Liturgy

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Prière eucharistique III: le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle

Les paroles prononcées sur le vin: dans cette 22e chronique sur les prières eucharistiques, Mgr Jacques Perrier poursuit sa lecture théologique et spirituelle de la Prière eucharistique III (4e volet).

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« Ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude, en rémission des péchés. »

Comme les paroles prononcées sur le pain, celles qui sont prononcées sur le vin ne sont pas identiques dans les quatre récits transmis par les évangélistes et saint Paul.

« Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude » (Saint Marc). Saint Matthieu ajoute : « … pour la rémission des péchés. » Saint Luc et saint Paul parlent de « nouvelle Alliance en mon sang. » Saint Luc  précise : « … versé pour vous ».

La formule liturgique rassemble donc des éléments conservés par les différentes traditions. La liturgie se veut la plus explicite possible pour nous ouvrir toutes les perspectives du « mystère » célébré. La liturgie est catholique, en ce sens qu’elle  ne veut rien laisser perdre.

Pour une part, la formule liturgique prononcée sur le calice est parallèle, voire identique, à celle qui a été prononcée sur le pain : corps/sang, livré/versé, pour vous/pour vous. Mais elle ajoute plusieurs expressions décisives pour entrevoir la portée de l’Eucharistie : « l’alliance nouvelle et éternelle », la « multitude », la « rémission des péchés ».

L’Alliance

En dehors du récit de la dernière Cène, les évangiles n’emploient jamais le mot « alliance ». La seule exception est le cantique de Zacharie : « …mémoire de son alliance sainte… ». Ce n’est pas un hasard. Le Benedictus, comme le Magnificat, reprend tous les mots-clés de l’Ancien Testament, le mot-clé par excellence étant « l’alliance ».

Toute l’histoire biblique est le récit d’une alliance, sans cesse proposée par Dieu, sans cesse mise en échec par le péché de l’homme et sans cesse renouvelée par Dieu, à nouveaux frais. La Prière eucharistique IV, déployant toute l’Histoire du salut, rend grâce à Dieu, au nom de tous les hommes, car « tu as multiplié les alliances avec eux ».

Les grandes étapes de cette Alliance renouvelée portent les noms de Noé, d’Abraham et de Moïse. Un signe est donné à chaque fois : l’arc-en-ciel, la circoncision, l’arche « d’alliance » avec les Tables de la Loi et un morceau de manne. Malgré les échecs, l’alliance proposée par Dieu devient de plus en plus intime. Les prophètes en témoignent, en prenant le mariage comme symbole de l’alliance entre Dieu et Israël, son peuple, infidèle mais toujours aimé. Quand il s’interroge sur le destin de son peuple, saint Paul, d’ailleurs, professe que ces alliances anciennes ne sont pas révoquées (Romains 9, 4).

Excursion johannique

Comme l’on sait, l’institution de l’eucharistie n’est pas relatée dans le quatrième évangile. Mais, à deux moments, Jésus annonce  l’Eucharistie ou, plus exactement, la Passion dont l’Eucharistie sera le mémorial : le Discours sur le pain de vie et les noces de Cana.

Dans les deux cas, le parallèle est fait avec les formes anciennes de l’Alliance. Le pain qui donne la vie éternelle, ce n’est plus la manne. Le vin excellent dont se réjouiront les convives a été puisé dans des jarres « destinées aux purifications des Juifs ».

La perspective est plutôt celle d’un accomplissement que d’un rejet. Saint Jean conclut le récit par un commentaire : « Cela, Jésus en fit le commencement des signes, à Cana de Galilée et il manifesta sa gloire et ses disciples curent en lui. » A ce « commencement », correspondra « l’accomplissement » de la Passion : « Il les aima jusqu’au bout. »

« Alliance nouvelle et éternelle »

Pour parler de l’Alliance, le prophète Jérémie va encore plus loin qu’Osée ou Isaïe. Elle n’est plus seulement comparée à une alliance d’amour dans le mariage. Elle devient intérieure. Elle est inscrite dans le cœur, et non plus sur des tables de pierre. Telle est « l’alliance nouvelle », celle que le Seigneur conclura avec la maison d’Israël : « Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. Alors je serai leur Dieu et eux seront mon peuple… Je ne me souviendrai plus de leur péché » (Jérémie 31, 31-34). 

A plusieurs reprises, dans les prophéties de Jérémie et d’Ezéchiel, cette alliance « nouvelle » est dite aussi « éternelle ». Le mot, repris par la liturgie, n’est employé dans aucun des récits de l’Institution. Il nous rappelle la parole de Jésus : « Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle »

L’Alliance nouvelle et éternelle est conclue dans le sang que Jésus a versé. N’est-ce pas un retour à quelque religion primitive et barbare ? Il vaut la peine de lire un livre du Nouveau Testament, trop négligé : l’épître aux Hébreux. Si, dans la tradition, elle porte ce titre – « aux Hébreux » – c’est justement parce qu’elle réfléchit au rapport de la nouvelle alliance à l’ancienne, dans des termes qui soient évocateurs pour des fils d’Israël, qu’ils soient devenus chrétiens ou non.

L’épître aux Hébreux rappelle que l’alliance conclue avec Moïse avait été scellée par un sacrifice. En souvenir de cela, le grand-prêtre, une fois par an, entre dans le Saint des Saints après un sacrifice de « boucs et de jeunes taureaux. » Le Christ, lui, entre, et nous fait entrer, dans le Saint des Saints éternel par son unique sacrifice.

« Le sang du Christ, qui par un Esprit éternel s’est offert lui-même sans tache à Dieu purifiera notre conscience des œuvres mortes pour que nous rendions un culte au Dieu vivant. Voilà pourquoi il est médiateur d’une nouvelle alliance » (Hébreux 9, 14-15). La suite du texte (Hébreux 9-10) cite la prophétie de Jérémie 31 (voir plus haut) : le cœur sur lequel est inscrite l‘alliance annoncée, c’est le cœur du Christ. Dans le même sens, l’épître cite aussi le psaume 39-40 : « Tu ne voulais sacrifice ni oblation… Alors j’ai dit : voici, je viens, pour faire, ô Dieu, ta volonté. »

Le corps de Jésus a été « livré », son sang a été « versé » : ce pourrait être un pur crime, le pire de tous les crimes puisqu’il frappe l’Innocent par excellence. Ce crime devient salut parce que le sacrifice est offert pour nous et pour la multitude.

L’épître aux Hébreux atteste que l’Esprit agit dans le Christ dans sa Passion : ce n’est pas un suicide mais un sacrifice librement offert par celui qui en est à la fois le prêtre et la victime. C’est de cet acte que nous sommes rendus, non seulement bénéficiaires, mais contemporains par l’Eucharistie.  

    

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Jacques Perrier

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