Percevoir la voix de la conscience, la voix de la raison, mais surtout la voix de Dieu, ténue, comme ce « bruit d’un fin silence » perçu par le prophète Elie: c’est le voeu de fin d’année du rabbin argentin, ami du pape François, Abraham Skorka, dans L’Osservatore Romano en italien du 29 décembre 2017.
Voici notre traduction complète de ces voeux qui scellent une année civile marquée par la violence, sous tant de formes, sous toutes les latitudes.
AB
Cette voix de Dieu, ténue
par Abraham Skorka
Les célébrations spirituelles du judaïsme, et du christianisme, ainsi que de l’islam, sont des moments de calme, de recherche de la paix, de la réconciliation et des affections.
En plus des repas classiques et des toasts, l’introspection les accompagne, donnant substance et sens à la circonstance. C’est le moment d’observer depuis une position différente de celle de la vie quotidienne. C’est monter sur la colline pour contempler la vallée du quotidien depuis le sommet.
A l’occasion de Noël et du début d’une année nouvelle, je voudrais accompagner mes frères chrétiens dans l’observation critique de la réalité dont nous faisons partie.
Ce qui caractérise le présent, en de nombreux endroits, c’est la violence. Attentats, agressions de toute sorte, menaces, mensonges répétés jusqu’à la nausée avec la prétention de les transformer en vérité, zizanie sèmée constamment afin que germe la haine, constituent une grande partie de l’image de l’humain en ces derniers jours de 2017.
Des peuples qui souffrent, des régimes dictatoriaux et des injustices sociales émergent au sein d’une humanité qui, d’autre part, paradoxalement, a su développer des technologies capables de diminuer la faim et d’autres plaies qui l’affligent.
Il y a une composante d’arrogance et de capacité de détruire chez l’être humain, qui l’emporte sur les nombreuses vertus qu’il possède cependant. La soif de pouvoir, d’acquérir des richesses incommensurables, de se sentir le centre et la fin ultime de l’univers, continuent à être les facteurs qui orientent le devenir humain dans une grande partie du monde.
Ces dernières décennies, ont surgi des mouvements de toute sorte qui prétendent être les interprètes authentiques de leurs religions, prêchant l’intolérance et, dans leurs expressions les plus radicales, ils vont jusqu’à tuer au nom de Dieu.
Le développement des capacités de dialogue continue à être un thème en suspens au sein de l’humanité. La parole sensée est la meilleure barrière contre la violence, quand celui que l’on a devant soi est disposé à écouter.
Mais des messages vides et souvent pleins de violence étourdissent ceux qui s’efforcent d’écouter la voix qui vient de leur conscience.
Face à cette réalité, que reste-t-il à la personne commune ? De s’agripper avec affection et responsabilité à ceux qui l’accompagnent sur le chemin de la vie. De s’engager avec les valeurs qui sont faites de justice, équité, miséricorde, et piété, et autant que possible, de les répandre. C’est le minimum que l’on puisse faire pour ne pas perdre la raison, dans la spirale démentielle qui donne l’impulsion à la vie postmoderne.
Comme à toutes les époques, celles qui ont été et celles qui seront, puisse la sensibilité humaine percevoir la voix de Dieu, ténue, parce que telle est la caractéristique de sa voix, selon le récit du Livre des Rois (19, 12), quand le Seigneur s’est révélé au prophète Elie. Au milieu de la cacophonie qui étourdit l’ouïe et les esprits, puisse cette voix ténue et silencieuse qui révèle à l’homme sa condition de grandeur être perçue.
© Traduction de ZENIT, Anita Bourdin