Malawi : "J'ai la vocation d'être un pasteur"

Print Friendly, PDF & Email

Par Mgr Monfort Stima, évêque auxiliaire de Blantyre

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

ROME, lundi 13 février 2012 (ZENIT.org) – Pays du sud-est de l’Afrique, le Malawi est connu comme « le cœur chaleureux de l’Afrique » parce que l’hospitalité y est une tradition. Là-bas, 80% des habitants sont chrétiens, explique Mgr Stima. Dans ce pays largement agricole, les défis ne manquent pas : sécurité alimentaire, résurgence des religions populaires, migration vers les villes, divorces. Pourtant « si les chrétiens approfondissent leur foi, je crois que les réponses viendront d’elles-mêmes » affirme l’évêque malawite qui avoue avoir « une passion pour le travail pastoral ». 

L’archidiocèse de Blantyre est dans le sud du Malawi. Le diocèse s’étend d’est en ouest ; il est bordé, des deux côtés, par ses frontières avec le Mozambique.

Pour “Là où Dieu pleure”, en coopération avec l’Aide à l’Eglise en Détresse, Mark Riedemann a interviewé Mgr Monfort Stima, évêque auxiliaire de l’archidiocèse de Blantyre, au Malawi.

Mark Riedemann – Comment pourriez-vous décrire la répartition de la population au Malawi ?

Mgr Montfort Stima – Le Malawi est composé de villages isolés, souvent reliés uniquement par des routes de terre. Pendant la saison des pluies, il est très difficile d’atteindre les populations. La mobylette est parfois le seul moyen de transport possible pour rejoindre les habitants. J’ai eu une mobylette pendant huit ans, lorsque j’étais jeune prêtre, mais maintenant que je commence à vieillir, j’ai pu acheter une voiture que j’utilise sur ces routes de terre.

Vous vous appelez Montfort Stima. Pouvez-vous nous raconter l’histoire de votre prénom ?

Le nom de Montfort vient de Louis-Marie Grignion de Montfort, un prêtre français, qui a fondé la Congrégation des pères montfortains. Les pères montfortains furent les premiers à évangéliser notre diocèse. Le nom de Montfort est fréquemment porté dans les villages. Mes parents ont pensé que ce nom était bien pour moi.

Quelle est votre devise épiscopale et pourquoi l’avez-vous choisie ?

Ma devise épiscopale est « Feed my Sheep » (« Pais mes brebis »). Dans mon ministère de prêtre, j’avais une passion pour le travail pastoral. J’avais une vocation à être un pasteur et, juste après ma nomination comme évêque, je me suis dit : « Voilà ce que j’ai toujours fait et c’est ma passion. Quelle serait la meilleure devise ? Et aussitôt la parole « Feed my Sheep » m’est venue à l’esprit ».

La plupart des Malawites dépendent de l’agriculture et jusqu’à présent le Malawi lutte pour sa sécurité alimentaire. Pouvez-vous nous dire quelques mots de ce défi que représentent la pauvreté et la sécurité alimentaire ?

Le Malawi dépend de l’agriculture. Nous avons des ressources mais lorsque vous êtes dépendants de l’agriculture, vous dépendez aussi de Dieu et de la pluie qu’il vous accorde généreusement. Nous n’avons pas encore accès aux technologies d’irrigation. Il y a eu des années, bien sûr, où nous avons connu l’épreuve de la sécheresse. Le gouvernement actuel a travaillé dur pour trouver des alternatives et a encouragé la population à se lancer dans certains types de projets d’irrigation, mais pas encore suffisamment. Ce qui a aidé ces trois dernières années, et qui nous aide encore, ce sont les subsides pour des engrais que le gouvernement a accordés à certaines familles pauvres. Cela a été un grand soutien.

Un autre défi a un impact sur la politique agricole : c’est la croissance des centres urbains. Pourquoi les centres urbains se développent-ils si rapidement ? Quel est l’impact de ce développement sur les terres agricoles ?

Les gens qui n’ont pas été scolarisés, en particulier dans les villages, cherchent une vie meilleure dans les centres urbains. Cela contribue à cette expansion. C’est toutefois le devoir du gouvernement de réfléchir à un système qui permette aux habitants de rester dans leurs villages ; il faudrait créer un environnement avec, par exemple un marché pour la vente des produits locaux, où les villageois seraient en mesure de gagner leur vie.

Plus de 80% de la population du Malawi est chrétienne, et environ 5% appartient aux religions traditionnelles africaines. Qu’est-ce que l’on sait de cette religion traditionnelle africaine au Malawi ?

Ils croient en un Dieu, mais ils croient aussi dans des esprits : les esprits de leurs parents, de leurs ancêtres. Ces esprits sont des intercesseurs auprès du Dieu unique. La plupart des gens ont des autels où ils offrent des sacrifices. Presque tous les Malawites ont entendu parler du Dieu des chrétiens, sans compter les musulmans, mais il y a un petit nombre qui ne sont pas convertis au christianisme. Ils croient encore dans leur culte ancestral, ils s’appuient sur leurs dieux et leurs croyances. Si vous êtes païen et que vous voulez devenir chrétien, vous devez abandonner ce genre de vie, mais parfois on rencontre de bons chrétiens qui vont à l’église, qui prient et qui font peut-être partie des anciens, mais si quelque chose de mal leur arrive, ils pensent aussitôt que c’est quelqu’un qui le leur a causé. Et ils se précipitent dans leurs rites traditionnels pour essayer de savoir qui leur a fait ça. C’est une forme de syncrétisme. Il suffirait qu’ils aillent prier Dieu tout simplement.

Les catholiques représentent quatre millions sur les 13 millions de Malawites. L’Eglise catholique se développe. Combien de baptêmes avez-vous, par exemple, chaque année ?

Dans la plupart des paroisses que j’ai visitées, il y a plus de mille baptêmes par an. En comptant seulement les enfants. Pour les adultes, c’est probablement entre 200 et 300 – une fois qu’ils ont terminé le catéchuménat et qu’ils vont être baptisés. Quand j’étais vicaire général, j’aidais l’évêque pour les confirmations et il m’est arrivé de confirmer 1300 personnes en une journée. Cela fait un grand nombre de nouveaux chrétiens chaque année.  

Le Malawi a le taux de divorce le plus élevé de toute l’Afrique. Je crois qu’environ 1/3 de tous les Malawites sont divorcés. Pourquoi ?

Le problème, actuellement, c’est que nous n’avons pas de centre de recherche pour faire des études systématiques sur les causes du divorce. C’est donc juste une supposition, puisque vous me le demandez. En partant de ce que j’ai observé lorsque je travaillais en paroisse, je dirais qu’il y a un manque de préparation. Autrefois, quand nous avions des missionnaires, il y avait une très bonne préparation. Avant de se marier, les couples étaient formés et préparés à cet engagement pour la vie mais, aujourd’hui, les jeunes en particulier, se rencontrent à l’école ou ailleurs et ils décident de se marier sans aucune préparation. Alors que pouvons-nous en attendre ? C’est regrettable de voir qu’au Malawi, surtout dans les zones urbaines, les valeurs de la famille se sont dépréciées, mais dans les villages, la famille est encore très importante.

Excellence, nous avons abordé les questions liées à la terre, à la situation religieuse et à la croissance de l’Eglise catholique. De quoi avez-vous le plus besoin aujourd’hui, dans votre diocèse et pour l’Eglise catholique du Malawi ?

Ce dont nous avons le plus besoin, c’est de catéchiser la population, de leur faire approfondir leur foi. Je crois que c’est de cet enracinement de la foi que tout découleront les autres biens, qu’il s’agisse du développement, des problèmes personnels, de la question de la faim et de la sécurité alimentaire, tout. Si les chrétiens approfondissent leur foi, je crois que les réponses viendront d’
elles-mêmes.

Propos recueillis par Mark Riedemann

Traduction de Zenit par Hélène Ginabat

Share this Entry

ZENIT Staff

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel