Au troisième jour des travaux du Synode sur l’Amazonie, les évêques ont plaidé notamment la cause des peuples en isolement volontaire : c’est ce qu’ont rapporté les participants à la conférence de presse organisée au Saint-Siège ce 9 octobre 2019. Ils ont également parlé de la possibilité des « viri probati » – ordination de baptisés à la « vertu éprouvée » et mariés – et de la menace écologique actuelle.
Ima Célia Guimarães Vieira, experte brésilienne en biodiversité, a évoqué les peuples en isolement volontaire, demandant que soient garantis leurs territoires et que leur décision sur le type d’isolement choisi soit respectée. Au Brésil, a-t-elle précisé, 114 peuples sont dénombrés en isolement – chiffre le plus élevé au monde.
Le Brésilien Carlos Alfonso Nobre, Prix Nobel de la Paix 2007, a affirmé que d’un point de vue scientifique, se profilait « une destruction de la forêt amazonienne ». Citant de nombreuses études, il a averti du « danger » d’entrer « dans un cycle irréversible de disparition de l’Amazonie », si la déforestation se poursuit (passant des 15% actuels à 20%) : la forêt amazonienne, « cœur écologique de notre planète », deviendrait « une savane ».
Si l’Eglise se tait, les pierres parleront
« Nous sommes très près d’un point de non-retour et d’une énorme crise climatique », a-t-il insisté en estimant que les technologies pouvaient être un chemin parmi les solutions, pour améliorer la qualité de vie des populations locales.
Un troisième brésilien était présent devant la presse : Mgr Erwin Kräutler, évêque émérite de Xingu, connu pour son combat contre le barrage de Belo Monte, qui lui a valu d’être sous escorte pour protéger sa vie. Face aux politiques « confortablement assis », il a dénoncé « une agression à l’écosystème », avec « des conséquences dévastatrices pour les habitants de la région » : inondations, déplacements forcés, pertes de logements… les populations indigènes se sont vu promettre monts et merveilles, mais ce fut « le contraire ».
« Les populations locales n’ont jamais été consultées… Quand nous voyons les conséquences pour le peuple, pour la faune, pour la flore… rien n’est fait pour contrôler le trafic de drogue, les jeunes n’ont aucune perspective », a-t-il ajouté. Pour l’évêque, « l’Eglise a l’obligation d’appeler l’attention sur ce qui arrive, sur la pauvreté de tant de familles, sur le problème de l’Amazonie… ces peuples sont à risque, c’est un fait… Si l’Eglise se tait, les pierres parleront ».
L’Eucharistie est une obligation
Mgr Erwin Kräutler a évoqué enfin les débats sur l’ordination d’hommes mariés, très médiatisés : « Il n’y a pas d’autre possibilité, a-t-il estimé, les peuples indigènes ne comprennent pas le célibat… Ils ne peuvent pas comprendre qu’un homme n’ait pas de femme, qui s’occupe de la maison, etc. »
Mais pour l’évêque, la question est surtout sacramentelle : « Il y a des milliers et des milliers de communautés en Amazonie qui n’ont pas d’Eucharistie, au maximum deux ou trois fois par an… pour nous c’est le centre de notre foi. »
Il plaide pour ces peuples « exclus » des sacrements : « Nous voulons que ces frères et sœurs aient non seulement la table de la parole, mais aussi la table de l’Eucharistie. » Le célibat ne peut pas être mis « au-dessus de l’Eucharistie », car « l’Eucharistie est une obligation » : Jésus a dit « faites ceci en mémoire de moi… pas de temps en temps ».
Ouverture du Synode sur l'Amazonie, 6 octobre 2019 © Vatican Media
Synode pour l'Amazonie : "viri probati", isolement volontaire, menace écologique
Briefing au troisième jour des travaux