« Tout ce que les gens ont fabriqué avec la crèche, ont vécu, ont pensé, ont prié, ont transmis et tout cela vient jusqu’à nous », affirme le père Denis Dupont-Fauville, prêtre du diocèse de Paris, docteur en théologie, professeur au Collège des Bernardins, qui a travaillé à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi : « Cette très longue transmission nous rend toujours à nouveau contemporain du mystère ».
En ce 24 décembre, et dans le sillage de cette lettre apostolique du pape François « Admirable signum », «Signe admirable», publié le premier dimanche de l’Avent, le 1er décembre, le p. Dupont-Fauville parle de la signification de la crèche qu’ « on croit connaître alors que l’on ne connaît pas » dans une interview à Vatican News (Manuella Affejee) du 24 décembre 2019.
Dans sa lettre « Admirabile signum », le pape parle de « l’émerveillement » que suscite la crèche : « Il ne faut pas s’habituer au mystère, dit à son tour le p. Dupont-Fauville. Quand on est chrétien, on a tellement l’habitude de voir revenir tous les ans Noël, Pâques, la Trinité…En réalité, chacun de ces mystères, à commencer par Noël qui est le premier chronologiquement, est une merveille et devrait à chaque fois nous bouleverser. »
Le prêtre parisien souligne qu’il « faut …vraiment demander » une « grâce de s’ouvrir, au moins à une petite dimension de cet immense mystère » : « Quand on prend le temps de contempler chaque jour le mystère, estime-t-il, on accueille le monde auquel on est tellement habitué, notre monde, la vie de tous les jours, du bureau, de la maison …On reçoit une grâce : voir le monde du quotidien avec des yeux neufs. »
En poursuivant son explication, le p. Dupont-Fauville s’arrête sur le sens du terme « catholique » : « Catholique signifie littéralement « selon le tout », donc tout accueillir, dit-il. Sainte Thérèse (de l’Enfant-Jésus) disait ‘je choisis tout’…Dieu ne nous demande pas de trier, mais de recevoir tout ce qui est mis à notre disposition pour nous faire grandir et nous en réjouir avec Lui. C’est une attitude vraiment catholique, et la crèche nous en donne un exemple extraordinaire. »
La lettre « Admirabile signum »
Le pape François a voulu écrire cette lettre apostolique afin de rappeler « tout ce dont la crèche est porteuse », affirme le p. Dupont-Fauville : « Pourquoi maintenant ? Une des raisons c’est que l’on approche du 800e anniversaire de la crèche. C’est en 1223 que saint François a eu cette idée géniale. »
« L’aspect de la transmission », explique le prêtre, est une des choses sur lesquelles « insiste en filigrane » le pape « tout au long de la lettre ». « L’Évangile n’est pas une série de principes, rappelle le p. Dupont-Fauville, mais une histoire vraie dont il faut se faire contemporain. »
« Quand nous approchons de la crèche, nous héritons de 800 ans, même 2 000 ans d’histoire, poursuit-il. Nous sommes les héritiers d’une tradition. »
Un autre « élément » souligné par le pape, selon le prêtre, est le fait que « la crèche nous rapproche d’un mystère unique qui a eu lieu un jour, mais que nous pouvons actualiser en nous en approchant ». « Il y a beaucoup de manières de nous rendre contemporains de ce mystère », pense-t-il.
La crèche : plusieurs mystères de la vie du Christ
Dans sa lettre apostolique, le pape dit que la crèche rappelle plusieurs mystères de la vie du Christ. « Le premier mystère, explique le p. Dupont-Fauville, c’est que Jésus a vraiment existé. C’est une grande différence par rapport à beaucoup de religions… Les historiens non chrétiens nous le confirment : tout le monde savait dans l’Antiquité qui était cet homme un peu étrange, un peu hors norme. On a pu le voir, le toucher, l’écouter, le sentir. Il a commencé par être un petit enfant, il a donc été désarmé, sans défense. »
Ici il s’agit en fait de « deux premiers mystères » : « le Verbe s’est fait chair, Dieu s’est fait homme, il a été un homme tangible, visible, audible et puis il est venu sans défense, comme un petit enfant confié à sa mère et à son père ».
Un autre mystère, estime le prêtre, est que le Christ – « comme, par hasard » – est né « dans un endroit qui s’appelle Bethléem, c’est-à-dire la maison du pain » : « La première fois qu’on entend parler de Lui, c’est donc en référence au pain. »
De plus, « il choisit de naître dans une mangeoire, pour nous faire comprendre qu’il est le pain rompu et donne à manger dès sa naissance ».
D’autre part, poursuit le p. Dupont-Fauville, « Il est venu pour les humbles, pour ceux qui sont seuls, ceux qui ont froid ». « Il est aussi venu, et le pape insiste beaucoup là-dessus à la fin de la lettre, pour ceux qui sont très loin et dont on se dit qu’apparemment ils ont toutes les chances de passer à côté de ce mystère : ce sont les mages. »
L’histoire des mages donne de l’espérance à tous les gens, note le prêtre : « Venus de très loin, ils rencontrent et touchent ce mystère tellement petit, tellement incarné, tellement concret, à côté duquel il est tellement facile de passer. Eux qui sont venus de très loin arrivent droit dessus, ce qui doit nous donner de l’espérance à nous aussi. »
La crèche : « un signe de rassemblement »
Le p. Dupont-Fauville rappelle que la crèche est « d’abord un signe d’unité entre chrétiens qui doivent se réjouir de connaître le mystère de la crèche ».
Ensuite, la crèche « accueille » « les pauvres, ceux qui sont rejetés, ceux qui, apparemment, n’ont pas d’intérêt ». Il cite une « fameuse petite histoire » qui décrit le berger venu adorer le Divin Enfant : « Il accourt tellement vite, raconte le prêtre, qu’il arrive sans rien pendant que tous les autres ont apporté des cadeaux. Il se sent vraiment inutile. »
« Et puis, poursuit le p. Dupont-Fauville, la Vierge Marie est fatiguée, elle cherche du regard quelqu’un pour l’aider, mais ils ont tous des cadeaux dans les mains, sauf ce petit berger qui n’a rien. Alors elle lui donne l’enfant Jésus. »
Voici donc le sens de l’histoire : « Celui qui n’a rien, qui semble sans intérêt », il « est peut-être le plus important aux yeux de Dieu. »
La crèche, insiste le prêtre, « est aussi signe d’inclusion d’une autre manière, mais qui est peut-être moins irénique, moins facile à assumer ». Elle consiste à se demander : « avons-nous une chance, avec ce message de tendresse, de dénuement, de paix, d’ouverture, d’attirer vers la crèche ceux qui ont une défiance envers l’Église ou envers les chrétiens ? »
« Il faut prier pour ça, car il y a des gens qui s’opposent violemment à la crèche », affirme encore le p. Dupont-Fauville : « Il faut donc espérer » que la crèche « puisse être un signe de rassemblement au-delà des frontières de l’Église. »