La tuberculose touche encore le quart de la population mondiale, déplore Mgr Gallagher, et elle concerne « de manière disproportionnée les pays en développement ». La lutte contre la maladie doit donc « s’inscrire dans le cadre d’une lutte plus vaste contre la pauvreté et les inégalités sociales ». Par conséquent, une « riposte mondiale efficace doit nécessairement inclure l’accès à des tests de diagnostic et à des traitements abordables ».
Mgr Paul Richard Gallagher, secrétaire d’État aux relations avec les États et chef de la délégation du Saint-Siège à la soixante-treizième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, est intervenu à la réunion de haut niveau intitulée « Unis pour mettre fin à la tuberculose: une réponse mondiale urgente à une épidémie mondiale », à New York, le 26 septembre 2018.
Le représentant du Saint-Siège a exprimé le souhait que cette réunion ne se limite pas « à équilibrer les intérêts divergents », mais qu’elle servira « véritablement les plus démunis ». Il a dénoncé les traités régionaux de libre-échange qui « ne devraient pas simplement chercher à protéger les pouvoirs conférés aux États par des accords multilatéraux, mais devraient aussi assurer l’accès aux soins de santé et aux traitements de base pour tous ».
Voici notre traduction de la déclaration de Mgr Gallagher.
HG
Déclaration de Mgr Paul Richard Gallagher
Madame la Présidente,
Le Saint-Siège est heureux de participer à cette première réunion de haut niveau sur la lutte contre la tuberculose.
Le thème « Unis pour mettre fin à la tuberculose : une réponse mondiale urgente à une épidémie mondiale » énonce les trois éléments les plus importants de cette réunion de haut niveau, à savoir la gravité du problème, l’urgence de le résoudre et l’unité nécessaire pour le combattre efficacement.
La bonne nouvelle est que la tuberculose est évitable et guérissable. La mauvaise nouvelle est qu’elle est encore si répandue qu’elle reste une urgence sanitaire mondiale. La tuberculose a longtemps accompagné le chemin de l’humanité, mais les progrès réalisés en matière de prévention et de traitement ces derniers temps ont amené de nombreux pays développés à croire que cette pathologie infectieuse était une chose du passé. En réalité, le quart de la population mondiale est encore infectée par la bactérie à l’origine de la maladie, et divers facteurs résistent désormais à plusieurs médicaments. La tuberculose continue donc de peser lourdement sur les victimes, leurs familles et le système de santé mondial.
Madame la Présidente,
La tuberculose reste, pour des raisons évidentes, fortement associée à la pauvreté et affecte de manière disproportionnée les pays en développement, où surviennent 99% des décès liés à la tuberculose. Les stratégies visant à mettre fin à la tuberculose doivent donc cibler les populations les plus démunies qui sont les plus exposées et traiter les déterminants les plus importants de cette maladie, tels qu’une mauvaise nutrition, des conditions de vie malsaines et le manque de soins de santé de base. Une riposte mondiale efficace doit nécessairement inclure l’accès à des tests de diagnostic et à des traitements abordables, en particulier dans les pays où la maladie est la plus répandue. Cela signifie que l’objectif de mettre fin à l’épidémie de tuberculose d’ici 2030 doit s’inscrire dans le cadre d’une lutte plus vaste contre la pauvreté et les inégalités sociales.
Dans certains lieux et certaines cultures, les personnes atteintes de tuberculose sont isolées et subissent une stigmatisation humiliante. La riposte mondiale doit donc inclure des interventions pratiques qui encouragent la proximité avec les malades, inspirée par la compassion et la solidarité véritables. En effet, la proximité avec les personnes atteintes de tuberculose devrait être considérée comme une référence importante dans toute réponse efficace à la tuberculose. L’exemple de tant de soignants, en particulier les membres féminins et âgés de la famille, montre à quel point la proximité des malades leur permet de retrouver leur dignité humaine et le sens de leur valeur. Une riposte mondiale à la tuberculose serait plus efficace et centrée sur la personne si elle intégrait des politiques et des services axés sur la famille. La famille est la mieux placée pour répondre aux diverses vulnérabilités rencontrées par le patient, en particulier lorsque celles-ci sont des enfants, des personnes âgées et des femmes.
De plus, la proximité des malades transforme les mentalités et les préjugés contre les personnes souffrant de tuberculose. Enseigner par l’exemple est le meilleur moyen de lutter contre les barrières socioculturelles à l’origine de l’isolement et de la stigmatisation des personnes atteintes de tuberculose et de modifier les perceptions sociales qui permettent aux autres de se détourner. Le pape François nous invite non seulement à voir mais à regarder; pas seulement à entendre mais à écouter; pas seulement à passer devant les gens mais à nous arrêter; pas seulement à dire « Quelle honte, pauvres gens !», mais à nous laisser émouvoir de compassion; « ensuite à nous approcher, à toucher et à dire : “ Ne pleure pas ” et à donner au moins une goutte de vie » (1).
Le Saint-Siège souhaite souligner le rôle décisif que joue la recherche dans toute riposte mondiale efficace à la tuberculose. La collaboration entre les secteurs public et privé doit être encouragée pour financer la poursuite de la recherche pharmaceutique pour un traitement plus efficace et abordable, et pour trouver de nouveaux médicaments contre la tuberculose multi-résistante, qui représente un tiers des décès dus à la résistance aux antimicrobiens. Étant donné le lourd fardeau supplémentaire que la tuberculose multi-résistante et la mortalité par tuberculose imposent aux systèmes de santé des pays pauvres et en développement, un partage mondial de la science et de la technologie du traitement pourrait aider à empêcher ces pays de sombrer davantage dans le sous-développement et la pauvreté.
À cet égard, ma délégation voudrait se faire l’écho des préoccupations exprimées par les groupes engagés dans des projets de développement et de soins de santé – y compris les organisations confessionnelles au service des pauvres et des exclus – en ce qui concerne les accords sur la propriété intellectuelle et l’accès aux médicaments et aux soins de santé essentiels. Les traités régionaux de libre-échange portant sur la protection de la propriété intellectuelle, en particulier dans les produits pharmaceutiques et les biotechnologies, ne devraient pas simplement chercher à protéger les pouvoirs conférés aux États par des accords multilatéraux, mais devraient aussi assurer l’accès aux soins de santé et aux traitements de base pour tous. L’interdépendance et l’intégration des économies ne devraient pas être réalisées au prix d’un affaiblissement des systèmes existants de soins de santé et de sécurité sociale; au lieu de cela, elles devraient promouvoir leur création et leur bon fonctionnement.
Madame la Présidente,
Ma délégation espère que les délibérations de cette réunion de haut niveau ne se limiteront pas à équilibrer les intérêts divergents, mais serviront véritablement les plus démunis. L’urgence d’une riposte mondiale à cette épidémie mondiale signifie que nous ne devons jamais cesser de rechercher le traitement le plus efficace et le plus abordable de la tuberculose et le meilleur moyen d’aider ceux qui en souffrent, ainsi que leur famille et leur communauté.
Merci, Madame la Présidente.
- Pape François, méditation du matin dans la chapelle de la Maison Sainte Marthe, le 13 septembre 2016.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat