Prière eucharistique III: les mots qui introduisent les paroles du Christ (2)

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Dans le cadre de ses (jusqu’ici 20) chroniques sur les prières eucharistiques, l’évêque émérite de Tarbes-Lourdes propose ce second commentaire de la IIIe prière eucharistique: « …il prit le pain, en te rendant grâce il le bénit, il le rompit et le donna à ses disciples…. » 

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Dans la constitution sur la Révélation, Dei Verbum, du concile Vatican II, il est dit que le Christ s’est manifesté et a manifesté le Père « par gestes et paroles », factis et verbis. Dans le récit de l’Institution, nous sommes surtout sensibles aux paroles de Jésus. Voulez-vous que nous prêtions attention à ses gestes ?     

Ses gestes expriment ce qu’il est. Le reproche qu’il adresse aux Pharisiens est de dire et de ne pas faire. En lui, au contraire, le dire et le faire s’éclairent mutuellement. Il a voulu qu’il en fût de même pour les sacrements de son Eglise : un bain d’eau qu’une parole accompagne, dit saint Paul à propos du baptême (Ephésiens 5, 26).

« Il prit le pain… »

A quoi sert cette indication ? Elle est, sans doute, importante, car nous la retrouvons lors du repas au bord du Lac, dans saint Jean. Pourquoi dire qu’il prit les pains ? Les miracles de Jésus s’accomplissent souvent à distance, par la seule parole.

Selon une expression dogmatique traditionnelle, Jésus a pris sur lui notre nature humaine. Il l’a prise et ne l’a pas rejetée dans la gloire de son Ascension. Il se charge de notre humanité comme le Bon Samaritain charge le blessé sur sa propre monture : chez les Pères de l’Eglise, le Bon Samaritain est vu comme une figure du Christ Sauveur.

Ce verbe « prendre » nous renvoie aussi à la prophétie d’Isaïe sur le Serviteur souffrant : « Il a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies » (Isaïe 53, 2). Saint Matthieu utilise ce verset d’Isaïe pour présenter, de façon synthétique, l’œuvre du Christ Sauveur, qui chasse les démons et guérit les malades.  

« Prendre » est, évidemment, un verbe très fréquent. Mais citons un dernier emploi qui nous renvoie encore au Salut : Jésus demande à son disciple de « prendre sa croix » et de le suivre.

En prenant le pain, Jésus prend à bras le corps notre destinée, notre salut. Nous sommes dans la logique de l’Incarnation rédemptrice.    

« En te rendant grâce, il le bénit… »

La Prière eucharistique III, comme le canon romain, décompose ce que les textes du Nouveau Testament expriment d’un seul mot (voir la chronique 19). La Prière II dit : « Il rendit grâce » ; la Prière IV dit : « Il le bénit. »

La Prière III se veut pédagogique de la foi. Dans le monde biblique, Ancien comme Nouveau Testament, la bénédiction s’adresse d’abord à Dieu. A tel point que « Le Béni » est une des périphrases pour désigner Dieu. Lui-même, « le Saint, béni soit-il. »

Mais, de Dieu, la bénédiction redescend sur toutes les médiations qui nous conduisent vers lui. Par exemple, bénir un chapelet, c’est lui donner son véritable sens, qui est de soutenir notre prière et de nous rapprocher du Christ, guidés par Marie.   

Jésus est en perpétuelle action de grâce envers son Père : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre… » Mais il est en même temps la Parole de bénédiction que le Père prononce sur notre monde. Parole qui est tout autant une action : « Il dit et cela est. »

« … il le rompit… »

Certes, il faut rompre le pain pour que chacun puisse en recevoir un fragment. Mais s’il ne s’agissait que de cela, était-ce bien nécessaire de préciser que c’est Jésus lui-même qui rompt le pain ? Chacun, à son tour, aurait pu en prendre un morceau.

Dans le Nouveau Testament, « fractionner », «fraction » ne servent que pour parler de l’Eucharistie ou de ce qui la préfigure. Le Vendredi saint, le centurion, voyant que Jésus était déjà mort, ne lui brisa pas les jambes mais lui transperça le côté d’un coup de lance. S’accomplit ainsi la prophétie de Zacharie : « Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé. »

Syméon avait prévenu Marie : « Il sera un signe de contradiction, et toi, ton âme sera traversée d’un glaive. »

Le Christ est le grain de blé qui, pour porter du fruit, ne doit pas seulement tomber en terre, mais doit y mourir.   

« .. et le leur donna »

« Don » est un nom qui convient au Père, au Fils et à l’Esprit Saint. Il est même parfois spécialement affecté à l’Esprit Saint. Mais il convient éminemment au Christ, à proximité de la Passion.

« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » mais le Christ lui-même donne sa vie : ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne. « Le pain que je vous donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde. » En donnant sa vie, il donne la vie éternelle : il est à la fois l’Agneau et le Pasteur. Toutes ces expressions sont dans Saint Jean. Elles sont profondément eucharistiques. Saint Jean ne rapporte pas l’institution de l’Eucharistie mais il nous en révèle la substance.

Gardons-nous donc de prendre ces quatre verbes, presque invariables d’un récit à l’autre, d’une Prière eucharistique à l’autre, comme des indications presque superflues. Ils nous disent à quel point le Seigneur est engagé dans l’Eucharistie qu’il institue et qu’il va remplir de son sacrifice.   

 
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Jacques Perrier

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