P. Cantalamessa : Jean-Baptiste révèle la présence cachée du Christ dans le monde

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Méditation de l’Evangile du dimanche 10 décembre

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ROME, Vendredi 8 décembre 2006 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile de ce dimanche proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Evangile de Jésus Christ selon saint Luc 3, 1-6

L’an quinze du règne de l’empereur Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode prince de Galilée, son frère Philippe prince du pays d’Iturée et de Traconitide, Lysanias prince d’Abilène, les grands prêtres étant Anne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, fils de Zacharie. Il parcourut toute la région du Jourdain ; il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés, comme il est écrit dans le livre du prophète Isaïe :
A travers le désert, une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route.
Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux deviendront droits, les routes déformées seront aplanies ; et tout homme verra le salut de Dieu.

© AELF

L’Evangile de ce dimanche est entièrement consacré à la figure de Jean-Baptiste. Dès le moment de sa naissance, son père Zacharie a vu en lui un prophète : « Et toi, petit enfant, on t’appellera prophète du Très-Haut, car tu marcheras devant le Seigneur pour lui préparer le chemin » (Lc 1, 76).

Qu’a fait le Précurseur pour être qualifié de prophète, et même « le plus grand des prophètes » (cf. Lc 7, 28) ? Tout d’abord, dans le sillage des prophètes antiques d’Israël, il a prêché contre l’oppression et l’injustice sociale. Dans l’Evangile de dimanche prochain nous entendrons : « ‘Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même !’ Des publicains (collecteurs d’impôts) vinrent aussi se faire baptiser et lui dirent : ‘Maître, que devons-nous faire ?’ Il leur répondit : ‘N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé’. A leur tour, des soldats lui demandaient : ‘Et nous, que devons-nous faire ?’ Il leur répondit : ‘Ne faites ni violence ni tort à personne’ » (cf. Lc 3, 11-14). Nous pourrions interpréter également aujourd’hui les paroles sur les montagnes à abaisser, les ravins à combler et les passages tortueux à redresser, de la manière suivante : « Toute différence sociale injuste entre les très riches (les montagnes) et les très pauvres (les ravins) doit être supprimée ou au moins réduite ; les chemins tortueux de la corruption et de la tromperie doivent être redressés ».

Jusque là nous reconnaissons facilement l’idée que nous avons aujourd’hui du prophète : une personne qui pousse au changement ; qui dénonce les déformations du système, qui montre du doigt le pouvoir sous toutes ses formes – religieux, économique, militaire – et ose crier à la face du tyran : « Tu n’as pas le droit… » (Mt 4, 14).

Mais Jean-Baptiste fait une deuxième chose : il révèle au peuple « qu’il est sauvé, que ses péchés sont pardonnés » (Lc 1, 77). Nous pourrions nous demander où est la prophétie dans ce cas. Les prophètes annonçaient un salut à venir ; mais Jean-Baptiste n’annonce pas un salut à venir ; il indique un salut présent. Il est celui qui montre du doigt une personne et crie : « Le voici ! » (cf. Jn 1, 29). « Celui que l’on attendait depuis des siècles et des siècles est ici, c’est lui ! » L’entendre parler de la sorte a dû, ce jour-là, donner des frissons aux personnes qui l’écoutaient !

Les prophètes traditionnels aidaient leurs contemporains à aller au-delà du mur du temps et voir dans l’avenir, mais lui aide à aller au-delà du mur, encore plus épais, des apparences contraires, et fait découvrir le Messie caché sous les traits d’un homme comme les autres. Jean-Baptiste inaugurait ainsi la nouvelle prophétie chrétienne, qui ne consiste pas à annoncer un salut à venir (« dans les derniers temps ») mais à révéler la présence cachée du Christ dans le monde.

Que signifie tout cela pour nous ? Que nous ne devons pas, nous non plus, séparer ces deux aspects du ministère prophétique : l’engagement pour la justice sociale d’une part, et l’annonce de l’Evangile de l’autre. Nous ne pouvons pas réduire cette tâche, ni dans un sens, ni dans l’autre. Une annonce du Christ, qui ne serait pas accompagnée de l’effort pour la promotion humaine, finirait pas être désincarnée et peu crédible ; un engagement pour la justice, privé de l’annonce de la foi et du contact régénérant avec la parole de Dieu, s’épuiserait rapidement ou finirait en une contestation stérile.

Ceci signifie également que l’annonce de l’Evangile et le combat pour la justice ne doivent pas demeurer deux choses juxtaposées, sans lien entre elles. C’est précisément l’Evangile du Christ qui nous incite à lutter pour le respect de l’homme afin de permettre que tout homme « voie le salut de Dieu ». Jean-Baptiste ne prêchait pas contre les abus en tant qu’agitateur social mais en tant que héraut de l’Evangile, pour « préparer au Seigneur un peuple capable de l’accueillir » (Lc 1, 17).

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ZENIT Staff

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