« Je voudrais que tu sois une petite sainte. Pourquoi ne pas essayer ? Il nous faudrait tellement de saints », a écrit, depuis le Chili, Jorge Mario Bergoglio, futur pape François, à sa sœur cadette Maria Elena, le 5 mai 1960, depuis le Chili, a révélé le journaliste suisse Arnaud Bédat sur son compte Twitter le 16 janvier 2018.
Le pape lui-même a confié à la presse sans l’avion de Rome à Santiago, le 15 janvier qu’il connaissait le Chili pour y avoir vécu à ce moment-là.
La sœur du pape lui a elle-même confié cette lettre l’été 2013. Elle a été écrite au Chili où Jorge Mario Bergoglio a passé un an pour son « juniorat » dans la Compagnie de Jésus.
L’auteur de « François l’Argentin » (Pygmalion 2014) et de « Seul contre tous » (Flammarion 2017) raconte que Maria Elena lui a confié ce document « un peu comme un trésor – le futur pape avait… 23 ans et était pour la première fois confronté à la pauvreté et la précarité ». La lettre « sommeillait dans un de ses tiroirs ».
Jorge Mario Bergoglio raconte sa vie quotidienne, dans cette lettre en espagnol traduite par Arnaud Bédat : « Je vais te raconter quelque chose, je donne des cours de catéchisme dans une école, à des élèves de huit, neuf ans. Les enfants sont d’une grande pauvreté ; certains viennent même pieds nus à l’école. Ils n’ont souvent rien à manger et, en hiver, ils sentent le froid dans toute sa rigueur. »
Il fait observer que qui n’en n’a pas l’expérience ne sait pas ce que cela veut dire : « Tu ne sais pas ce que c’est car tu n’as jamais manqué de nourriture et que, quand tu as froid, tu t’approches du poêle. Pense bien à ce que je te dis… Quand tu es joyeuse, beaucoup d’enfants pleurent. Quand tu t’assieds à table, beaucoup n’ont qu’un bout de pain à manger et, quand il pleut et qu’il fait froid, beaucoup vivent dans des abris en tôle, et certains n’ont rien pour se protéger. »
Il cite cette demande d’une femme âgée qui a froid la nuit: « L’autre jour, une vieille me disait : « Oh, mon père, si je pouvais avoir juste une couverture, qu’est-ce que je serais bien ! J’ai si froid la nuit ! ». »
Il déplore aussi le manque de catéchistes : « Et le pire de tout, c’est qu’ils ne connaissent pas Jésus. Ils ne le connaissent pas parce que personne ne leur en a parlé. »
Il appelle sa sœur à l’aide et il l’exhorte à la sainteté : « Tu comprends maintenant pourquoi je te dis qu’il nous faudrait tellement de saints ? J’attends donc que tu m’envoies rapidement une lettre dans laquelle tu me dises ce que tu vas faire pour m’aider dans mon apostolat. De « ce que » tu vas faire dépend le bonheur d’un enfant, ne l’oublie pas. Je voudrais que tu sois une petite sainte. Pourquoi ne pas essayer ? Il nous faudrait tellement de saints. »
Maria Elena est une des deux sœurs du pape François. Elle a douze ans de moins que lui et vit à Ituzaingo, une banlieue de Buenos Aires. Le pape a eu aussi trois frères : Alberto, Oscar et Jorge Mario et une autre sœur, Marta Regina, déjà décédés.
"François l'Argentin", par Arnaud Bédat @ Pygmalion
Une lettre du Chili du jeune Bergoglio, par Arnaud Bédat
«Il nous faudrait tellement de saints»