Les travaux de l’Assemblée spéciale panamazonienne du Synode des évêques se poursuivent au Vatican. Lors de la septième Congrégation générale du 10 octobre 2019, les Pères se sont notamment penchés sur l’éducation intégrale comme instrument d’intégration et de promotion des peuples amazoniens, rapporte le Saint-Siège qui propose cette synthèse des interventions.
Pour un développement durable, a-t-on souligné, l’égalité d’accès à l’information passe par l’interdisciplinarité et la transdisciplinarité, loin de la culture du rejet et proche de la culture de la rencontre. La tâche des éducateurs doit donc être renouvelée dans la perspective de l’évangélisation, pour qu’elle puisse relever ce grand défi qu’est l’éducation. D’où la réflexion sur l’urgence d’un pacte éducatif, dans une perspective écologique et avec une clé amazonienne, afin de promouvoir le «bien vivre», le «bon vivre ensemble» et le «bien agir».
L’Amazonie est une région riche en diversité, non seulement biologique, mais aussi culturelle : aujourd’hui, les communautés qui l’habitent sont menacées par l’expansion du monde dit «civilisé» qui, en réalité, ne vise qu’à exploiter les ressources naturelles pour tirer parti de leurs richesses. Au contraire, ce qu’il faudrait, c’est une éducation intégrale qui rétablisse le lien entre l’homme et l’environnement, en formant des individus capables de prendre soin de la Maison commune, au nom de la solidarité, de la conscience communautaire et de la «citoyenneté écologique». L’écologie intégrale, a-t-on encore affirmé, doit faire partie du mode de vie de l’Église. Le thème de l’encyclique Laudato Si’ doit être pris au sérieux, a-t-on répété, car si l’homme vise l’homologation forcée, Dieu, Lui, veut une harmonie des différences. Et c’est précisément de cela que l’Amazonie est un modèle vertueux, en ce sens qu’elle représente l’unité dans la diversité de son système écologique et des peuples qui y vivent. D’où l’appel à ne pas homologuer, exclure ou dominer les peuples et la Création, afin que les injustices et la violence ne prévalent pas, comme l’accaparement des terres ou le forage des zones marines protégées.
Le thème du travail et du drame de la traite
L’une des interventions s’est concentrée sur l’interaction entre travail et écologie, deux domaines qui partagent trop souvent une dynamique technocratique ou d’exploitation. Au contraire, il faut rappeler la nécessité de promouvoir une théologie de la Création, afin de reconstruire une relation non prédatrice avec la nature. Le thème du travail a également été développé dans une autre intervention qui a abordé la question du chômage des jeunes : c’est la première et la plus grave forme d’exclusion et de marginalisation de la jeunesse, a-t-on souligné, avec des situations alarmantes d’esclavage dans les campagnes ou en ville ; également tragique le travail des enfants. D’où la réflexion sur la nécessité de promouvoir les droits des travailleurs, de relancer une économie solidaire, une bio-économie locale et les énergies renouvelables. Tout cela en considérant le primat du bien commun sur le profit. Une autre question abordée est celle de la traite des êtres humains, sous tous ses aspects, y compris la prostitution, le travail forcé et le trafic d’organes. Il s’agit de crimes avec des dommages corporels et c’est pourquoi un nouvel impératif moral doit s’imposer, ainsi qu’un effort législatif international, afin de libérer la société de ces crimes.
Le rôle des femmes
D’autres interventions ont à nouveau évoqué le rôle des femmes, très actives dans les communautés amazoniennes et prêtes à partager des responsabilités pastorales avec les prêtres. Il s’agit d’une question profonde qui ne peut être éludée, a-t-on insisté dans la salle du synode. Pour cette raison, il a été demandé que les femmes soient traitées de la même manière que les hommes dans les ministères non ordonnés, d’autant plus que de nombreuses congrégations religieuses féminines ont été et sont encore de véritables héroïnes de l’Amazonie. Parmi les auditeurs, plusieurs se sont attardé sur l’expérience de la vie consacrée en Amazonie et sur son engagement pour la promotion des vocations indigènes, respectueuses des identités individuelles et considérées comme un véritable enrichissement de la spiritualité de l’Église. En particulier, l’engagement des femmes consacrées dans les zones périurbaines et la polyvalence de leur travail ont été réaffirmés. D’où l’idée d’une plus grande reconnaissance et appréciation de la femme consacrée, pour qu’elle ne marche plus «derrière», mais «à côté», dans une perspective de synodalité ecclésiale, loin du cléricalisme.
La question des vocations
En ce qui concerne le thème des viri probati, les pères synodaux ont réfléchi sur les raisons pour lesquelles les vocations font défaut et pourquoi l’Église n’est pas capable d’en éveiller de nouvelles. Une intervention a proposé de lancer des expériences locales de ministères temporaires pour les hommes mariés, à condition qu’ils soient reconnus et approuvés par l’ordinaire local et par la communauté ecclésiale. Un autre orateur a suggéré la création d’une commission panamazzonienne ou régionale pour la formation des futurs prêtres, afin de répondre aux difficultés économiques des diocèses individuels ainsi qu’au manque d’éducateurs. L’importance du diaconat permanent a été rappelée.
Les migrants ne sont pas des numéros
Les pères synodaux ont parlé des migrations : l’Amazonie, en effet, fait partie des régions d’Amérique latine où l’on relève une grande mobilité nationale et internationale. L’on s’est donc fait fort de rappeler qu’il ne faut pas considérer le migrant comme un simple fait sociologique ou politique, mais comme un lieu théologique qui appelle l’engagement de l’Église en faveur de la justice et du respect des droits humains, à la recherche d’un système économique juste et solidaire. Nous avons besoin d’une pastorale attentive à ce thème, a-t-on insisté dans la salle, une pastorale qui ne soit pas seulement une œuvre sociale, mais aussi et surtout spirituelle, capable d’apporter l’espérance et de promouvoir une véritable intégration des migrants.
Le devoir missionnaire de l’Église et le défi œcuménique
L’assemblée synodale a aussi évoqué le devoir missionnaire de l’Église dans une région comme l’Amazonie, où vivent environ 38 millions de personnes, dont plusieurs peuplades indigènes volontairement isolés. Nous avons besoin d’un témoignage cohérent, beau et attrayant ; l’Église doit être «extravertie», kérygmatique, éducatrice à la foi ; elle doit se mettre en dialogue, apprécier et valoriser les peuples, féconder leurs cultures avec la richesse évangélique, afin que de celle-ci, l’on n’attende pas de simples projets, mais une personne, Jésus-Christ. La mission de l’Église doit aussi se décliner dans le champ œcuménique afin de promouvoir ensemble la protection de l’environnement, la défense des droits des peuples indigènes et le dialogue.
Les auditeurs : L’Amazonie n’est pas une marchandise. Non au colonialisme
Avant la clôture de la Congrégation générale, la salle a donné la parole à quelques auditeurs : parmi les questions abordées, la délimitation et la protection des territoires indigènes, afin qu’ils ne soient pas expropriés et pillés au profit de projets miniers ou de centrales hydroélectriques. La défense de la terre est la même que la défense de la vie : les gouvernements locaux doivent donc mettre fin aux injustices à l’encontre des peuples autochtones, souvent discriminés ou «exposés en vitrine», pas considérés comme une culture vivante, avec leurs propres coutumes, langues et traditions. La communauté internationale doit également prendre des mesures concrètes pour mettre fin aux crimes perpétrés contre les autochtones, car cette région ne peut être traitée comme une marchandise. La protection de la Maison commune n’est pas un objet de propagande ou de profit, mais une véritable sauvegarde de la Création, loin du «colonialisme» économique, social et culturel qui veut moderniser le territoire en imposant des modèles de développement étrangers aux cultures locales. D’où l’idée de créer, dans les Églises locales, un fonds de subsistance pour les initiatives ethno-écologiques, agro-écologiques ou de sécurité alimentaire, partant de logiques amazoniennes.