« Etre avec Jésus, être avec Pierre ». C’est le thème des méditations de la retraite annuelle d’entrée en carême de la Curie romaine, qui aura lieu du 5 au 10 mars 2017, dans la « Casa Divin Maestro » d’Ariccia, à quelque 30 kilomètres de Rome. Le recueil des méditations sera ensuite publié sous ce titre par les éditions franciscaines de la Portioncule (Edizioni Porziuncola).
Dix jours avant de prêcher devant le pape François et les membres de la curie, le p. Giulio Michelini ofm, explique aux lecteurs de Zenit qu’il méditera particulièrement sur « l’humanité de Jésus ». Le franciscain évoque sa réaction au moment de la demande du pape et confie : « Pour moi le pape est Pierre… Donc mon regard se tourne non seulement vers un homme comme moi, mais aussi vers celui qui est Pierre ».
Père Michelini, comment et quand avez-vous appris avoir été choisi pour guider laretraite de carême à laquelle le pape participera ?
Je l’ai appris le premier dimanche de l’Avent. Un de ses collaborateurs m’a appelé pour m’annoncer la nouvelle et m’avertir que le Saint-Père allait m’appeler.
Comment s’est passé l’appel avec le pape ?
Il m’a demandé ce service avec beaucoup de courtoisie. Je lui ai expliqué que j’aurais eu des difficultés à parler devant le pape et la curie romaine. Je lui ai dit aussi que je pouvais conseiller des personnes plus capables que moi. Le pape m’a répondu : « On va faire comme ça, père. Vous continuez à penser qu’il y a des personnes meilleures que vous. Mais s’il vous plaît venez tenir ces Exercices ». Et cette réponse me parut d’une telle sagesse, si directe … Je fais confiance au pape.
Avez-vous déjà eu l’occasion de connaître personnellement le Saint-Père ?
En fait, j’ai eu la chance de pouvoir le saluer et l’étreindre, mais pas d’avoir une conversation avec lui. La première fois quand il est venu à Assise et qu’il a rencontré toute la communauté franciscaine de Sainte-Marie-des-Anges. Puis à Florence, quand il a rencontré les membres du comité préparatoire du congrès ecclésial national, dont je faisais partie. Et enfin, troisième et dernière fois, en novembre dernier, quand avec des collègues enseignants de l’Association biblique italienne on a été reçus en audience au Vatican.
Quelle a été votre impression durant ces trois occasions de brefs mais affectueux échanges avec le pape?
Je me suis rendu compte que le pape n’a pas peur du regard, au contraire il le cherche. Pour moi c’est le regard de Pierre. En effet le titre du livre que j’ai choisi pour le recueil de méditations – qui sera publié par les Editions Porziuncola au terme des Exercices – est Etre avec Jésus, être avec Pierre. Pour un franciscain c’est une expérience particulière. Saint François l’appelait « Messire le Pape ». Pour moi le pape est Pierre. Je pense à l’évangile de Matthieu qui insiste beaucoup sur la dimension ecclésiale. Donc mon regard se tourne non seulement vers un homme comme moi, mais aussi vers celui qui est Pierre.
Vous avez confié que pour vous préparer au mieux au climat de ces Exercices, vous vous êtes retirés dix jours à Capharnaüm, en Galilée. Pouvez-vous résumer en un mot ce qu’apporte, spirituellement, cette présence physique en Terre Sainte?
Durant les exercices je pourrai parler de l’humanité de Jésus. Du reste, la croix, la passion, la mort, la sépulture, parlent de l’humanité de Jésus, que nous devons redécouvrir. A Capharnaüm, là où Jésus a commencé sa mission, on peut trouver trace des chemins qu’il a parcourus, du lac qu’il a traversé et de la maison où il s’est rendu, celle de Simon. Savoir que mes pieds foulent les mêmes lieux traversés par Jésus fut très émouvant pour moi. Et puis il y a un autre élément, culturel : l’idée qu’en Terre Sainte, malgré les conflits, des pèlerins arrivent du monde entier. Et enfin, pour nous franciscains mineurs, être les gardiens de cette terre est un honneur.
Les méditations tourneront autour de la passion, de la mort et de la résurrection de Jésus selon l’évangile de saint Matthieu. Pourquoi ce choix ? Ce texte (l’évangile de Matthieu) possède-t-il des caractéristiques qui s’adaptent à la période de Carême ?
La réponse strictement technique est non. Tous les évangiles sont utilisés en période de carême. Je me souviens que dans la liturgie ambroisienne prévaut l’évangile de Jean, dans la liturgie romaine par contre nous lisons normalement les trois évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc). Mais moi j’ai choisi Matthieu parce que c’est l’évangile que je connais le mieux, c’est un texte où je me sens à l’aise. J’ai écrit un livre sur ce texte – Matteo. Introduzione, traduzione e commento (ed. San Paolo, 2013) – mais ce que je dirai au pape est complètement nouveau.
En plus de vos réflexions, vous avez souhaité celle d’un couple d’époux qui collaborent depuis des années avec vous, Mariateresa Zattoni et Gilberto Gillini, et celle d’une sœur clarisse, qui vit cloîtrée. Pourquoi ce choix ?
Parce que je travaille depuis des années avec ces personnes. C’est un choix qui m’est venu tout naturellement, sans beaucoup réfléchir d’ailleurs. J’ai écrit huit livres avec les époux Gillini Zattoni. Ils font partie de ma façon de lire la bible, qui n’est pas seulement académique. Je leur ai demandé leur avis sur cette partie de la passion de Matthieu où la femme conseille Pilate. Il s’agit donc d’appliquer l’évangile à la vie concrète des personnes : mes amis sont des experts en relations de couple et ils ont donc été utiles. Par contre, la sœur clarisse, sachant que je parlerai de l’onction de Béthanie, m’a envoyé un petit mot. J’ai trouvé ses paroles si belles que j’ai décidé de les citer telles quelles. Au fond, elle apporte une contribution féminine, de clôture, que je ne serais jamais capable de donner. Je suis donc content d’avoir avec moi des personnes d’un monde autre que celui des hommes consacrés, mais aussi celui des familles et celui d’une femme qui vit dans la vie contemplative.
Proposerez-vous des réflexions sur la base d’autres textes que ceux de l’Evangile?
Oui. J’ai eu la chance de faire des études en littérature moderne et j’ai un diplôme en langue étrangère. Je lis beaucoup, donc quand je lis la parole de Dieu, des références d’ordre littéraire ou théologique me viennent aussitôt à l’esprit. Pour les parties théologiques je citerai à différentes occasions Romano Guardini, un auteur que je fréquente depuis des années. Puis je ferai référence à des histoires vraies, par exemple une histoire qui m’a beaucoup touché, racontée par Massimo Gramellini dans la rubrique qu’il avait avant sur La Stampa. Au plan strictement littéraire je ne pourrai pas ne pas parler d’Amos Oz, essayiste israélien qui a écrit un très beau texte sur Judas, un des personnages clefs de la Passion. Puis je proposerai une histoire racontée par Emmanuel Carrère dans son livre Le Royaume, qui parle d’une foi perdue. Ces textes représentent très bien le drame de l’homme contemporain. Et c’est pourquoi je citerai aussi Franz Kafka. Pendant les repas, nous lirons plutôt une anthologie de textes sur Marie et le livre Un instant avant l’aube, du père Ibrahim Alsabagh, un récit vécu sur le terrain de ce qui s’est passé à Alep pendant la guerre.
Y a-t-il des prières spécifiques et des lectures de l’Evangile à conseiller à ceux qui voudraient accompagner le Saint-Père dans cette retraite ?
Il y aura deux lectures de l’Evangile par jour, une le matin et une l’après-midi. En les lisant les fidèles peuvent accompagner le pape et invoquer l’Esprit Saint pour moi.
Comment vous préparez-vous à cette expérience ?
Je me suis arrêté quelques jours sur le lac de Tibériade, mais je suis maintenant revenu à mon travail d’enseignant. Donc je me prépare en accomplissant mes tâches de tous les jours et en priant constamment, en allant à la messe, je ne peux rien faire d’autre. Mais je dois dire qu’une sensation de paix, jamais éprouvée jusqu’ici, m’accompagne. Cette sensation, je crois, est le signe que tant d’amis prient pour moi et pour le pape.
Traduction d’Océane Le Gall