Regnum Christi : le pape François invite à poursuivre le «discernement» (traduction complète)

« Encore un très large champ qui doit être un objet de discernement »

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« Le parcours d’un vrai discernement » : le pape François évoque la « gravité » des crimes de Marcial Maciel Degollado dans un message transmis aux participants au chapitre général des Légionnaires du Christ et aux assemblées générales des femmes consacrées et des laïcs consacrés de Regnum Christi, ce samedi 29 février 2020.

Mais il évoque aussi le chemin de « discernement » parcouru depuis le dévoilement de ces agissements par le pape Benoît XVI en 2006 et le chemin de discernement encore à parcourir. Le mot « discernement » revient 5 fois dans le texte.

Le pape encourage le travail de prise de distance des religieux, des prêtres, des consacrés et des laïcs de Regnum Christi par rapport au fondateur et il met en garde contre la tentation de regarder ou de retourner en arrière : « Revenir au passé serait dangereux et dénué de sens. »

« Vous vous êtes courageusement ouverts à l’action du Saint-Esprit, en entrant ainsi sur le parcours d’un vrai discernement », a constaté le pape.

Le pape François a salué l’effort de renouveau mais pour lui, le travail n’est pas encore achevé: « Il y a encore un très large champ qui doit être pour vous un objet de discernement. »

Le pape a souligné des conditions du discernement : « Le discernement requiert de chacun beaucoup d’humilité et de prière. »

Il a invité à persévérer dans le temps : « J’espère que vos nouveaux gouvernements soient conscients que la voie du renouveau n’est pas terminée, car le changement de mentalité des individus et des institutions nécessite un long temps d’assimilation, donc une conversion continue. »

Le pape a recommandé au nouveau gouvernement à la fois la force et la douceur : « Je vous exhorte à agir fortiter et suaviter: énergiquement en substance et doucement de manières, sachant saisir avec courage et en même temps avec prudence les autres voies à suivre dans la ligne tracée et approuvée par l’Église. Si vous vous mettez docilement à l’école du Saint-Esprit, vous ne serez pas submergé par la peur et le doute, qui bouleversent l’âme et empêchent l’action. »

Le pape n’a pas pu prononcer ce discours en raison de sa légère indisposition :  depuis trois jours, le pape annule les audiences de grands groupes pour ne recevoir que des personnes isolées ou des petits groupes. Mais il célèbre la messe à Sainte-Marthe.

Demain, dimanche 1er mars, s’ouvre la retraite annuelle d’entrée en carême pour le pape et la curie romaine, à Ariccia, à quelque 30 km du sud-est de Rome. Toutes les audiences sont suspendues jusqu’à vendredi, 6 mars.

Voici notre traduction, rapide, de travail, du discours du pape François, donné en italien.

AB

Discours du pape François

Chers frères et sœurs,

Je suis heureux de cette rencontre avec vous à la fin d’une étape du chemin que vous parcourez sous la direction maternelle de l’Église. Vous, Légionnaires du Christ, vous avez depuis peu conclu votre chapitre général et vous, consacrés et laïcs consacrés de Regnum Christi, vos assemblées générales. Ce furent des événements électifs des nouveaux gouvernements généraux, conclusion d’une étape sur le chemin que vous êtes en train de faire. Cela signifie qu’il n’est pas accompli, mais doit continuer.

Les comportements délictueux tenus par votre fondateur, le p. Marcial Maciel Degollado, qui ont émergés dans leur gravité, ont provoqué une forte crise institutionnelle et pour les personnes dans toute la réalité de Regnum Christi. En fait, d’une part, on ne peut nier qu’il a été le fondateur «historique» de toute la réalité que vous représentez, mais d’autre part, vous ne pouvez pas le considérer comme un exemple de sainteté à imiter. Il a réussi à se faire considérer comme un point de référence, à travers une illusion qu’il avait réussi à créer par sa double vie. De plus, son long gouvernement personnalisé avait dans une certaine mesure pollué le charisme que l’Esprit avait initialement donné à l’Église; et cela se reflétait dans les normes, ainsi que dans la pratique du gouvernement et de l’obéissance et dans le mode de vie.

Face à la découverte de cette situation, l’Église n’a pas manqué de sollicitude maternelle et elle vous est venue en aide par différents moyens, en plaçant à vos côtés des personnes d’une grande sensibilité humaine et pastorale, ainsi que d’une compétence juridique reconnue. Parmi elles, je voudrais mentionner le regretté cardinal Velasio De Paolis, délégué pontifical. Les nouvelles Constitutions et les nouveaux Statuts sont véritablement « nouveaux », à la fois parce qu’ils reflètent un esprit nouveau et une nouvelle vision de la vie religieuse cohérente avec le Concile Vatican II et les directives du Saint-Siège, et parce qu’ils sont le produit d’un travail de trois ans, au cours duquel toutes vos communautés ont été impliquées et qui a conduit à un changement de mentalité. C’est un événement qui a comporté une véritable conversion du cœur et de l’esprit. Cela a été possible parce que vous avez été dociles aux aides et aux soutiens que l’Église vous a offerts, parce que vous vous êtes rendu compte du besoin effectif d’un renouveau qui vous aurait fait sortir de l’auto-référence, dans laquelle vous vous étiez enfermés.

Vous vous êtes courageusement ouverts à l’action du Saint-Esprit, en entrant ainsi sur le parcours d’un vrai discernement. Accompagné par l’Église, vous avez fait avec patience et disponibilité un travail exigeant pour surmonter tensions même les très fortes qui se sont parfois produites. Cela a provoqué un changement de mentalité ultérieure, parce que cela réclamait une nouvelle vision des relations mutuelles entre les différentes réalités qui composent Regnum Christi. Je sais bien que cela n’a pas été facile, car ce à quoi nous sommes le plus attachés, ce sont nos idées et il nous manque souvent une réelle indifférence, à laquelle nous devons nous ouvrir par un acte de notre volonté, pour faire travailler en nous l’Esprit Saint. L’Esprit nous conduit au détachement de nous-mêmes et à la recherche de la seule volonté de Dieu, car ce n’est que d’elle que vient le bien de toute l’Église et de chacun de nous.

Ce travail a conduit à la création de la Fédération de Regnum Christi, composée de l’Institut religieux de la Légion du Christ, de la Société de vie apostolique des femmes consacrées de Regnum Christi et de la Société de vie apostolique des laïcs consacrés de Regnum Christi. A cette réalité de la Fédération s’agrègent individuellement de nombreux laïcs qui n’assument pas les conseils évangéliques, constituant ainsi une « famille spirituelle », une réalité plus large que la Fédération elle-même. La Fédération est une réalité canoniquement « nouvelle », mais aussi « ancienne », parce que l’unité et l’autonomie vous les viviez déjà de fait dans les années qui ont suivi 2014. Il y a encore un très large champ qui doit être pour vous un objet de discernement. Le chemin doit donc continuer, en regardant en avant, pas en arrière. Vous ne pouvez regarder en arrière que pour trouver la confiance dans le soutien de Dieu, qui ne vous a jamais manqué.

Il s’agit de déterminer mise en oeuvre concrète des Statuts de la Fédération. Cela nécessite le discernement des organes de gouvernance collégiaux et des gouvernements généraux et territoriaux des trois entités fédérées. Les Statuts doivent toujours stimuler le discernement. Cependant, si ce n’est pas facile au plan personnel, encore moins dans un groupe de gouvernement. Le discernement requiert de chacun beaucoup d’humilité et de prière; et celle-ci, nourrie par la contemplation des mystères de la vie de Jésus, conduit à s’assimiler à lui et à voir la réalité avec ses yeux. De cette façon, on pourra agir avec objectivité, avec un sain détachement sain de ses propres idées: ce qui ne signifie pas ne pas avoir votre propre évaluation de la réalité et du problème que l’on doit affronter, mais cela signifie soumettre son point de vue au bien commun.

Vous avez élu les nouveaux généraux supérieurs et leurs conseils. Certes, les premiers responsables de la direction de la Légion du Christ ou des femmes consacrées et des laïcs consacrés de Regnum Christi sont leurs directeurs, mais les conseils ont une fonction très importante, même si les conseillers et les conseillères ne sont pas des supérieurs. En effet, les Conseils doivent être une aide valable pour les supérieurs dans leur gouvernement, mais en même temps ils ont aussi une fonction de contrôle sur le travail des supérieurs eux-mêmes. Ils sont en effet appelés à gouverner en considérant les personnes et dans le respect du droit commun de l’Église et de celle propre de l’Institut ou de la Société. Pour cette raison, la normative canonique prévoit que lorsqu’une question est soumise à l’approbation du Conseil, le supérieur ne peut pas voter, précisément pour laisser les conseillers plus libres (cf. canons 627 §2; 127 CIC; Commission pont. pour l’interprétation authentique du Code de droit canonique, réponse datée du 1er août 1985, dans AAS 77 [1985] 771).

J’espère que vos nouveaux gouvernements soient conscients que la voie du renouveau n’est pas terminée, parce que le changement de mentalité des personnes individuellement et des institutions nécessite un long temps d’assimilation, donc une conversion continuelle. C’est un changement qui doit se poursuivre dans tous les membres de la Fédération. Revenir au passé serait dangereux et dénué de sens. C’est ce chemin que sont appelés à parcourir avec persévérance et patience les gouvernements des trois réalités fédérées, tant en ce qui concerne leur propre Institut religieux ou leur Société de vie apostolique qu’en ce qui concerne la Fédération et les laïcs qui lui sont associés. Cela nécessite que les trois gouvernements aient une vision cohérente avec la volonté que l’Église a manifestée au cours de toutes ces années par sa proximité et par tous les moyens concrets qu’elle a mis à votre disposition.

Vous, les membres des nouveaux gouvernements généraux, vous avez reçu le mandat de l’Église de continuer sur la voie du renouveau, de récolter et de consolider les fruits mûris au cours de ces années. Je vous exhorte à agir fortiter et suaviter: énergiquement en substance et doucement de manières, sachant saisir avec courage et en même temps avec prudence les autres voies à suivre dans la ligne tracée et approuvée par l’Église. Si vous vous mettez docilement à l’école du Saint-Esprit, vous ne serez pas submergé par la peur et le doute, qui bouleversent l’âme et empêchent l’action. Je vous confie la protection maternelle de la Vierge Marie. Je vous accompagne de mon affection et de mon souvenir dans la de prière et je vous accorde de tout coeur la Bénédiction apostolique, que j’étends à toute la famille de Regnum Christi. Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi.

© Traduction de Zenit, Anita Bourdin

 

 

 

 

 

 

 

 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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