées. Le travail de la Commission européenne concernant l´e-Learning et l´apprentissage tout au long de la vie est l´occasion de concrétiser ces possibilités.
5. Nécessité d´un débat approfondi
Une compréhension plus large de l´éducation à la culture et à la communication est au cœur de cette question. Les processus qui ont été amorcés par la Présidence suédoise de l´Union et par la Commission européenne offrent la possibilité aux décideurs en matière de médias et d´éducation de toute l´Union européenne et des pays candidats d´entamer une réflexion sérieuse sur ces problèmes. Dans ce contexte, l´Assemblée plénière de la COMECE demande au Groupe de travail de la COMECE sur la Société de l´information, les Communications et la Politique des médias de participer activement au processus préparatoire de révision de la Directive Télévision sans frontières ainsi qu´au débat plus large lancé par la Présidence suédoise.
Rome, 30 mars 2001