« Avec l’invitation à monter avec le Christ sur la montagne de la Transfiguration pour ne pas nous scandaliser de sa mort et contempler sur son visage humain la lumière glorieuse de Dieu », Mgr Francesco Follo propose ce commentaire des lectures de dimanche prochain, 8 mars 2020, 2ème dimanche de carême (Année A).
L’observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris, fait remarquer que « dans le Christ, toute la réalité est transfigurée » et que « ce qui s’est passé dans le Christ, se produit » dans le chrétien.
Comme lecture patristique, Mgr Follo propose un sermon de saint Augustin d’Hippone sur la Transfiguration.
AB
Transfiguration: ce qui s’est passé dans le Christ, se produit en nous
Dans le Christ, toute la réalité est transfigurée
Avant-propos
La liturgie de l’Église nous fait vivre le carême comme exode (= chemin) de libération.
L’exode accompli sous la guide de Moise fut une libération de l’esclavage de l’Égypte pour rejoindre la liberté de la Terre promise où la Paque (= passage) juive parvient à son accomplissement.
Cet exode qui fut un chemin accompli dans le désert par le Peuple élu pour répondre à sa vocation divine, est l’annonce et la vision d’un chemin que nous sommes appelés à faire aujourd’hui, en particulier pendant le carême.
La vie du Christ peut et doit être vue comme un renouvellement de ce pèlerinage vers la patrie, en amenant l’humanité toute entière au Père. Et la Lettre aux Hébreux montre l’Eglise chrétienne comme Peuple de Dieu, le nouvel Israël en pèlerinage vers la vraie patrie : la patrie céleste.
Aussi notre vie est le renouvellement de cette histoire lointaine. Origène a écrit : « « Ne crois pas que ces événements ont eu lieu il y a longtemps, mais qu’il ne se passera rien de semblable à vous qui écoutez aujourd’hui. Tout est fait en vous, spirituellement … ».
Dans ce chemin, le Christ est notre guide. Il est le nouveau Moïse qui nous conduit à travers le désert de la vie. L’exode chrétien, comme l’exode juif, n’est pas seulement un voyage sur un terrain plat, il a également gravi différentes montagnes.
Donc, en marchant avec le Christ, nous montons avec lui sur la montagne de la tentation, sur la montagne de sa grande prédication, sur la montagne de la prière, sur la montagne de la transfiguration, sur la montagne de l’angoisse (celle des oliviers), sur le mont Calvaire et sur le mont de l’ascension. À l’arrière-plan, cependant, se détachent également le Sinaï, l’Horeb, le Moria: les montagnes de la révélation de l’Ancien Testament. En même temps, ce sont aussi des montagnes de passion et de révélation. En outre, elles se réfèrent également au mont du temple sur lequel la révélation devient liturgique.
À la lumière de cela, nous pouvons dire que la montagne est le lieu de l’ascension – non seulement de l’ascension externe, mais aussi de l’ascension interne. Escalader la montagne spirituellement, c’est se libérer du fardeau de la vie quotidienne, c’est respirer l’air pur de la création. La montagne qui offre le panorama de l’étendue de la création et de sa beauté. la montagne qui nous donne l’élévation intérieure et nous permet deviner le Créateur. L’histoire sacrée ajoute à ces considérations l’expérience du Dieu qui parle et l’expérience de la passion, qui culmine dans le sacrifice d’Isaac, dans le sacrifice de l’agneau, préfiguration de l’Agneau définitif, sacrifié sur le mont Calvaire. Moïse et Élie avaient pu recevoir la révélation de Dieu sur la montagne; maintenant sur le mont Thabor, je suis en conversation avec Celui qui est la révélation de Dieu en personne.
1) Carême : Exode de pénitence et de lumière.
Le Carême n’est pas uniquement un chemin de pénitence pour les personnes qui ont la douleur de leur péché. Il est un chemin de lumière ou, mieux, de conversion à la lumière. La victoire de la tentation est déjà source de transfiguration.
L’Evangile de ce dimanche nous présente le fait de la Transfiguration du Christ. C’est un évènement qui a non seulement marqué la vie de Jésus, mais également celle de Pierre, Jacques et Jean. Il doit aussi marquer notre existence
Le contexte est la prière, sur le Mont Tabor. Il s’agit d’un moment très particulier et privilégié. C’est la révélation de la divinité de Jésus. C’est un moment de lumière, voulu par Jésus pour préparer ses disciples à la passion. Donc, c’est un moment voulu pour nous aussi afin que nous arrivons préparés au Vendredi Saint. Nous aussi devons entrer dans le mystère de la Transfiguration, le faire nôtre. Nous ne devons pas uniquement contempler le Christ rayonnant mais devenir ce que nous contemplons.
Le premier moyen de participer au don surnaturel de la Transfiguration est celui de trouver le temps pour la prière et pour l’écoute de la Parole de Dieu, et de fixer notre regard sur l’hostie consacrée. En outre, surtout en ce moment de Carême, il faut répondre à l’invitation divine de la pénitence par des actes volontaires de mortification, au delà des renonciations imposées par le poids de la vie quotidienne.
Une autre façon de vivre le mystère de la Transfiguration est celui d’imaginer la scène, comme l’Evangile nous la décrit, et d’entrer en empathie avec un des trois apôtres qui ont accompagné Jésus sur le Mont Tabor : « Et il fut transfiguré devant eux (les 3 apôtres Jean, Pierre et Jacques), son visage devint brillant comme le soleil, et, ses vêtements blancs comme la lumière » (Mt 17,1-2).
Jésus se transfigure : les vêtements blancs1 et le visage resplendissant nous portent en direction du Fils de l’homme de Daniel, glorieux et vainqueur. De cette façon, on nous révèle que Jésus qui est en marche vers la croix, est le Seigneur. En réalité, il est en marche vers la lumière de la Résurrection. Le dernier et pénible pèlerinage que Jésus est en train de faire, cache une signification pascale. Mais il s’agit d’une anticipation fugace et provisoire : le chemin à parcourir est celui de la croix. En effet, les trois apôtres préférés, appelés à anticiper la gloire de Jésus, sont les mêmes qui, à Gethsémani, seront appelés à voir sa faiblesse. Pierre, Jacques et Jean (et nous avec eux), contemplant la divinité du Seigneur, sont préparés à affronter le scandale de la croix, comme un hymne ancien le chante : « Sur le mont tu t’es transfiguré et tes disciples ont contemplé ta gloire afin que, en te voyant crucifié, ils comprennent que ta passion était volontaire et annoncent au monde que tu es la Splendeur du Père ».
2) Les tentes et la Tente.
L’Evangile poursuit en racontant que, à coté de Jésus transfiguré, « Moïse et Elie2apparurent et conversèrent avec lui » (Mt 17,3); Moïse et Elie, figure de la Loi et des Prophètes. Eux qui eurent le privilège de « voir et écouter » Dieu sur le mont Sinaï et sur l’Horeb, sont à coté de Jésus sur le mont de la Transfiguration ; et ils témoignent de son identité. Ce fut à ce moment-là que Pierre prit la parole : « Seigneur , il est bon que nous soyons ici, si tu le veux, je vais dresser, ici, trois tentes3, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Elie » (Mt 17,4). Je pense que, dans ce passage évangélique, le terme de « tente/ cabane » peut être interprétée en se référant à l’exode.
Les 40 années dans le désert furent un temps de transition et d’épreuve, mais aussi un moment privilégié. Dans le désert, les tentes doivent être montées chaque soir et démontées chaque matin. C’est le lieu de l’horreur et de la mort. C’est le lieu des scorpions, des serpents, c’est le lieu de la soif et de la faim. C’est le lieu des pillards cachés qui arrivent à l’improviste sur la caravane. Mais c’est aussi le temps de la force et de la vie; le peuple est fort jamais comme dans le désert parce qu’il est dépouillé, il est léger, il porte très peu de bagages mais énormément de vie, beaucoup d’espoir, beaucoup d’énergie, pour en faire un trésor lorsqu’il entrera dans la patrie4 promise.
Le désert et les tentes furent et sont un lieu privilégié. Le lieu où l’on est à face à face avec Dieu. C’est aussi le lieu et le temps de la dépendance totale. Déjà, dans le désert de l’exode, les réalités que le Nouveau Testament indiquera comme dernières, messianiques, eschatologiques, c’est à dire l’eau, la manne et la Parole, sont comprises précisément dans le sens de la totale dépendance à Dieu.
Le peuple qui vit sous la tente ne peut se passer d’éléments vitaux comme l’eau et la nourriture, la manne, les cailles du désert (Ex 16, 1-36 et 17, 1-7). Le Seigneur envoie les biens mais le Seigneur désire que le peuple ait une totale disponibilité et dépendance à son égard ; Il le démontre parce que le Seigneur ne fait manquer de rien à personne.
Mais il faut également parler de la Tente avec un « T » majuscule. En effet, Saint-Augustin commente la phrase de Saint-Pierre sur le mont de la Transfiguration en disant que nous avons une seule demeure : le Christ ; Lui « il est la Parole de Dieu, Parole de Dieu dans la Loi, Parole de Dieu dans les prophètes »5. Le Seigneur a installé sa Tente parmi les tentes. Ces tentes deviennent le lieu où l’on vit une vraie vie grâce au fait que le Seigneur est présent, il est l’Emmanuel, le Dieu-avec-nous, le Dieu parmi nous, toujours.
Cette Tente parmi les tentes implique un « se faire comme les hommes » de la part de Dieu, un Dieu qui se baisse, qui se détruit presque, pour habiter parmi les tentes des hommes.
Les vierges consacrées sont un exemple de tente à côté de la Tente. Ces femmes sont appelées à vivre leur existence avec une pleine disponibilité et en pleine dépendance de leur Seigneur. Dans l’Eglise ces femmes vierges sont appelées à se donner totalement au Seigneur par la promesse de la Virginité en continuant à vivre dans le monde.
Leur consécration manifeste l’importance d’une « totalité » joyeuse dans le don de soi et, par conséquence, la recherche constante de la contemplation dans la totale disponibilité au service de l’Eglise, avec et pour les frères. Cf rituel de consécration des Vierges : n° 25 : « Recevez ce voile, signe de votre consécration. N’oubliez jamais que vous êtes vouées au service du Christ et de son Corps qui est l’Eglise ». De cette façon, ces femmes témoignent que la lumière de Dieu transfigure l’humanité et que le Christ est toujours lumière de la vie et beauté de l’humanité.
Lecture Patristique
Saint Augustin d’Hippone
Sermon 78, 3-6
“Pierre est, témoin du spectacle de la Transfiguration, et goûtant les choses humaines à la manière des hommes : » Seigneur, dit-il, il nous est bon d’être ici. » Il s’ennuyait de vivre au milieu de la foule, il avait trouvé la solitude sur une montagne où le Christ servait d’aliment à son âme. Pourquoi en descendre afin de courir aux travaux et aux douleurs, puisqu’il se sentait envers Dieu un saint amour et conséquemment des moeurs saintes? Il cherchait son propre bien ; aussi ajouta-t-il. » Si vous voulez, dressons ici trois tentes : une pour vous, une pour Moïse et une autre pour Elie. » Le Seigneur ne répondit rien à cette demande, et toutefois il y fut répondu. En effet, comme il parlait encore, une nuée lumineuse descendit et les couvrit de son ombre. Pierre demandait trois tentes; et la réponse du ciel témoigna que nous n’en avons qu’une, celle que le sens humain voulait partager. Le Christ est la parole de Dieu, la Parole de Dieu dans la loi, la Parole de Dieu dans les prophètes. Pourquoi, Pierre, chercher à la diviser ? Cherche plutôt à t’unir à elle. Tu demandes trois tentes comprends qu’il n’y en a qu’une.
Pendant que la nuée les couvrait et formait comme une seule tente au dessus d’eux, une voix sortit de son sein et fit entendre ces paroles » Celui-ci est mon Fils bien-aimé. » Là se trouvaient Moïse et Elie. La voix ne dit pas: Ceux-ci sont mes Fils bien-aimés. Autre chose est d’être le Fils unique, et autre chose, des enfants adoptifs. Celui qui se trouve aujourd’hui signalé est Celui dont se glorifient la loi et les prophètes : » Voici, est-il dit, mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis mes douces complaisances; écoutez-le; » car c’est lui que vous avez entendu dans les prophètes, lui aussi que vous avez entendu dans la loi, et où ne l’avez-vous pas entendu ? Ils tombèrent à ces mots la face contre terre.
Voilà donc dans l’Eglise le royaume de Dieu. Là en effet nous apparaissent le Seigneur, la loi et les prophètes : le Seigneur dans la personne du Seigneur même, la loi dans la personne de Moïse et les prophètes dans celle d’Elie. Ces deux derniers figurent ici comme serviteurs et comme ministres, comme des vaisseaux que remplissait une source divine ; car si Moïse et les prophètes parlaient et écrivaient, c’est qu’ils recevaient du Seigneur ce qu’ils répandaient dans autrui.
Le Seigneur ensuite étendit la main et releva ses disciples prosternés. » Ils ne virent plus alors que Jésus resté seul. » Que signifie cette circonstance?
Vous avez entendu, pendant la lecture de l’Apôtre, que » nous voyons maintenant à travers un miroir, en énigme, mais que nous verrons alors face à face, » et que les langues cesseront lorsque nous posséderons l’objet même de notre espoir et de notre foi (I Co XIII, 12, 8, 9.). Les Apôtres en tombant symbolisent donc notre mort, car il a été dit à la chair : » Tu es terre et tu retourneras en terre (Gn III, 19); » et notre résurrection quand le Seigneur les relève. Mais après la résurrection, à quoi bon la loi? à quoi bon les, prophètes? Aussi ne voit-on plus ni Elie ni Moïse. Il ne reste que Celui dont il est écrit : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était Dieu (2). » Il rie reste plus que Dieu, pour être tout en tous (I Co XV, 28). Là sera Moïse, mais non plus la loi. Nous y verrons aussi Elie, mais non plus comme prophète. Car la loi et les prophètes devaient seulement rendre témoignage au Christ, annoncer qu’il devrait souffrir, ressusciter d’entre les morts le troisième jour et entrer ainsi dans sa gloire (Luc, XXIV, 44- 47); dans cette gloire où se voit l’accomplissement de cette promesse adressée à ceux qui l’aiment : » Celui qui m’aime, dit-il, sera aimé de mon Père, et moi aussi je l’aimerai. » Et comme si on lui eût demandé : Que lui donnerez-vous en témoignage de votre amour? » Et je me montrerai à lui, » poursuit-il (Jean, XIV, 21). Quelle faveur ! Quelle magnifique promesse! Dieu te réserve pour récompensé, non pas- quelque don particulier, mais lui-même., Comment, ô avare, ne pas te contenter des promesses du Christ? Tu te crois riche, mais qu’as-tu si tu n’as pas Dieu, et si ce pauvre l’a, que ne possède-t-il point?
Descends, Pierre, tu voulais te reposer sur la montagne, descends, annonce la parole, insiste à temps, à contre-temps, reprends, exhorte, menace, en toute patience et doctrine (II Tim IV, 2); travaille, sue, souffre des supplices afin de parvenir par la candeur et la beauté des bonnes oeuvres accomplies avec charité, à posséder ce que figurent les blancs vêtements du Seigneur. L’Apôtre ne vient-il pas de nous dire, à la gloire de la charité : » Elle ne cherche point son propre intérêt (I Co XIII, 6) ? «
Il s’exprime ailleurs autrement, et il est fort dangereux de ne pas le comprendre. Expliquant donc les devoirs de la charité aux membres fidèles du Christ : » Que personne, dit » il, ne cherche son bien propre, mais le bien d’autrui. » Or en entendant ces mots, l’avare prépare ses artifices; il veut dans les affaires, pour rechercher le bien d’autrui, tromper le prochain, et ne pas chercher son bien propre, mais celui des étrangers. Arrête, ô avarice, justice, montre-toi : écoutons et comprenons. C’est la charité qu’il a été dit : » Que personne ne cherche son bien propre, mais le bien d’autrui. » Toi donc, ô avare, si tu résistes à ce conseil, si tu veux y trouver l’autorisation de convoiter le bien d’autrui, sacrifie d’abord le tien. Mais je te connais, tu veux à la fois et ton bien et le bien étranger. Tu emploies l’artifice pour t’approprier ce qui n’est pas à toi; souffre donc que le vol te dépouille de ce qui t’appartient. Tu ne veux pas? chercher ton bien, mais tu prends le bien d’autrui. Cette conduite est inique Ecoute, ô avare, prête l’oreille. Ces mots: » Que personne ne cherche son bien propre, mais le bien d’autrui, » te sont expliqués ailleurs plus clairement par le même Apôtre. Il dit de lui-même : » Pour moi je cherche, non pas ce qui m’est avantageux, mais ce qui l’est au grand nombre, afin de les sauver (I Co X, 24, 33). «
C’est ce que ne comprenait pas encore Pierre, lorsqu’il désirait rester avec le Christ sur la montagne. Le Christ, ô Pierre, te réservait ce bonheur après la mort. Pour le moment il te dit : Descends travailler sur la terre, servir sur 1a terre, et sur la terre être livré aux mépris et à la croix. La Vie même n’y est elle pas descendue pour subir la mort, le Pain, pour endurer la faim, la Voie, pour se fatiguer dans la marche, la Fontaine éternelle pour souffrir la soif? Et tu refuses le travail ? Ne cherche pas ton intérêt propre. Aies la charité, annonce la vérité, ainsi tu parviendras à l’inaltérable paix de l’éternité.
NOTES
1 Saint-Maxime le Confesseur affirme que les « vêtements devenus blancs portaient le symbole de la parole de la Sainte Ecriture, et qui devenaient clairs , transparents et lumineux » Ambiguum 10 : PG 91, 1128 B.
2Moïse et Elie sont des personnages particulièrement qualifiés pour parler avec Jésus sur son chemin. Moise guida le peuple de Dieu dans le passage de l’Egypte à la Terre Promise et, appelé à guider la marche d’Israël vers la liberté, prouva plusieurs fois l’amertume de la contestation et de l’abandon. Enfin il mourra au seuil de la Terre promise, sans avoir la satisfaction d’y entrer, mais il n’a pas abandonné sa foi. Elie est un prophète parmi les plus tenaces, opposé à toute forme d’idolâtrie et de corruption du gouvernement ; il connu le chemin de la fugue, du désert et de la solitude, mais aussi la joie de la présence du Seigneur le confort de Sa parole. Jésus est en chemin vers la Croix, mais il est le prophète définitif, la dernière parole de Dieu: “Ecoutez-le”. L’attitude fondamentale du disciple est l’écoute.
3 Il y a des traductions de l’Evangile qui traduisent le mot “skene” avec “cabane” au lieu de “tente” en référence à la fête des Cabanes. La traduction latine utilise le mot “tabernaculum” qui veut dire « tente » et aussi « tabernacle ».La fête de Sukkoth commence le 15 du mois de Tishrì (septembre-octobre, car le calendrier hébraïque, à différence du calendrier chrétien, est lunaire, c’est à dire qu’il suit le cycle de la lune. Pour être plus précis, il se base sur l’intervalle de temps entre deux nouvelles lunes.En hébreu, Sukkoth signifie “cabane” : ce sont les cabanes qui caractérisent cette fête joyeuse, qui rappelle le séjour des hébreux dans le désert après leur libération de l’esclavage de l’Egypte. Ce séjour dura quarante années pendant lesquelles ils habitèrent dans des demeures précaires, accompagnées de “la nuée de gloire”. Je pense que l’utilisation du mot “tente” nous aide à mieux comprendre le fait d’être pèlerins et de ne pas avoir une demeure fixe sur cette terre.
4 Il est utile rappeler que les premiers moines, entre la fin du IIIème siècle et le début du IVème, “retournèrent” dans le désert. On a l’habitude de dire qu’ils sont échappés par peur de la civilisation et par mépris des réalités du monde. En fait, il ne s’agit que d’un lieu commun. En réalité ils “fuirent ” dans le désert pour contester la vie commode des chrétiens de leur temps, qui étaient en train de devenir des hommes de commodité, de satiété, des hommes de vie stable, pas itinérante. Les chrétiens avaient perdu ce qui avait été le vrai instinct du désert pendant les trois premiers siècles, à savoir d’avancer et de faire marcher aussi les autres en avant. De contribuer aussi au fait que ceux qui ne font pas partie du peuple de Dieu, “aillent” en tout cas “en avant”. Donc les premiers moines ont accompli un immense acte de courage, un acte de “retourner en arrière” qui, en réalité, était un acte “d’aller encore en avant”: retourner au temps privilégié du désert, de la tente.
5 St Augustin, Sermo de Verbis Ev. 78, 3; PL 38, 491