« L’Esprit renouvelle tout. Une pastorale des jeunes avec les jeunes »: le livre de soeur Nathalie Becquart vient de paraître en français chez Salvator avant de sortir d’ici 2 semaines en italien à la Librairie éditrice du Vatican (LEV) qui lui avait demandé de l’écrire après le synode 2018.
Dans sa préface, fr Aloïs, prieur de la Communauté de Taizé relève, au coeur du livre, « l’impératif de penser la pastorale des jeunes… avec les jeunes ».
Préface du livre de Sr Nathalie Becquart,
par Fr Aloïs, prieur de la Communauté de Taizé
Avec son livre « L’Esprit renouvelle tout. Une pastorale des jeunes avec les jeunes », sœur Nathalie Becquart offre une réflexion de grande qualité sur les défis actuels de la pastorale des jeunes dans l’Église. C’est avec joie que j’ai accepté de préfacer cet ouvrage, car des liens d’amitié anciens nous unissent.
Depuis longtemps, nous avons apprécié à Taizé l’enthousiasme et l’engagement de sœur Nathalie auprès des jeunes. Comme directrice du Service national pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations à la Conférence des Évêques de France, elle a acquis une expérience de premier plan dont elle fait profiter ses lecteurs.
Au Synode des évêques sur « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel », en octobre 2018, j’ai apprécié d’échanger avec elle et d’autres auditeurs et experts, en marge des sessions. Il me semble que le livre rend bien compte de cette expérience synodale et des fruits que celle-ci peut encore donner à toute l’Église. Oui, ce temps de grands bouleversements est aussi un moment favorable pour renouveler, repenser, relancer le travail pastoral de l’Église auprès des jeunes… et avec eux.
C’est un point central de la réflexion offerte par ce livre : l’impératif de penser la pastorale des jeunes… avec les jeunes, pour éviter le risque, aujourd’hui fatal, de faire des propositions venues d’en-haut, déconnectées de la réalité vécue par la jeune génération. Au contraire, sœur Nathalie Becquart appelle de ses vœux une réflexion et une action pastorales pensées conjointement avec les jeunes, qui les rendent acteurs et non spectateurs.
C’est d’ailleurs ce qui s’est vécu lors du pré-synode, qu’elle présente bien dans les pages qui suivent : lorsqu’on donne la parole aux jeunes, on découvre avec saisissement la maturité et le sens des responsabilités dont beaucoup sont capables. Cela rejoint notre expérience à Taizé, en particulier avec les centaines de jeunes de 18 à 25 ans qui, chaque année, passent sur notre colline un temps de volontariat, pour quelques semaines ou pour un an.
Récemment, je me suis souvent dit, en rencontrant certains jeunes à Taizé : il est essentiel de bien les écouter. Les écouter personnellement, bien sûr, comme nous le faisons depuis bien longtemps en leur offrant un accompagnement personnel, ensemble avec les sœurs de Saint-André présentes à Taizé depuis des décennies. Oui, il s’agit d’écouter vraiment les jeunes avec le cœur et de respecter le sanctuaire de leur conscience. Pour cela, ceux qui écoutent doivent être eux-mêmes accompagnés. Il manque dans l’Église des accompagnateurs : est-ce qu’un ministère d’écoute pourrait être confié, non seulement aux prêtres, aux religieux et religieuses, mais aussi à des laïcs, hommes et femmes ?
Mais aujourd’hui, il s’agit aussi, pour l’Église, de se mettre à l’écoute de la jeune génération en prenant en compte ses profondes intuitions. Je me souviens ainsi d’un échange, un soir dans notre église, avec un jeune volontaire du Portugal qui attirait mon attention sur l’engagement grandissant de beaucoup de jeunes autour des questions environnementales. Cela a donné lieu par la suite, au fil des derniers mois, à toute une démarche écologique à Taizé, dans laquelle les jeunes volontaires sont une force motrice.
Une autre intuition qui me semble très importante est exprimée par sœur Nathalie dans son chapitre sur la synodalité missionnaire. Elle décrit ainsi le style ecclésial souhaité par les jeunes : « une Église missionnaire en dialogue, au service de tous, centrée sur le Christ et profondément ancrée dans la prière et la liturgie, tout en étant attentive aux enjeux contemporains », en montrant combien cela rejoint la vision de l’Église exprimée par le Pape François : celle d’une Église synodale, Église “en sortie”, décentrée d’elle-même.
Un autre point encore qui rejoint notre expérience à Taizé concerne la grande diversité qui marque les jeunes dans l’Église aujourd’hui. J’ai apprécié que sœur Nathalie Becquart l’exprime ainsi : « Nous en sommes souvent témoins, les jeunes aiment le travail en équipe, ils valorisent la diversité. (…) Ils demandent que leurs accompagnateurs reflètent la diversité de l’Église. »
Au Synode, je me souviens d’avoir fait ce constat à plusieurs moments : la diversité des points de vue n’empêche pas la fraternité. Qu’ils soient évêques, experts ou jeunes invités, tout en exprimant des points de vue parfois bien différents, les participants ont montré un visage très fraternel de l’Église. Le pape François avait d’ailleurs souligné dès le début des travaux combien il espérait que nous pourrions échanger dans la charité, la vérité et avec une vraie liberté de parole. Et nous avons pu entrer en dialogue avec les jeunes, sans avoir des réponses toutes faites, pré-conçues. Cette image d’une Église en marche est sans doute celle que je garde du Synode.
Pour finir, j’aimerais encore soulever une autre thématique, présente dans le livre : l’ouverture des jeunes au dialogue, en particulier avec les chrétiens de diverses confessions ou avec les croyants d’autres religions. Le Pape François l’avait remarquablement souligné en 2014 à Istanbul, lors d’une célébration avec le Patriarche Bartholomée au cours de laquelle il avait dit : ce sont les jeunes « qui aujourd’hui nous demandent de faire des pas en avant vers la pleine communion. Et cela non parce qu’ils ignorent la signification des différences qui nous séparent encore, mais parce qu’ils savent voir au-delà, ils sont capables de recueillir l’essentiel qui déjà nous unit. »
C’est vrai : à Taizé, nous voyons que beaucoup de jeunes aiment prier ensemble, avec des chrétiens de diverses confessions, et sont prêts à prendre ensemble un engagement concret pour les autres. Ils comprennent, ne serait-ce qu’implicitement, l’appel du Christ à nous réconcilier sans retard.
Qu’il me soit permis de remercier ici Sœur Nathalie Becquart de nous livrer, dans ce livre, ses convictions et de partager son expérience, de montrer aussi son immense confiance envers la jeune génération dans l’Église. Oui, elle sait transmettre son enthousiasme pour « une Église qui ne cesse de chercher la source pour mieux répondre à l’immense soif de nos contemporains en quête d’une eau vive », « où nos rêves pour et avec les jeunes puissent continuer à prendre corps ».