Le pape François recommande à l’Église tchadienne de « porter un soin très attentif aux familles » et de valoriser « le rôle et la dignité de la femme, de manière à rendre un éloquent témoignage en faveur de l’Évangile » : que « les comportements à l’intérieur de l’Église soient un modèle pour l’ensemble de la société », encourage-t-il.

Le pape a en effet reçu les évêques de la Conférence épiscopale du Tchad en visite « ad limina apostolorum », ce jeudi matin, 2 octobre 2014, au Vatican.

Au cours de la rencontre, il leurs a remis un discours où il invite à « développer le dialogue interreligieux », afin de « décourager le développement de la violence dont les chrétiens sont les victimes dans des pays voisins ». Les catholiques du Tchad sont minoritaires (8%) au sein d'une population à majorité musulmane (près de 60%).

Le pape salue par ailleurs le travail de l’Église locale « dans les domaines de l’éducation, de la santé et du développement » : « les autorités civiles sont très reconnaissantes à l’Église catholique pour ce qu’elle apporte à l’ensemble de la société tchadienne », ajoute-t-il en exhortant à « maintenir les bonnes relations qui se sont nouées avec elles ».

Mais les évêques sont aussi appelés à accentuer la formation permanente des laïcs, en se dotant de centres de formation et en mettant à jour les méthodes catéchétiques : « il est indispensable de veiller à l’exactitude et à l’exhaustivité du contenu doctrinal de ces parcours. Ce contenu se trouve exprimé avec clarté dans le Catéchisme de l’Église Catholique, auquel tout parcours de formation se doit de faire référence ».

« Ce qui est bon dans vos traditions culturelles doit y être pris en compte et valorisé alors que ce qui n’est pas chrétien doit être le plus clairement dénoncé », ajoute-t-il.

Enfin, le pape invite à « soigner particulièrement la formation dans les séminaires » en désignant « des professeurs stables et compétents » : « N’hésitez pas à vous investir personnellement, en visitant vous-mêmes les séminaires, en vous faisant proches des professeurs comme des séminaristes, afin de mieux connaître les richesses et les lacunes de la formation, pour renforcer les unes et remédier aux autres. »

A.K.

Discours du pape François

Chers Frères Évêques,

C’est une grande joie de vous accueillir au Vatican à l’occasion de votre visite ad limina. Je remercie bien cordialement Monseigneur Jean Claude Bouchard, président de votre Conférence épiscopale, pour les paroles qu’il m’a adressées. Ce pèlerinage régulier des Évêques du monde entier sur les tombeaux des Apôtres Pierre et Paul est une occasion particulièrement significative de vivre la collégialité. Non seulement il manifeste et resserre les liens de communion avec le successeur de Pierre, mais il rappelle aussi la sollicitude fraternelle que chaque Évêque doit avoir pour les autres Églises particulières, notamment celles qui se trouvent dans un même pays. Je forme le vœu que vous retourniez dans vos diocèses renforcés dans cette conviction que vous n’êtes pas seuls dans votre difficile et exigeante mission, mais que vous avez, à vos côtés, des frères qui partagent le même souci d’annoncer l’Évangile et de servir l’Église au Tchad, et aussi la certitude que le Pape, avec toute l’Église universelle, vous porte dans sa prière et vous encourage dans votre ministère.

Et je tiens avant tout à vous remercier pour l’œuvre d’évangélisation que vous accomplissez. Vos communautés sont en croissance, non seulement au plan numérique, mais aussi par la qualité et la vigueur de leur engagement. Je me réjouis, en effet, du travail réalisé dans les domaines de l’éducation, de la santé et du développement. D’ailleurs, les autorités civiles sont très reconnaissantes à l’Église catholique pour ce qu’elle apporte à l’ensemble de la société tchadienne. Je vous encourage à persévérer dans cette voie car il y a un lien intime entre évangélisation et promotion humaine, lien qui doit s’exprimer et se développer dans toute l’action évangélisatrice (cf. Evangelii gaudium, n. 178). Le service des pauvres et des plus faibles est un véritable témoignage rendu au Christ qui s’est fait pauvre pour s’approcher de nous et nous sauver. Les Congrégations religieuses, ainsi que les laïcs qui travaillent avec elles, ont un rôle considérable dans ce domaine, qu’elles en soient vivement remerciées.

Cependant, il est certain que cet engagement dans les œuvres sociales ne saurait à lui seul épuiser toute l’action évangélisatrice ; un approfondissement et un enracinement de la foi dans le cœur des fidèles – se traduisant par une authentique vie spirituelle et sacramentelle – sont indispensables pour qu’elle soit en mesure de résister aux épreuves, nombreuses aujourd’hui, et pour que les comportements des fidèles s’accordent davantage avec les exigences de l’Évangile, les faisant progresser vers une véritable sainteté. Cela est particulièrement vrai dans un pays où le poids de certaines traditions culturelles est très fort, où les propositions religieuses plus faciles au plan moral apparaissent de toutes parts, et où la sécularisation commence à se faire sentir.

Il convient donc que les fidèles soient solidement formés doctrinalement et spirituellement. Et le premier lieu de cette formation est certainement la catéchèse. Je vous invite, dans un esprit missionnaire renouvelé, à mettre à jour les méthodes catéchétiques utilisées dans vos diocèses. D’une part, ce qui est bon dans vos traditions culturelles doit y être pris en compte et valorisé – car le Christ n’est pas venu détruire les cultures mais les porter à leur accomplissement (cf. Audience générale du 20 août 2014) – alors que ce qui n’est pas chrétien doit être le plus clairement dénoncé. En même temps, il est indispensable de veiller à l’exactitude et à l’exhaustivité du contenu doctrinal de ces parcours. Ce contenu se trouve exprimé avec clarté dans le Catéchisme de l’Église Catholique, auquel tout parcours de formation se doit de faire référence.

Le souci d’une catéchèse de qualité pose nécessairement la question de la formation des catéchistes. Ils sont très nombreux dans vos diocèses et leur rôle dans l’annonce de la foi est irremplaçable. Je vous demande de leur transmettre mes plus vifs encouragements. Le catéchiste doit être convenablement formé, non seulement intellectuellement – ce qui est absolument indispensable – mais aussi humainement et spirituellement pour que, en véritable témoin du Christ, son enseignement porte réellement du fruit. Peut-être chaque diocèse devrait-il se doter d’un Centre de formation qui leur soit destiné et qui pourrait être utile, de manière plus générale, à la formation permanente des laïcs ? En effet, le travail d’évangélisation auprès des fidèles est sans cesse à reprendre et à approfondir.

Cela est vrai également au sujet des familles, qui sont la « cellule vitale de la société et de l’Église » (Africae munus, n. 42) et qui se trouvent aujourd’hui très fragilisées. Je vous recommande – mais je sais que vous le faites déjà – de leur porter un soin très attentif ; elles ont besoin de vos orientations, de vos enseignements, de votre protection. Et, au sein de la famille, il importe que le rôle et la dignité de la femme soit valorisés, de manière à rendre un éloquent témoignage en faveur de l’Évangile. Il convient donc, en ce domaine, que « les comportements à l’intérieur de l’Église soient un modèle pour l’ensemble de la société » (Africae munus, n. 56).

Enfin, la fécondité et la solidité de l’évangélisation passe naturellement par la qualité du clergé. J’adresse à tous les prêtres mes plus affectueuses salutations. Certes, leur tâche est difficile, accomplie souvent dans des conditions de dénuement et de solitude. Afin de les soutenir dans leur mission, et pour que leur ministère auprès des fidèles soit fécond, il convient de soigner particulièrement la formation dans les séminaires. Je sais les investissements – en argent et en personnes – que cela représente pour un diocèse. Mais je vous recommande vivement d’agir de manière concertée pour désigner et former des professeurs stables et compétents. N’hésitez pas à vous investir personnellement, en visitant vous-mêmes les séminaires, en vous faisant proches des professeurs comme des séminaristes, afin de mieux connaître les richesses et les lacunes de la formation, pour renforcer les unes et remédier aux autres.

Quant à la formation permanente du clergé, au niveau diocésain afin que tous puissent y participer, il est certainement nécessaire de reprendre et de rappeler les exigences de la vie sacerdotale sous tous ses aspects – spirituel, intellectuel, moral, pastoral, liturgique… – comme aussi de susciter une fraternité sacerdotale sincère et enthousiaste.

Chers frères Évêques, l’Église au Tchad, malgré sa vitalité et son développement, est très minoritaire au milieu d’un peuple dont la majorité est musulmane et qui est encore en partie attaché à ses cultes traditionnels. Je vous encourage à faire en sorte que l’Église, qui est respectée et écoutée, garde toute la place qui lui revient dans la société tchadienne dont elle est devenu un élément structurant, même là où elle est minoritaire. Dans un tel contexte je ne peux que vous encourager à développer le dialogue interreligieux, comme l’avait très heureusement commencé le regretté Archevêque de N’Djaména, Mgr Mathias N’Gartéri Mayadi, qui avait beaucoup œuvré pour promouvoir la cohabitation entre les différentes communautés religieuses. Je pense que de telles initiatives sont à poursuivre afin de décourager le développement de la violence dont les chrétiens sont les victimes dans des pays voisins du vôtre. Par ailleurs il est très important de maintenir les bonnes relations qui se sont nouées avec les autorités civiles, et qui ont permis la récente signature d’un Accord-cadre entre le Saint-Siège et la République du Tchad qui, une fois ratifié, aidera beaucoup la mission de l’Église. Puissiez vous pleinement mettre en œuvre cet Accord, pour un plus grand rayonnement de l’Évangile !

Dans cette espérance, vous confiant tous, ainsi que les prêtres, les personnes consacrées, les catéchistes et tous les fidèles laïcs de vos diocèses à la protection de la Vierge Marie, Mère de l’Église, et à l’intercession de Saint Jean Paul II, je vous donne de tout cœur la Bénédiction apostolique.