« Aujourd’hui, on demande aux chrétiens une « martyria », un témoignage de communion », fait observer le patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée Ier, à l’occasion de la prière des chrétiens rassemblés pour supplier Dieu ensemble d’accorder au monde la paix, mardi 20 septembre 2016, en début d’après-midi, dans la basilique inférieure d’Assise.
Une communion les uns avec les autres et une communion avec Dieu lui-même par Jésus, a ajouté le patriarche « ‘A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres’ (Jn 13, 35). Quelle parole de paix pourra être offerte à l’autre, à celui qui est différent, lointain, à l’inconnu, à celui qui s’interpose entre nous, si une telle parole de paix n’est pas une véritable expérience de communion avec la Lumière Radieuse du matin ? »
Voici la traduction officielle de sa méditation publiée en différentes langues sur le site de Sant’Egidio.
AB
Méditation du patriarche oecuménique Bartholomée Ier
“Moi, Jésus, j’ai envoyé mon Ange publier chez vous ces révélations concernant les Églises. Je suis le rejeton de la race de David, l’Étoile radieuse du matin.
L’Esprit et l’Épouse disent : « Viens ! » Que celui qui entend dise : « Viens ! » Et que l’homme assoiffé s’approche, que l’homme de désir reçoive l’eau de la vie, gratuitement.
Je déclare, moi, à quiconque écoute les paroles prophétiques de ce livre : « Qui oserait y faire des surcharges, Dieu le chargera de tous les fléaux décrits dans ce livre !”
(Ap 22, 16-18)
Votre Sainteté,
Votre Grâce,
Eminences, Excellences,
Eminentes Autorités,
Frères et Sœurs bienaimés en Jésus-Christ,
Dans le passage que nous venons de lire, l’auteur du livre de l’Apocalypse invoque : « Viens, viens ! » et nous, en obéissant à cet ordre, nous sommes arrivés en cette ville sainte des différents coins du monde et nous nous retrouvons ensemble, comme chrétiens, en ce lieu sacré pour invoquer du Seigneur le plus grand de ses dons, la Paix, de Lui qui est le Roi de la Paix. Oui, car le Seigneur a témoigné par sa vie même l’amour incarné – la paix des hommes, l’amour intérieur – la paix de Dieu, l’amour de la Croix et de la Résurrection – la paix cosmique.
L’Alpha et l’Oméga, le Commencement et la Fin, par ces versets de la Révélation de St Jean, rappellent l’Eglise à sa grande responsabilité d’annonciatrice du Salut pour tout le monde et pour toute chose dans le monde, dans le présent, dimension prophétique et spatiotemporelle de la puissance de Dieu. Mais le salut n’a pas été annoncé comme un événement mais comme une personne à connaître, à vivre, dont faire expérience, à aimer. C’est de la race de David, en effet, qu’arrive l’ « étoile du matin », l’étoile radieuse, pleine de la lumière de l’Aurore, le Soleil de Justice, Christ notre Dieu. Ce qui est peut-être le plus ancien hymne trinitaire de l’Église Naissante chante : « Lumière joyeuse de la sainte gloire, du Père immortel, céleste, saint heureux, Christ Jésus ».
Le salut universel qu’en Jésus Dieu donne à l’humanité, et la défaite définitive du mal et de la mort, sont au cœur de cette annonce. L’attente messianique toute entière s’est accomplie en Jésus et a été témoignée à l’Église ; et nous devrons répondre de cette attente et ce commencement qui se sont accomplis, en être les témoins privilégiés, non pas dans l’attente d’une nouvelle parousie, mais aujourd’hui, dans le déjà et pas encore, dans le passé qui est présent et dans le présent qui est avenir. Aujourd’hui, on demande aux chrétiens une « martyria », un témoignage de communion : « A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn. 13, 35). Quelle parole de paix pourra être offerte à l’autre, à celui qui est différent, lointain, à l’inconnu, à celui qui s’interpose entre nous, si une telle parole de paix n’est pas une véritable expérience de communion avec la Lumière Radieuse du matin ? Comment offrirons-nous la paix, qui est amour, sans le véritable témoignage, qui est martyr ? Sans être des icônes vivantes de la communion trinitaire en Dieu et avec le prochain ?
Nous sommes donc assoiffés, nous avons soif, nous devons avoir soif, qui est symbole de notre besoin et de notre désir, nous devons être assoiffés de l’eau vive qui jaillit pour nous sans cesse. Et c’est ce fruit ultime et précieux de l’eau vive, manifestation de l’amour nuptial qui unit en Jésus Dieu et l’humanité entière. L’Épouse, qui dans son sens premier est figure de l’Église, est, justement pour cette raison, symbole, drame et espoir de l’expérience de l’humanité entière, appelée au salut par le sacrifice d’amour du Fils de Dieu qui est Fils de l’homme. Voilà pourquoi l’Esprit qui remplit et conduit l’Épouse dit à Jésus, en Elle et avec Elle : « Viens ! ». La foi, l’espoir et l’amour de la communauté des croyants, qui au nom de l’humanité entière invoque la venue et la présence de Jésus, se rassemblent en cette invocation.
Crions donc « Viens », Viens Eau-Vive, Viens Lumière Radieuse, Toi qui t’es as offert gratuitement pour nous, et nous, gratuitement, t’offrons au monde comme signe d’amour, te témoignons comme communion d’amour, te présentons comme […] geste suprême de paix. « Marana-Thà » – « Viens, Seigneur Jésus » est le témoignage le plus grand de chaque chrétien. Dans l’Église des premiers siècles, cette affirmation retentissait dans les catacombes, dans les lieux du martirium, elle était gravée sur les tombeaux des martyrs, retentissait à l’heure de la douleur et a continué à retentir tout le long de l’histoire du christianisme, et aujourd’hui plus que jamais retentit en trop d’endroits du monde, au Moyen Orient surtout.
Mais pour pouvoir crier nous aussi « Viens Seigneur Jésus » avec nos frères assoiffés de paix, nous devons, en tant qu’Églises, traverser une metànoia, une conversion intime, un changement radical de mentalité, un repentir profond, et être capables, comme chrétiens, d’opérer ce qu’en synthèse nous rappelle le Livre de l’Apocalypse : Écoute – Conversion – Témoignage prophétique.
Écoute : c’est-à-dire capacité d’entendre le cri de Dieu adressé à l’humanité, et entendre le cri de notre prochain. Mais pour écouter il nous faut d’apprendre à goûter le silence. Un silence de l’écoute qui nous doit imprégner, qui nous doit mettre en relation avec Dieu et avec les frères, qui nous délivre de toute chaîne, de tout piège, de toute inquiétude. Écouter ne signifie pas être des auditeurs lointains et détachés, mais des auditeurs engagés, intimes avec Dieu et avec le prochain ; cela implique d’avoir accepté la promesse du Christ, la vivre en union théandrique avec Lui à travers Son Corps et Son Sang. Cela implique une conversion, et il n’existe pas de conversion sans écoute.
Conversion : c’est-à-dire la capacité de conduire le cœur et l’esprit à changer de cap, à se diriger seulement sur « Celui qui est », O ΩN (o ōn), le Tout et le rien davantage. La metànoia, donc, comme passage obligé pour purifier la mémoire, pour vaincre le mal qui tourmente l’humanité, cette maladie spirituelle, sournoise, qui vise à éloigner le tout du tout, au lieu d’offrir l’action de grâce eucharistique : « Ce qui est à toi, le tenant de toi, nous te l’offrons en tout et pour tout » (Liturgie de Saint Jean Chrysostome). Et donc conversion pour témoigner que Jésus Christ est la plénitude de la révélation et que Dieu le Père a dit en Lui tout ce qu’il avait à dire à l’humanité en vue du salut.
Témoignage prophétique : Et nous nous trouvons ici tous ensemble pour offrir ce témoignage, et afin que le témoignage des chrétiens soit prophétique, il doit être une véritable koinonìa. Nous pouvons donc offrir de l’eau vive à ceux qui ont soif, une eau qui n’a pas de fin, une eau de paix [pour ? dans ?] un monde sans paix, une eau qui est prophétie ; et tout le monde entendra Jésus dire par trois fois : « Oui, je viens sans tarder ! ». Personne n’ajoutera ni retirera quoi que ce soit, et le Livre de Vie sera ouvert pour tout le monde. C’est à nous d’être des Témoins prophétiques de Sa Paix. Amen.
Méditation du patriarche Bartholomée, Assise, capture CTV
«On demande aux chrétiens un témoignage de communion», méditation du patriarche Bartholomée
Assise 2016: supplication des chrétiens ensemble pour le don de la paix