Peintures de Raphaël, Sixtine

Peintures de Raphaël, Sixtine

Musées du Vatican : la directrice décrit les initiatives pour les 500 ans de Raphaël

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À l’occasion des célébrations du cinquième centenaire de la mort de l’artiste Raphaël (Raffaello Sanzio, 1483 – 1520), les Musées du Vatican s’apprêtent à lancer diverses initiatives sous le titre « Divino Raffaello ». Barbara Jatta, directrice des Musées, les présente dans L’Osservatore Romano du 18 février 2020.

Chronique de Barbara Jatta

Les Musées du Vatican s’apprêtent à lancer de nombreuses initiatives pour célébrer le cinquième centenaire de la mort du divin Raffaello Sanzio d’Urbino (Raphaël, ndr). Cette « Année Sanzio » 2020 sera pour les Musées du pape une année d’expositions, de restauration, de projets de recherche, de livres et elle inclura, en outre, l’organisation d’un congrès international d’études ainsi que diverses autres initiatives. Pour comprendre pleinement Raphaël, il faut venir au Vatican, mais ce sera plus nécessaire encore en cette année que nous nous préparons à vivre.

Les Palais et les Musées du Vatican ont en effet le privilège d’être les dépositaires des plus importants cycles de peinture du grand artiste d’Urbino. Les Chambres de Jules II della Rovere, qui ont pris le nom de Raphaël en raison de la valeur des fresques (Chambre de l’Incendie, Chambre de la Signature, Chambre d’Héliodore et Chambre de Constantin), mais aussi les imposantes et incontournables toiles de la Pinacothèque vaticane. À travers ces oeuvres incroyables, il est possible d’avoir une synthèse efficace de ses différentes phases artistiques : le Retable Oddi de sa jeunesse, la délicate Vierge de Foligno, de sa maturité, et la révolutionnaire Transfiguration, dernière oeuvre de l’artiste. Et aussi la prédelle du Retable Baglioni représentant les vertus théologales – foi, espérance et charité – et encore les fresques du Palais liées au cardinal Bibbiena et les très célèbres Loges, destination et mythe de siècles de grands touristes.

On identifie toujours la Chapelle Sixtine à Michel-Ange et aux grands peintres « du quinzième siècle » qui en décorèrent les murs : Le Pérugin, Ghirlandaio, Botticelli, Signorelli… mais c’est à Raphaël que nous devons l’achèvement iconographique, théologique et catéchétique de ce lieu universel avec la réalisation des très précieuses tapisseries représentant les histoires de saint Pierre et saint Paul, patrons de la Ville éternelle.

Après l’exposition des Assiettes de Raphaël au Palais de Castel Gandolfo et du Retable des Décemvirs du Pérugin, à la Pinacothèque vaticane le 7 février dernier, dernier lancement des célébration de Raphaël, les Musées du Vatican ont pensé à un événement historique : la présentation extraordinaire des tapisseries de Raphaël dans la Chapelle Sixtine.

Ce sont des oeuvres désormais universelles, comme l’est aussi le contexte dans lequel elles furent commissionnées par un pape humaniste et amoureux des arts, le fils de Laurent Le Magnifique, le raffiné et esthète Jean de Médicis, Léon X, qui les voulut pour la « Cappella Magna » (la Grande Chapelle, i.e. la Chapelle Sixtine, ndr) des Palais du Vatican. Cette chapelle, déjà peinte par les grands du quinzième siècle, puis par le génie de Michel-Ange, fut complétée dans son rôle de « catéchèse visuelle » par ce cycle concernant l’apostolat des deux patrons de Rome : Pierre et Paul.

Au moment de son élection, le pape Médicis avait noté l’état avancé des démolitions de la vieille basilique Saint-Pierre, et il utilisa la Chapelle Sixtine pour ses célébrations. Son cérémoniaire Paris de Grassis, notait l’attention du pape pour la chapelle, notamment combien, dans cet espace plus petit, la dignité et la majesté pontificale resplendissait avec une plus grande évidence par rapport à la basilique Saint-Pierre (vere in Cappella illa refluxit omni modo maietstas papalis cum in Sancto Pietro).

À cette époque, la Chapelle Sixtine était le lieu représentatif de l’Église romaine et par conséquent, il eut la volonté d’y imprimer, après ses prédécesseurs Sixte IV et Jules II, la marque de son passage. Léon X le fit avec Raphaël, par des oeuvres d’art mobiles, des tapisseries qui, une fois la nouvelle basilique Saint-Pierre terminée, pouvaient aussi être utilisées autrement – comme elles le furent par la suite – et qui étaient à l’époque la meilleure expression du faste et de la richesse pontificale.

Les tapisseries flamandes étaient en effet considérée comme l’expression la plus raffinée parmi les collectionneurs des cours et des cardinaux de l’époque, mais également un moyen très efficace de célébration et de propagande. Cette importante commande du pape à Raphaël correspondait à un choix iconographique précis : les histoires de saint Pierre et de saint Paul, reliés dans le récit par la lapidation de saint Étienne qui en constitue une sorte de charnière. Les épisodes représentés peuvent être lus comme un récit continu qui se poursuit dans la succession des événements évangéliques et qui est en lien avec les représentations des fresques murales et du plafond, réalisant le récit grandiose sur l’histoire de l’humanité et de la Révélation.

Quelques mois avant la disparition prématurée et inattendue de l’artiste – le 26 décembre 1519, en la fête de saint Étienne – les sept premières tapisseries de la série furent exposées en présence de son illustre commanditaire. Le cérémoniaire de la Chapelle papale, Paris de Grassis, notait encore que, de l’avis de tous, on n’avait jamais rien vu de plus beau au monde, ut fuit universale juditium, sunt res qua non est aliquid in orbe nunc pulchrius.

L’intention des Musées du pape est de partager – cinq cents ans plus tard – la même Beauté en hommage au divin Raphaël. C’est le pape François lui-même qui nous l’a suggéré, le 9 janvier de cette année dans son discours adressé aux ambassadeurs accrédités auprès du Saint-Siège, dans lequel il a rappelé que « Raphaël a été un fils important d’une époque, la Renaissance, qui a enrichi l’humanité entière. Une époque qui ne fut pas sans difficultés, mais animée par la confiance et l’espérance ». Le pape exhortait également à faire redécouvrir, à travers cet artiste, l’esprit d’ouverture qui a caractérisé son époque et qui a fait la beauté de la péninsule italienne à travers son histoire, son art et sa culture.

Dans les prochaines semaines, deux volumes complets sur les tapisseries « Sixtine » de Raphaël seront également imprimés, racontant leur histoire, mais surtout rendant compte d’années de recherche, d’analyse et de nombreuses restaurations entreprises sur les célèbres « toiles ». Anna Maria De Strobel a travaillé pendant des décennies sur ce projet, qui se termine en cette année de jubilé. Dans ces volumes, il y a toute leur histoire et bien plus encore. La longue et fructueuse recherche documentaire a porté ses fruits avec les nombreux récits qui nous ont permis de connaître les confiscations et les mouvements, et, entre autres, leur vente aux enchères en 1798 pendant l’occupation française et la réacquisition sage et soudaine des tapisseries par le cardinal Consalvi en 1808. On y trouve beaucoup de techniques sophistiquées. De celle des dessins – dispersés dans les collections du monde entier – aux caricatures préparatoires, aujourd’hui conservées au Victoria and Albert Museum de Londres, en passant par l’art délicat du tissage, la Flandre et l’atelier florissant de Peter van Aelst. Vous pouvez ici en apprendre davantage sur le sort de ces merveilleuses tapisseries, dont la diffusion à grande échelle sous de nombreuses formes artistiques et littéraires dont elles étaient les protagonistes, témoigne de leur richesse critique et visuelle.

L’analyse de la technique d’exécution (fils et colorants), l’autopsie du dos des tapisseries et un compte rendu précis des restaurations complexes effectuées par le Laboratoire des tapisseries et tissus du musée, ainsi que les nombreuses investigations diagnostiques menées par notre département de recherche scientifique, ne pouvaient pas manquer.

Les tapisseries sont somptueusement exposées dans la Chapelle Sixtine et dans une semaine elles reviendront dans la salle VIII de la Pinacothèque du Vatican, une salle d’honneur dédiée à Raphaël et à ses œuvres, inaugurée en 1932 par Pie XI et depuis lors un lieu privilégié pour apprécier de façon sublime les œuvres du grand artiste d’Urbino. Dans la Chapelle Sixtine, on peut les admirer avec un nouvel éclairage, qui, grâce au partenariat avec la Direction des infrastructures et services Scv et la société Osram, permet de les apprécier dans le lieu pour lequel elles ont été conçues. Bientôt, la même lumière sophistiquée permettra de les apprécier en permanence dans la salle de la Pinacothèque dans une splendeur et un agencement renouvelés. Un travail long, méticuleux et délicat qui n’aurait guère été entrepris sans les techniciens hautement professionnels du Vatican et le soutien fondamental de nos mécènes dans les Musées du Vatican. Un événement exceptionnel qui a impliqué la direction et tous les bureaux et départements des Musées du Vatican et qui a été coordonné par le Département des Tapisseries et des Textiles, sous la direction professionnelle et enthousiaste d’Alessandra Rodolfo.

Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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