L'évêque luthérien Younan entre le pape François et le card. Koch, au fond le Rév. Martin Junge, secrétaire général de la FLM (Malmö, 31 oct. 2016), capture FLM

L'évêque luthérien Younan entre le pape François et le card. Koch, au fond le Rév. Martin Junge, secrétaire général de la FLM (Malmö, 31 oct. 2016), capture FLM

Suède: le "miracle moderne de l'Esprit Saint", par l'évêque luthérien Munib Younan

« Je suis fier de répondre à l’appel de Dieu avec vous (…) afin que le monde puisse croire »

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« La Fédération luthérienne mondiale entérine avec enthousiasme l’accord entre Caritas et le Service mondial de la FLM pour travailler ensemble à soulager les souffrances humaines, qu’elles soient causées par des catastrophes naturelles, l’oppression politique, la pauvreté systémique ou les maladies transmissibles » a déclaré le président de la Fédération luthérienne mondiale (FLM), l’évêque Munib Younan, de Jérusalem, lors de « l’Evénement oecuménique » qui a eu lieu en Suède, à Malmö (Malmö Arena), lundi, 31 octobre 2016, à l’occasion de la visite du pape François pour les 500 ans de la Réforme de Luther.
Un accord de collaboration pour « la promotion de la dignité humaine et de la justice sociale » a en effet été signé à cette occasion entre Caritas Internationalis – par M. Michel Roy, son Secrétaire général -, et le Service mondial de la FLM – par Mme Maria Immonen, sa directrice -.
« Je suis fier de répondre à l’appel de Dieu avec vous afin que le monde puisse voir comment les luthériens et les catholiques s’aiment les uns les autres et servent leur prochain, afin que le monde puisse croire », a ajouté l’évêque luthérien, sous les applaudissements. Quelques heures plus tôt, il avait signé une Déclaration conjointe avec le pape François.
Voici notre traduction intégrale de l’allocution du président de la Fédération luthérienne mondiale prononcée en anglais.
AB
Discours du président de la FLM, l’évêque Dr. Munib A. Younan
C’est pour moi une immense joie d’être ici aujourd’hui, pour témoigner de l’œuvre du Saint-Esprit semant l’unité parmi les disciples de Jésus. Le Saint-Esprit, selon Martin Luther, « appelle, rassemble, éclaire et sanctifie toute l’Église chrétienne sur la terre et la conserve dans l’unité avec Jésus-Christ en une seule vraie foi ».
Aujourd’hui, à Lund et à Malmö, nous vivons le miracle moderne de l’Esprit Saint comme les disciples l’ont vécu dans ma ville natale de Jérusalem, il y a deux mille ans. Aujourd’hui, en nous rassemblant pour exprimer l’espoir d’unité, nous sommes conscients de la prière sacerdotale du Christ afin «  qu’ils soient un … pour que le monde croie » (Jean 17,20-21). Nous remercions le Dieu Trinitaire de nous faire passer du conflit à la communion.
Notre rassemblement historique aujourd’hui envoie au monde entier le message que des engagements religieux fortement tenus peuvent conduire à la réconciliation pacifique plutôt que de contribuer toujours à apporter plus de conflit à notre monde déjà troublé. Lorsque des personnes religieuses travaillent pour l’unité et la réconciliation, la religion peut promouvoir l’épanouissement de toutes les communautés humaines.
J’ai écouté attentivement les témoignages qui nous ont été présentés aujourd’hui. Ils m’ont transpercé le cœur. Dans sa première lettre à l’Église de Corinthe, l’apôtre Paul a dit du Corps du Christ que « si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ». De même, « si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie » (1 Co 12,26). Aujourd’hui, chacun de nous, qui avons entendu vos témoignages, souffre avec vous, même si nous nous félicitons des nombreuses façons dont Dieu a travaillé à travers vous pour répondre aux besoins de votre prochain. Permettez-moi de répondre à ce que vous avez partagé.
Pranita, je vous remercie de nous avoir défiés avec l’idée que la justice climatique n’est pas un problème isolé. Les changements que nous observons dans le climat nous touchent tous, en commençant par les plus vulnérables. La justice climatique implique donc la justice intergénérationnelle et la justice du genre. Les Églises ont un rôle important à jouer dans l’élaboration de la politique climatique. Comme je l’ai dit aux nombreux jeunes qui ont participé aux réunions de la COP21 à Paris, vous nous avez convertis – nous, responsables plus âgés – à la cause du changement climatique. Je vous demande à tous de continuer à travailler pour un changement. Ne gardez jamais le silence. Le monde n’est détenu par aucun d’entre nous, et certainement pas par les entreprises et les gouvernements. Au lieu de cela, comme dit le psalmiste, « la terre » est au Seigneur, « le monde et tout ce qui est en lui » (Psaume 89.11). Le changement climatique est une question de justice à l’égard de la création de Dieu.
Alors que le Conseil de la FLM s’est réuni à Bogota en 2012, nous avons entendu les cris du peuple colombien de tous les partis et groupes. L’évêque Fabio, les dirigeants catholiques et luthériens en Colombie ont toujours encouragé une réconciliation pacifique après la guerre civile de 52 ans dans ce pays. Alors que nous saluons ceux qui ont accepté une paix négociée, je plaide auprès du peuple colombien: donnez une chance à la paix. Donnez à votre peuple la chance de vivre dans la dignité et la justice. Ne laissez pas les armes et leurs marchands gourmands ruiner votre vie. Seule la paix apportera un avenir de vie abondante. Nous savons bien sûr que la grande majorité des gens en Colombie n’ont rien à voir avec les combats et la guerre. Ces conflits touchent toujours les plus vulnérables. Nous vous remercions d’avoir relevé les défis auxquels sont confrontées les communautés autochtones en particulier : les personnes qui étaient là avant que les frontières modernes n’aient été tracées autour d’elles et que les idéologies modernes ne les prennent au dépourvu. Qu’elles aient aussi la paix et des droits sur leur terre.
Nos sœurs du Burundi et du Sud-Soudan, Marguerite et Rose, nous ont rappelé le coût élevé payé par les enfants en période de conflit et de déplacement. Les enfants représentent environ 41% des 43 millions de réfugiés dans le monde. Près de la moitié des réfugiés sont des femmes. Permettez-moi d’être personnel. Je suis un réfugié palestinien dont les parents sont de Beer Sheva. Tous les réfugiés sont mes frères et sœurs dans l’humanité. Je me souviens que ma famille était pauvre et déplacée, mais que l’Eglise nous embrassait. J’ai encore le goût du chocolat chaud que la Fédération luthérienne mondiale a envoyé avec la nourriture pour nous fortifier.
À Jérusalem, les Eglises ont reçu des milliers de réfugiés, nous mettant dans des chambres d’hôtes, des couvents et des monastères. Les Eglises nous ont éduqués, nourris dans la foi, en prenant soin de nos besoins spirituels et matériels. L’Église luthérienne m’a donné, ainsi qu’à ma famille et ma communauté, des moyens en vue de la justice. C’est la raison pour laquelle j’appelle toutes les Eglises du monde à « accueillir l’étranger parmi nous », comme le dit le document du HCR. Nous nous sommes engagés à éduquer et à responsabiliser tous les réfugiés et toutes les personnes qui vivent dans la pauvreté afin qu’ils puissent retourner construire leurs propres communautés et leurs États avec cette responsabilisation. En plus de proclamer l’amour évangélique de Dieu comme nous l’avons entendu de notre sœur du Burundi, nous mettons au défi chaque État dans le monde comme le dit Michée : ce qui est exigé de vous est de « faire justice » à toutes les communautés victimes d’injustice ! (Michée 6,8). Laisser de côté les intérêts politiques et travailler non seulement pour la dignité de votre propre nation, mais pour la dignité de chaque enfant de Dieu dans ce monde que Dieu aime.
Nous allons bientôt entendre l’évêque Antoine d’Alep. Il est vital aujourd’hui que nous parlions des défis auxquels sont confrontés les chrétiens au Moyen-Orient. Je tiens à vous dire que vous, en Syrie et en Irak – avec les communautés chrétiennes au Soudan, au Sud-Soudan, au Nigéria, au Pakistan et au Bengladesh – vous nous avez enseigné la véritable signification du martyre. Vous êtes nos modèles du martyre chrétien dans notre monde. Bien que nous espérions ne pas mourir pour notre foi, nos prières sont auprès de ces communautés qui subissent de plus en plus de pressions et, dans certains cas, de persécutions. Les chrétiens qui vivent dans des contextes difficiles aspirent à faire partie intégrante de leur société, à être des citoyens égaux ayant les mêmes droits et responsabilités, embrassant la diversité. Pour vous tous, le message de Jésus est clair: « Sois sans crainte, petit troupeau : votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume » (Luc 12,32).
Nous avons entendu l’aspiration à la justice de chacun de ces quatre témoins. Puisque nous sommes libérés par la grâce de Dieu, nous n’avons d’autre choix que de travailler pour la justice. Il ne peut y avoir de paix dans ce monde sans justice. Vous devez constamment nous défier – dans l’Église et dans le monde – de ne jamais nous reposer jusqu’à ce que vous voyiez « le droit [jaillir] comme une source ; la justice, comme un torrent qui ne tarit jamais ! » (Amos 5.24). De même que vous l’avez dit d’une seule voix, nos Eglises doivent parler d’une seule voix, s’aligner avec toutes les personnes de bonne conscience pour former une symphonie de justice troublant tous ceux qui veulent promouvoir l’oppression.
Je demande à chacun de vous de prier pour mon pays et pour la juste résolution du conflit israélo-palestinien. Priez pour que la volonté de justice de Dieu soit faite. Priez pour que Jérusalem soit une ville partagée par trois religions – le judaïsme, le christianisme et l’islam – et deux peuples – des Palestiniens et des Israéliens. À partir de ce point de réconciliation et de coexistence, la paix peut s’étendre à travers le Moyen-Orient et jusqu’aux coins de la terre.
Je termine avec les paroles de Fr. Gustavo Gutiérrez, qui a écrit que « notre conversion au Seigneur implique … la conversion à notre prochain ». Comme nous nous rencontrons ici, catholiques et luthériens, avec beaucoup d’autres invités œcuméniques, nous sommes mis au défi d’avancer dans le Saint-Esprit. Cette rencontre n’est pas la fin de notre dialogue, mais un nouveau départ. Je suis convaincu que notre but commun se trouvera non seulement dans le dialogue théologique, mais dans le témoignage pratique, le martyre et la diaconie prophétique.
La Fédération luthérienne mondiale entérine avec enthousiasme l’accord entre Caritas et le Service mondial de la FLM pour travailler ensemble à soulager les souffrances humaines, qu’elles soient causées par des catastrophes naturelles, l’oppression politique, la pauvreté systémique ou les maladies transmissibles. Je suis fier de répondre à l’appel de Dieu avec vous afin que le monde puisse voir comment les luthériens et les catholiques s’aiment les uns les autres et servent leur prochain, afin que le monde puisse croire.
Que Dieu vous bénisse ! Nous prions pour que Dieu bénisse la relation qui s’approfondit entre nous.
© Traduction de Zenit, Constance Roques

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Constance Roques

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