Le chouchou des médias du tournoi annuel de basketball masculin de la NCAA (Etats-Unis) est très probablement un joueur qui est grand, rapide (ou grand et rapide) et qui marque pas mal de paniers.
Il pourrait s’agir d’un entraîneur qui établit un record du nombre de victoires ou inspire son équipe à mieux jouer que prévu.
En 2018, la vedette du spectacle, c’était soeur Jean Dolores Schmidt, BVM, aumônier des Loyola Ramblers, une équipe qui s’est qualifiée pour les « Final Four ». Non, personne ne s’attendait à ce que cela se produise (sauf les gars de l’équipe)!
Au fur et à mesure que les Ramblers progressaient dans le tournoi, l’attention de leur aumônier augmentait également. Ce n’est pas l’aumônier de basket-ball masculin typique : une sœur, une religieuse, qui fait des dossiers de repérage avec l’entraîneur, conseille les joueurs sur ce qu’ils devraient faire sur le terrain et en dehors, anime beaucoup de prières.
Bien sûr, elle a aussi… 98 ans! Et après avoir fait une chute l’année dernière, elle parcourt le monde en fauteuil roulant. Et son autre travail consiste à être aumônière résidente dans le dortoir qu’elle partage avec 400 étudiants de l’Université Loyola de Chicago.
Comme un jeune fan l’a dit à soeur Jean pendant le tournoi de basket-ball, « vous faites le buzz ». Mais ainsi que ZENIT l’a appris, il y a huit décennies d’une vie fascinante avant les « Final Four ». Dans cette interview exclusive accordée à Zenit, voici un avant-goût de cette étonnante histoire…
« L’histoire de ma vocation commence en troisième année dans une école catholique de San Francisco. Ma famille vivait trop loin de l’école quand j’étais en première année et j’aurais dû traverser Market Street toute seule – la rue la plus animée de la ville – et ma mère ne voulait pas. J’ai donc dû aller à l’école publique. En deuxième année, je suis allé à l’école catholique mais j’avais un professeur laïc. Puis, en troisième année, j’ai eu une sœur comme professeur.
« Elle était tout simplement géniale avec nous. Elle était jeune et tout le monde l’aimait. C’était une bonne enseignante – et c’était sa première année d’enseignement. Et elle nous a dit que même si nous étions jeunes, il n’était pas trop tôt pour commencer à penser à notre vocation dans la vie.
« À cette époque, il était normal que le prêtre vienne demander aux garçons combien d’entre eux voulaient être policiers, médecins ou peut-être prêtres. Et ils demandaient aux filles combien voulaient être, oh… enseignantes, femmes au foyer, peu importe.
« Je voulais être enseignante. Et j’avais des tantes et des cousins des deux côtés de ma famille qui étaient des religieuses et des enseignants. Donc, si Dieu le voulait, je pouvais être religieuse et enseignante.
« J’ai prié Dieu tous les jours : « S’il vous plaît, laissez-moi être une sœur » – une BVM – ce sont les sœurs qui nous ont enseigné. Elles avaient l’air heureuses et passaient beaucoup de temps avec nous après l’école à parler de Dieu. Alors, j’ai prié pour que Dieu soit d’accord avec moi ; Il l’a été, et je n’ai jamais vraiment changé d’avis. »
Sr Jean a expliqué qu’à cette époque les choix de carrière pour les femmes étaient limités : religieuse, enseignante, infirmière, secrétaire, employée de magasin, femme au foyer. Pour elle, cela ne semblait pas avoir d’importance; elle serait toujours enseignante.
Son enseignante de troisième année qui l’inspirait a été transférée à Chicago, où la province des BVM avait son siège social, mais elle correspondait avec la jeune Jean. Après tout, Jean lui avait dit qu’elle serait elle aussi sœur et enseignante.
Quelques années plus tard, la Provinciale de Chicago visita l’école de Jean à San Francisco et demanda à voir la jeune étudiante (la Provinciale avait été avertie par l’ancien professeur de Jean). Elle a demandé si Jean voulait toujours être une BVM et la réponse a été : « bien sûr ».
Au fil du temps, le professeur de chimie de Jean (une BVM) a demandé à la future sœur si elle avait écrit pour demander des informations à la maison mère de l’ordre, Mount Carmel, à Dubuque, dans l’Iowa. Jean a répondu qu’elle pensait simplement, quand elle aurait fini son lycée, faire ses valises et partir.
Son enseignante lui a expliqué que le processus était un peu plus complexe et lui a suggéré d’écrire une lettre, de postuler, d’obtenir des recommandations – ce qu’elle a fait.
Le dimanche de Pâques de sa dernière année au lycée, elle a raconté à sa famille ses projets professionnels. Ils n’étaient guère surpris et bénirent sa vocation.
« Ma mère disait à mes frères et à moi que Dieu nous aimait ; nous devions lui parler. Et en plus de mon professeur de troisième année, j’ai eu de nombreux modèles, y compris de nombreuses BVM, des jésuites à Loyola, des étudiants avec qui j’ai travaillé et des membres de ma propre famille. C’est pourquoi je ne nomme pas les noms de peur d’oublier quelqu’un.
« La partie la plus gratifiante de ma vie religieuse est ma vie de prière. Au noviciat, nous avons appris à prier et à méditer. Ma vie de prière est très importante pour moi. »
Le premier travail d’enseignement de Sr Jean était à St. Vincent’s à Chicago. Ses étudiants venaient de grandes familles d’immigrants pauvres. De là, elle a déménagé à Los Angeles et a enseigné pendant 20 ans. Ses étudiants venaient de familles riches et parfois célèbres. Et étant à Hollywood, elle a eu sa première expérience à la télévision.
C’était en 1957, et l’archidiocèse de Los Angeles exploitait une chaîne éducative. Ils ont demandé à Sr Jean si elle voulait bien donner un cours d’éducation civique. Elle serait sur un plateau comme dans une salle de classe avec quelques-uns de ses élèves. Ils enregistraient le premier segment dans les studios de l’Université de Californie du Sud, qui aidait l’archidiocèse.
« À cette époque, vous ne pouviez pas avoir de vêtements blancs lorsque vous étiez à la télévision car cela faisait miroiter l’image, donc au lieu de chemises blanches, les enfants impliqués devaient porter du bleu – et j’ai dû teindre mon habit blanc bleu. »
Malheureusement, quand ils sont arrivés au studio, ils ont appris qu’il y avait eu une panne majeure de l’équipement et qu’ils ne pouvaient pas enregistrer. Sœur Jean, intrépide, a appelé le père d’un de ses élèves pour voir s’il pouvait leur donner du temps en studio. Il était heureux d’aider.
Ce papa était le comédien Bob Hope. Sr Jean a enseigné à ses enfants, ainsi qu’à ceux de Frank Sinatra. Et même si elle ne les avait pas dans sa classe, les enfants de John Wayne fréquentaient son école.
En enseignant à Chicago et à Hollywood, Sr. Jean a rencontré des élèves de milieux remarquablement différents. Mais elle a dit que dans les deux environnements les enfants étaient bons, les parents les aimaient et ils voulaient qu’ils aient la foi catholique.
La sœur admet que beaucoup de choses ont changé au cours des années – dans l’éducation comme dans tous les autres aspects de la vie. Mais elle n’a jamais douté de son amour pour le Christ et de l’amour du Christ pour elle. Lorsque d’autres ont quitté la vie religieuse et même l’Église, elle a persévéré.
« Je n’ai jamais eu envie de partir. J’étais là pour être enseignante et faire des choses dans l’Église.
« Quand le Saint-Père parle de retourner à nos racines en tant que religieux, il veut dire être fidèle à ce que nous faisons. Dans le cas de BVM, nous sommes enseignantes et lorsque nous avons essayé d’autres choses, cela n’a pas très bien fonctionné.
« La plus grande surprise et joie est de réussir à enseigner, à travailler avec les jeunes, de les voir grandir et réussir. Simplement de regarder ces jeunes se développer maintenant à l’université et les conseiller.
« Je ne dis pas aux étudiants de ma résidence qu’ils font quelque chose de mal – mais je leur dis quand ils font une erreur. La première chose que je demande est: «Est-ce que ta mère est au courant?» Bien sûr, ils disent non et je leur rappelle que les mères savent tout. Je vis avec 400 jeunes et mon vocabulaire continue de changer. Bien sûr, certains de leurs nouveaux mots sont ceux des années 20 qui reviennent. »
Deux choses viennent instantanément à l’esprit dans une conversation avec Sr Jean. Premièrement, il est difficile de croire qu’elle a presque un siècle. Elle est jeune, intellectuellement stimulante, passionnée par les jeunes avec lesquels elle vit et travaille. Peut-être est-ce le résultat de la deuxième chose que vous ressentez très rapidement: c’est une femme qui aime Jésus et qui sait qu’il est son meilleur ami.
Traduction d’Hélène Ginabat