ROME, mardi 8 novembre 2011 (ZENIT.org) – “Nous sommes la première génération du premier siècle de ce troisième millénaire. Une responsabilité terrible, unique, pèse sur nous : introduire le Christ dans ce nouveau millénaire de l’histoire chrétienne! », déclare Salvatore Martinez, président du mouvement catholique du « Renouveau dans l’Esprit », en Italie.
Il a présenté cet exposé dans le cadre de la journée organisée au Vatican le 15 octobre par le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, sous le titre : « Les catholiques, la politique et la nouvelle évangélisation ». S. Martinez estime que « la crise planétaire » actuelle « est avant tout une « crise spirituelle ». »
Les catholiques, la politique et la nouvelle évangélisation
Je voudrais partir de deux affirmations préliminaires de principe.
• L’Eglise ne peut, ni ne pourra jamais, se transformer en un sujet politique. Comme l’affirme Benoît XVI, «l’Eglise, en s’identifiant à une seule voie politique et à des positions partiales et discutables, perdrait son indépendance et son autorité morale » .
• L’Eglise n’est jamais appelée à former des partis : elle se transformerait en une religion civile. La communauté chrétienne est en revanche appelée à former, en Jésus-Christ, des hommes nouveaux, capables de nouveautés aussi en politique ; des hommes et des femmes dotés d’un cœur nouveau, capables de transformer le cœur des institutions politiques.
Si «le Verbe s’est fait chair » , cette « loi de l’amour » vaut aussi pour la politique et renvoie à notre conscience de laïcs chrétiens; elle nous pousse, dans un nouvel élan d’amour, à réaffirmer notre foi dans les contextes sociaux où le Christ fait défaut, est négligé ou offensé.
Du reste le pape Benoît XVI est explicite: « Il n'y a aucun ordre juste de l'Etat qui puisse rendre superflu le service de l'amour. Qui veut se débarrasser de l’amour se prédispose à se débarrasser de l’homme en tant qu’homme » .
Donc, l’édification d’une civilisation de l’amour nous interpelle. C’est à nous d’entrer dans les histoires et les peines du monde des hommes et des institutions, et d’y planter la graine de la vie, d’une vie nouvelle, la graine d’un nouvel amour de Dieu qui «se révèle dans la responsabilité envers autrui » .
A nous de discerner comment faire, que faire, pour que le message social de l’Eglise, sa doctrine sociale, ne soit pas minimisé ou ignoré dans la formation de tant de chrétiens. Nous avons dans la doctrine sociale de l’Église un point de référence commun pour juger la réalité sociale, une pensée qui conjugue la foi et la raison, donnant ainsi de la force à la vérité qui l’habite.
On ne saurait remettre à plus tard cette nouvelle évangélisation de la politique. Nous devons libérer notre ère de cette erreur qui, de par son pouvoir trompeur, est en train de bouleverser la mesure divine de l’homme et son destin éternel, continuant à multiplier des structures de péché.
Je vois deux grands défis pour les catholiques engagés dans la politique.
• Le premier défi de cette nouvelle évangélisation de la politique est d’empêcher que notre foi chrétienne soit mise au ban de la vie publique par les nations. Comme l’a rappelé Benoît XVI, « l’Eglise n’a pas de solutions techniques à offrir » et ne prétend pas « s’ingérer dans la politique des Etats » . « Communauté ecclésiale » et « communauté politique » sont des réalités distinctes, avec des représentations distinctes, mais qui doivent revenir au dialogue. Nous pouvons faire en sorte que ce dialogue, s’il s’est interrompu, se rétablisse et soit fécond, crédible, qu’il redonne à l’homme sa place centrale, dans une société à taille humaine, pour un développement humain intégral. Nous ne pouvons permettre que notre laïcité chrétienne soit réduite à se taire, soit reléguée dans la sphère privée. Saint Augustin nous met en garde: «Ne réduisez pas l’Evangile à une vérité privée pour ne pas en être privés » . Il est inacceptable que, dans tant de nations, «les croyants doivent supprimer une partie d’eux-mêmes – leur foi – pour être des citoyens actifs ». On ne devrait jamais avoir à renier Dieu pour pouvoir jouir des ses propres droits; il est encore plus grave de « donner à César ce qui est à Dieu! ».
• Le second défi de cette nouvelle évangélisation de la politique renvoie à l’aspect économique et commercial de la mondialisation. Stimuler la consommation irrationnelle revient à mettre au centre l’aspect matériel de l’homme, ce qui porte préjudice à l’ouverture de l’homme lui-même à la transcendance, à Dieu. On voudrait un « christianisme unitaire », utile pour résoudre les problèmes matériels de l’homme, en réduisant la portée salvifique de notre foi à un pur humanisme, à une philanthropie athée. Dieu confiné dans l’au-delà et l’homme franchissant les limites de l’insignifiance.
Le scénario actuel de l’histoire, nous le savons bien, est un scénario de crise profonde, une crise planétaire qui est avant tout une « crise spirituelle ». La crise économique et politique est, de nos jours, la conséquence d’une crise spirituelle qui traverse la vie des hommes, y compris celle de tant de croyants. Voilà pourquoi nous avons le devoir de penser à une nouvelle évangélisation des styles de vie et des institutions qui président au destin des hommes et des peuples.
Le serviteur de Dieu Paul VI illustrait bien ce concept: « Il est indispensable d’atteindre, voire même de bouleverser, par la force de l’Evangile, les critères de jugement, les valeurs déterminantes, les points d’intérêt, les lignes de pensée, les sources inspiratrices et les modèles de vie de l’humanité, qui sont en contraste avec la Parole de Dieu et le dessein du salut » .
Depuis désormais trois ans, le pape Benoît XVI souhaite, régulièrement, une nouvelle génération de catholiques engagés en politique: « Je réaffirme la nécessité et l’urgence de la formation évangélique et de l’accompagnement pastoral d’une nouvelle génération de catholiques engagés dans la politique, qui soient cohérents avec la foi qu’ils professent, qui aient de la rigueur morale, une capacité de jugement culturel, des compétences professionnelles et de la passion à servir le bien commun » .
Il y a, selon le pape, « cinq » vertus indispensables à rechercher ou favoriser chez ceux qui veulent se consacrer à la réalisation du « bien commun » en s’engageant dans la politique:
• la « cohérence avec la foi professée », non avec ses propres idées ou avec celles de l’opinion publique;
• la « rigueur morale », car on ne saurait minimiser la gravité de la « question morale », même entre catholiques;
• la « capacité de jugement culturel », autrement dit de discernement, fruit de l’étude, de la méditation, d’une capacité à faire la distinction entre un bien individuel et le bien commun;
• la « compétence professionnelle », car la politique est un art, une vocation et ne s’improvise pas;
• la « passion de servir », non pour l’honneur personnel ou pour la gratification de quelques uns.
Je tiens à rappeler que le pape parle de « formation évangélique », non de formation politique. Il faut donc revenir à l’Evangile. Le bienheureux Jean Paul II disait, avec grande clairvoyance: « Il n’y a pas de solution à la question sociale en dehors de l’Evangile» .
L’Evangile est la meilleure école de laïcité possible pour l’humanité, car qui, plus que Jésus, a enseigné aux hommes l’art de vivre, pour dire dans les faits comment on aime, comment être proche des gens, au point de donner sa vie pour ses amis.
En conclusion, j’estime qu’après ce vi
de dû à l’écroulement des grandes idéologies, il n’y a pas meilleur moment pour évangéliser à nouveau. « Notre monde est un monde qui doit être créé à nouveau en se fiant de la pensée chrétienne » , affirmait le grand prêtre et homme d’Etat en exil, Luigi Sturzo.
Nous sommes la première génération du premier siècle de ce troisième millénaire. Une responsabilité terrible, unique, pèse sur nous : introduire le Christ dans ce nouveau millénaire de l’histoire chrétienne! Saint Jean Chrysostome nous rappelle: «Si tu es chrétien, il est impossible que tu ne produises pas d’effets. Il est contradictoire de dire qu’un chrétien ne peut rien faire pour le monde, c’est comme si nous disions que le soleil ne peut donner de lumière » .
Il faut plus d’humilité, plus de confiance en l’action de l’Esprit Saint. Quand il y a récession, l’Esprit Saint n’est pas en récession! L’Esprit ne nous demande pas de répondre avec l’intimisme de la foi, ni avec un enthousiasme désincarné. C’est notre responsabilité religieuse qui est en jeu, qui permet à ce monde chaotique d’être ordonné par l’Esprit de Dieu et disponible aux vrais besoins de l’homme.
Que notre prière et notre soumission à la volonté de Dieu puissent nous apporter une nouvelle évangélisation du social et du politique, une nouvelle Pentecôte d’amour, le miracle d’une nouvelle politique, de nouvelles politiques.
Salvatore Martinez
Traduction de l’italien par Zenit – 2011