« Il faut construire un avenir de paix et de justice, basé sur le respect des droits humains, affirme Mgr Alexander Pyone Cho, évêque de Pyay, diocèse de l’ouest du Myanmar. Mais il faut d’abord travailler au rétablissement de la sécurité pour tous. Cela est essentiel. »
Interrogé par L’Osservatore Romano, l’évêque tient à souligner que la question des Rohingyas est un « thème très sensible » et que « la situation est très critique ». « Il faut la résoudre au plus vite », déclare-t-il en commentant les affrontements entre l’armée et la minorité musulmane des Rohingyas qui ont déjà fait des centaines de morts au cours de dernières semaines.
« Il y a certainement une persécution des militaires contre les Rohingyas, affirme l’évêque. Cependant, il est également vrai que les groupes extrémistes musulmans continuent à attaquer, créant encore plus d’insécurité et de violence. » « Nous demandons humanité des deux côtés, aux militaires et aux guérilleros Rohingyas » déclare Mgr Alexander Pyone Cho.
L’Osservatore Romano souligne qu’entre ces deux feux, il reste le drame des quelque 300 000 civils Rohingya, principalement des enfants, ayant fui leurs camps dans le Rakhine vers le Bangladesh, qui les repousse en les déclarant « persona non grata ».
« Les Rohingyas sont regroupés dans l’État de Rakhine, explique l’évêque, où prévaut un problème général de sécurité qu’il faudrait résoudre. » « Ces personnes en fuite, poursuit-il, ont besoin d’assistance et d’aide, mais les canaux pour les atteindre sont bloqués. L’Église locale s’efforce d’apporter rapidement réconfort et assistance à toutes les populations discriminées, malgré les difficultés que pose cette situation. Mais bien entendu, nous avons besoin de plus de temps pour organiser les aides. »
La question des Rohingyas est liée à l’histoire du sud-est asiatique depuis avant même la domination coloniale britannique, explique L’Osservatore Romano. Les Rohingyas soutiennent en effet que leurs ancêtres habitaient la région du Rakhine déjà en 1400. Thèse contestée par le gouvernement du Myanmar qui n’utilise même pas le terme « Rohingya », préférant parler de « Bengalais de foi musulmane » et estimant qu’ils devraient être expulsés.
L’exclusion de cette minorité de la vie publique a créé au fil des ans des tensions : la majorité bouddhiste accuse les Rohingyas de vouloir la sécession et d’alimenter la criminalité et le terrorisme.
La conseillère d’État et ministre des Affaires étrangères, Aung San Suu Kyi (lauréate du prix Nobel de la paix en 1991 et secrétaire générale de la Ligue nationale pour la démocratie – un parti opposant à la dictature militaire – ndlr), accuse l’armée de l’Arakan pour le salut des Rohingya (Arsa), une formation extrémiste – selon les autorités militaires – née récemment et qui revendique des liens avec le groupe État islamique (daesh).
La guérilla Rohingya de l’Arsa, dont on ignore la réelle ampleur, combat avec des armes artisanales, des couteaux et des bombes, indique L’Osservatore Romano. Ces dernières semaines, celle-ci a fait des dizaines de morts parmi les soldats des troupes gouvernementales. Et ses rangs s’élargissent : les Rohingyas qui décident de ne pas fuir au Bangladesh et de participer à la lutte armée sont de plus en nombreux. « Beaucoup craignent donc maintenant que le Myanmar ne se transforme en un immense « trou noir » dans lequel la menace de Daech pourrait trouver son espace », souligne la même source.
Avec une traduction d’Océane Le Gall
Des Rohingyans déplacés WIKIMEDIA COMMONS - DFID - UK Department for International Development
Myanmar : "le rétablissement de la sécurité pour tous"
L’Osservatore Romano fait le point sur la situation