« On les a définis les martyrs de la terre, ils ont perdu la vie au nom de l’encyclique Laudato si’, assassinés. Ce sont les victimes d’une guerre silencieuse qui sévit dans divers coins du monde et qui a fait 197 victimes en 2017, selon Global Witness, l’ONG qui en trace chaque année le bilan tragique ».
Dans l’édition italienne de L’Osservatore Romano du 9 février 2018, Gaetano Vallini signe un article intitulé « 197 personnes engagées dans la défense de l’environnement ont été assassinées en 2017. Martyrs de la terre ». Il y dénonce la « guerre sanguinaire » et « ignorée » qui sévit contre ceux qui cherchent à protéger leur territoire d’une « exploitation sans discrimination ».
« Qu’il s’agisse de trafiquants, d’entreprises privées ou gouvernementales, les intérêts économiques ne semblent pas admettre d’obstacles, balayant quiconque s’y oppose », analyse l’auteur. « Des intérêts colossaux, souvent alimentés par la corruption, trouvent trop de complicités. Les assassins restent presque toujours impunis », poursuit-il avant de conclure : « Et ceux qui luttent en première ligne sont souvent seuls et sans défense ».
Voici notre traduction de l’article paru dans L’Osservatore Romano en italien.
HG
Martyrs de la terre, au nom de Laudato si’
On les a définis les martyrs de la terre, ils ont perdu la vie au nom de l’encyclique Laudato si’, assassinés. Ce sont les victimes d’une guerre silencieuse qui sévit dans divers coins du monde et qui a fait 197 victimes en 2017, selon Global Witness, l’ONG qui en trace chaque année le bilan tragique.
Une guerre sanguinaire, donc, et en plus ignorée – ceux qui sont tués sont presque toujours des paysans, des indigènes, de simples activistes qui s’opposent à l’exploitation sans discrimination du territoire – mais qui affleure de temps en temps quand quelqu’un de connu est frappé. Comme Esmond Bradley Martin, géographe américain de 76 ans, ancien envoyé spécial de l’ONU pour la protection des rhinocéros, qui vivait au Kenya depuis une trentaine d’années et avait plusieurs fois risqué sa vie aux mains des braconniers. Il a été assassiné ce dimanche dans sa maison de Nairobi. Cambriolage échoué, soutient la police, mais on en doute.
Le nom de Martin n’apparaît pas dans le dernier rapport rédigé par Global Witness en collaboration avec The Guardian. Nous le lirons probablement sur le prochain. Dans le passé, d’autres personnages connus y sont apparus. Comme Berta Cáceres, activiste hondurienne, lauréate en 2015 du prestigieux Prix Goldman Environmental, considéré comme le Nobel pour l’environnement. Le 28 octobre 2014, elle était au Vatican pour participer à la rencontre des mouvements populaires et à cette occasion, elle avait pu écouter les paroles du pape, ces trois « t » – tierra, techo y trabajo (terre, toit et travail) – qui confirmaient son engagement, ainsi que celui celui d’autres activistes, et qui anticipaient d’une certaine manière l’encyclique sur la protection de la création. Cáceres a été assassinée le 3 mars 2016.
Qu’il s’agisse de trafiquants, d’entreprises privées ou gouvernementales, les intérêts économiques ne semblent pas admettre d’obstacles, balayant quiconque s’y oppose. Global Witness parle de deux morts par semaine depuis 2002. Mais l’année dernière, la moyenne a doublé, comme en 2016 où l’on a atteint le tragique record de 200 victimes. Un véritable massacre qui touche surtout l’Amérique latine et en particulier la zone amazonienne, où les intérêts liés aux secteurs agricole et minier (60 pour cent des assassinats) sont plus forts. Les plus touchés sont les populations indigènes, auxquelles le pape a plusieurs fois, y compris lors de sa récente visite au Chili et au Pérou, reconnu un rôle fondamental dans la sauvegarde de l’environnement. Les derniers chiffres sont impressionnants : 46 morts au Brésil, 32 en Colombie, 15 au Mexique, mais aussi d’autres pays, comme le Guatemala, le Nicaragua, le Honduras et le Pérou, ont dû compter leurs victimes.
L’Asie et l’Afrique paient aussi un prix élevé. Par exemple aux Philippines, un des pays les plus dangereux pour les activistes, 41 personnes ont été tuées. En République démocratique du Congo, 13 homicides ont été notés ; dans ce cas, il s’agissait de gardiens des zones protégées.
Par ses rapports, Global Witness continue de garder les projecteurs braqués sur un phénomène dont la croissance est alarmante, mais difficile à combattre. Des intérêts colossaux, souvent alimentés par la corruption, trouvent trop de complicités. Les assassins restent presque toujours impunis. Et ceux qui luttent en première ligne sont souvent seuls et sans défense. « Tant que les agences, les investisseurs et les gouvernement n’incluront pas vraiment les communautés dans les décisions concernant l’usage de leur terre et des ressources naturelles, souligne Rachel Cox, de Global Witness, les personnes qui osent parler clairement continueront de subir violences et incarcérations et à perdre la vie ».
© L’Osservatore Romano du 9 février 2018
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat