Sœur Bernadette Moriaux a été guérie à Lourdes: c’est la 70e guérison officiellement reconnue. Avant et après sa guérison, elle a toujours été présente auprès des malades. Voici le récit de son expérience de Franciscaine oblate du Sacré-Cœur de Jésus – de Nantes – à la rencontre de saint François, du pape François et de Notre Dame de Lourdes.
Cet entretien a été accordé à Radio Espérance pour l’émission « Studio Romain », diffusée le 6 février 2019. Et il a été transcrit pour Zenit par Hugues de Warren. Nous le publions avec l’aimable autorisation de Radio Espérance.
Sœur Bernadette Moriau a raconté sa guérison dans son livre : « Ma vie est un miracle : ne jamais désespérer », aux éditions JC Lattès, avec Jean-Marie Guénois et Mgr Jacques Benoit-Gonnin.
AB
Sœur Bernadette -Tout d’abord je suis d’une famille ouvrière et je suis rentrée dans la congrégation des sœurs franciscaines oblates du Sacré-Cœur de Jésus, il y a 60 ans. Une congrégation franciscaine parce que déjà mes parents étaient du tiers ordre franciscain donc très jeune j’ai baigné dans cette spiritualité qui me correspondait très bien et je suis arrivée à Bresles dans cette petite fraternité avec trois sœurs en 2006. Une fraternité où, à la manière de François, on essaye de vivre en frères, d’avoir notre porte ouverte pour accueillir toute personne, pour accueillir les joies, pour accueillir les souffrances, pour accueillir les détresses. Dans une vie de prière, bien sûr, en fraternité en l’Eglise, l’office du temps présent, les temps d’oraison, les temps de lecture personnelle, les temps de louange et notre insertion dans la vie de l’Eglise, de la paroisse que ce soit à travers le Secours Catholique pour les unes, que ce soit pour moi dans l’accompagnement des grands malades, dans l’accompagnement des familles en deuil et de l’amitié qui peut naître avec les familles.
Comme François, nous tendons à être comme lui, petites dans une démarche de pauvreté et de simplicité de vie, de vivre une vie fraternelle en reconnaissant tout homme comme un frère, fils du même père. Notre fondatrice Mère Marie-Thérèse de la Croix, dont l’Ordre a été fondé en 1875 à La Gaubretière, en Vendée, est allée s’installer dans le diocèse de Nantes, à la demande de Monseigneur Le Coq où s’est instaurée la maison mère où toutes et chacune nous sommes passées. Là, notre fondatrice, marchant sur les pas de saint François, nous invite à accueillir la vie à pleins bras, à ne pas être figées mais à être disponibles et proches des misères les moins secourues de notre terre. Il est vrai que pendant un temps nous étions hospitalières avec les personnes âgées en clinique et maintenant cela a évolué si bien que c’est à travers un travail salarié mais les petites sœurs au Honduras, puisque nous avons une fondation au Honduras, elles s’occupent des plus pauvres, des malades, des petits enfants dans le centre de nutrition et puis la pastorale. Nous essayons de vivre ce charisme franciscain dans la louange et dans le respect de la création en préservant notre maison, la terre.
La plus grande partie de votre vie dans cette communauté, a été de porter aussi la Croix du Seigneur dans la maladie…
Oui, mais c’est vrai que j’avais fait mes études d’infirmière dans la congrégation après mon noviciat, pour être au service des malades ce qui était ma plus grande joie et j’exerçais pendant deux ans. J’ai commencé à avoir des problèmes de colonne vertébrale, après quatre interventions chirurgicales j’ai été mise en invalidité et j’ai été obligée d’arrêter ma profession très vite. J’ai eu mon diplôme en 1966, en 1965 et 1968, j’ai été opérée et je suis allée de l’autre côté de la barrière, du côté des malades plutôt que du côté des soignants. C’est une expérience que je ne regrette pas, parce que j’y ai vécu au milieu des malades que ce soit à l’hôpital ou en centre de rééducation, j’ai vécu avec les autres handicapés toute cette dimension de la prière de la fraternité. C’est vrai que quand on est handicapé on s’aide les uns les autres et que le handicap n’empêche pas d’avoir une fécondité de la vie.
Vous avez rencontré le pape François à Rome, pouvez-vous nous raconter quelques impressions de ce pèlerinage récent ?
Il se trouve qu’après la reconnaissance du miracle, j’ai été amenée à écrire un livre. Ce n’est pas de mon propre choix mais à la demande de l’Eglise. J’ai écrit ma vie est un miracle parce que en relisant mon histoire j’ai découvert tous ces signes de Dieu dans ma vie. En fait si je suis encore là c’est vraiment un miracle qui s’est terminé par celui de Lourdes, bien sûr. Ce livre a été traduit en Polonais d’abord et en Italien. Je me suis trouvée aller à Rome avec mon évêque et Jean-Marie Guénois qui a écrit le livre avec moi. Il est journaliste au Figaro, il s’occupe des questions religieuses, avec lui j’ai fait tout un bout de chemin pour lui faire partager mon itinéraire. A la demande de l’évêque j’ai donc continué à écrire ce livre après lui avoir soumis les deux premiers chapitres. A ma grande surprise, il se trouve que ce livre à un grand impact, il a été traduit aussi en Italien.
Donc je suis allée à Rome pour la sortie du livre et une conférence de presse. J’ai donc eu la joie de rencontrer le Pape François et de lui présenter ce livre écrit en Français et en Italien. Je me suis trouvée très impressionnée devant cet homme de Dieu que j’apprécie beaucoup, marqué par sa simplicité, son humilité. Je me sens très très proche de lui parce que tout en étant jésuite il est très franciscain. Ma supérieure générale qui venait d’être nommée, est venue avec moi et elle lui a présenté la vie de notre Mère fondatrice, elle lui a donné un tissus fait par les femmes lencas du Honduras, les plus pauvres et Notre Dame de Suyapa, c’est vrai que le Saint-Père nous a accueilli vraiment comme ses enfants et j’ai pu lui confier tous les malades les soignants et tout ce monde des pauvres, je l’ai remercié de nous rappeler toute cette manière de vivre de Saint François d’Assise parce que, tout jésuite qu’il est, pour moi, il a une spiritualité franciscaine très grande.
Je suis frappée qu’il aille au Maroc pour fêter le huit-centième anniversaire de la rencontre de François avec le sultan ou François finalement a été le frère et a accueilli le sultan comme un frère. Il n’a pas voulu le convertir mais ils ont vécu une rencontre de paix et d’accueil réciproque, ce qui est une grande leçon pour le monde d’aujourd’hui.
Vous avez participé à la messe matinale du pape François qui vous a reçue ensuite ?
J’ai eu la messe avec le Pape à Sainte-Marthe et nous l’avons vu après la messe. Cela n’a pas duré très longtemps puisque nous étions plusieurs et que c’est très chronométré, mais je pense que cela a été tellement intense, ce que j’ai vécu c’est très difficile à exprimer mais j’ai été très, très marquée, parce qu’en fait j’y allais en mon nom mais en même temps je portais avec moi tout le diocèse, toute la paroisse, tout ceux avec qui je travaillais en Eglise.
Il est très attentif aux réfugiés et aux pauvres. C’est vrai que nous franciscaines on essaye d’être très attentives aux plus pauvres à ceux qui souffrent, ne pas être en supériorité mais être frères.
Après votre rencontre avec saint François et la rencontre avec le pape François à Rome, que pouvez-vous nous dire de votre rencontre avec Marie à Lourdes?
Eh bien voilà, cela faisait quarante-deux ans que je souffrais de ma colonne vertébrale et je cheminais vers la paralysie. Il se trouve que j’étais à l’infirmerie à Nantes et la supérieure générale à l’époque m’a proposé de venir ici à Bresles, dans l’Oise, pour quatre mois pour assurer l’accueil à la Fraternité. Je pouvais encore faire cela même si je ne marchais plus des longues distances mais l’accueil je pouvais toujours le faire. Donc j’ai accepté de venir là et c’est là que le Seigneur m’attendait. J’étais donc suivie par le centre de la douleur à Nantes et ici j’étais suivie par un médecin traitant, le docteur Fumery qui est responsable de l’Hospitalité, qui accompagne les malades de l’Oise tous les ans à Lourdes et lui-même cela fait quarante ans qu’il participe au pèlerinage. Il a déjà participé avec ses parents, il était jeune brancardier ensuite en tant que médecin il continuait. Un jour il m’a dit « est-ce que vous ne viendriez pas à Lourdes avec nous ? ».
A l’époque j’étais sous morphine depuis quatorze ans donc je le voyais régulièrement. Je sais que je lui ai dit que je ne croyais plus au miracle pour moi, mais en même temps j’ai pris cette invitation comme un appel du Seigneur, un appel de la Vierge Marie à aller à sa rencontre en cette fête des 150 des apparitions de Marie à Bernadette. Du coup, cet appel a résonné en moi du mois de février au mois de juillet 2008, où je me suis mise en route avec les malades et je dis toujours que ce qui m’a marqué le plus déjà, en arrivant sur le quai de la gare, c’est cette fraternité universelle, et qu’il n’y a plus de différences entre les soignants les malades et les pèlerins, on ne voit plus un handicap, on marche ensemble comme frères et sœurs, dans la même direction pour aller prier Marie et rencontrer le Christ puisque Marie nous conduit toujours à Jésus.
A Lourdes j’ai participé au pèlerinage au travers des sacrements, le sacrement de la réconciliation, le sacrement des malades que j’ai reçu : j’ai demandé au Seigneur la force de poursuivre mon chemin de handicapée et de souffrance. Ensuite, je suis allé aux piscines où là j’ai demandé la conversion du cœur. Ce qui m’a marquée le plus c’est la procession du Saint Sacrement où, à la basilique Saint Pie X, après la procession et le temps de silence de l’adoration, l’évêque Mgr James est venu bénir les malades avec l’ostensoir et quand il est venu vers nous j’ai eu ces paroles dans mon cœur, Jésus me disant : « Je marche au milieu de vous, je vois ta souffrance, celle de tes frères et sœurs malades, donne-moi tout ». A ce moment-là, j’ai vraiment senti cette présence vivante du Christ et j’ai demandé la guérison pour les frères et sœurs malades qui étaient à côté de moi, particulièrement pour les plus jeunes.
Ensuite le pèlerinage s’est terminé et je suis rentrée comme j’étais partie, sinon plus fatiguée et plus douloureuse. Je me suis reposée pendant trois jours avec l’appareillage puisque j’avais le corset, j’avais une attelle à la jambe et au pied, j’avais le neuro-stimulateur qui marchait continuellement et je vivais avec des auto-sondages depuis dix ans.
Le troisième jour après mon retour de Lourdes, j’étais restée habitée par cette expérience que j’avais faite à Lourdes, je suis allée à l’adoration dans notre chapelle avec sœur Marie-Albertine. La petite chapelle Saint-Claude – que maintenant on va baptiser Notre-Dame de Lourdes parce que c’est la chapelle du miracle – et puis là, pendant l’adoration, c’était à la même heure que la procession du Saint-Sacrement à Lourdes. A 17h45 j’ai senti dans mon corps une grande détente et une chaleur qui m’a envahie mais je ne savais pas ce que cela voulait dire, alors j’ai terminé la prière et je suis revenue dans ma chambre. Là, j’ai perçu une voix qui m’a dit : « Enlève tes appareils ». Je n’ai pas raisonné et dans un acte de foi j’ai pensé à l’Evangile ou Jésus dit au paralytique : « Lève-toi, prends ton grabat et marche ». J’ai enlevé l’appareillage du pied et de la jambe et mon pied s’était redressé, je pouvais poser mon pied par terre. Et puis j’ai enlevé le corset, je n’avais plus de douleurs pour bouger. Je suis allée à la rencontre de notre sœur dans la salle de séjour devant la statue de la Vierge et je lui ai dit : « Je ne sais pas ce qui m’arrive ». Là, on a pris un temps de prière et on a pleuré, du coup j’ai continué la démarche, j’ai arrêté le neuro stimulateur, j’ai arrêté brutalement la morphine sans aucun syndrome de sevrage et je suis allée aux toilettes et je n’avais plus besoin de sonde et le lendemain j’ai marché cinq kilomètres dans la forêt. Là j’ai compris que j’étais guérie.
J’en ai eu la confirmation quand le 15 juillet je suis allée voir le médecin traitant, en larmes, et je lui ai dit : « Voilà, je ne sais pas ce qui m’arrive. » Il a été stupéfait et en même temps très heureux : il avait compris ce qui était arrivé.
C’est le même médecin qui vous avait invité à venir à Lourdes, le docteur Fumery ?
Oui, c’est lui. Il m’a fait un examen clinique et il m’a confirmé que de fait je n’avais plus rien.
Sœur Bernadette, un marathon vous attendait jusqu’à la reconnaissance du « miracle »…
C’est-à-dire qu’il a fallu prouver que cette guérison était miraculeuse. J’ai d’abord rencontré l’évêque, notre évêque, et je lui ai raconté ce qui m’était arrivé. Le médecin traitant m’avait déjà proposé de faire un dossier pour le déposer au bureau des constatations médicales de Lourdes et quand j’ai rencontré l’évêque il m’a confirmé que je devais le faire pour pouvoir peut-être témoigner un jour. Je dis bien « peut-être », ce n’est pas acquis pour autant.
En 2009, j’ai eu une première réunion au bureau médical avec tous les médecins et les soignants qui étaient présents dans Lourdes, ou on a présenté mon dossier que j’avais rassemblé pendant les mois précédents, parce qu’il faut fournir toutes les pièces en notre possession : les compte-rendu des hôpitaux, les comptes rendus des médecins, les examens etc. Donc il faut tout fournir, il faut retracer toute son histoire, avec toutes les dates, de ce que vous avez pu vivre. Le docteur De Franciscis qui venait d’arriver au bureau médical, venait de remplacer le docteur Tellier à Lourdes.
Un Italien je crois…
Oui, c’est un Italien. Il a fait voter à la fin de l’assemblée et il a décrété que ce dossier resterait ouvert, parce qu’il arrive qu’il y ait une première réunion comme celle-là et que le dossier ne soit pas gardé. Là, il a gardé le dossier et après on m’a demandé de faire des expertises. J’ai passé deux expertises psychiatriques à Paris, j’ai refait des examens, scanner, j’ai vu un spécialiste rhumatologue, après j’ai vu un neurologue, bref toute la panoplie. Cela a duré huit ans, tous les ans : quand j’allais à Lourdes, je passais au bureau médical. Il y a eu trois fois, trois grandes réunions avec tous les soignants et à chaque fois je recommençais mon histoire et ensuite, il y avait un vote. C’est vrai que souvent ils étaient nombreux mais il y avait très peu d’abstentions, très peu de « non ».
En général les médecins reconnaissaient que pour eux c’était « inexpliqué ». En fait, cela n’a été confirmé par le bureau médical international de Lourdes que le 16 novembre 2016. Là, le comité médical international a voté en présence de l’évêque de Lourdes que c’était une guérison inexpliquée dans l’état actuel des connaissances scientifiques. Parce qu’il y a des critères, il faut qu’il y ait impossibilité de guérir, il faut que ce soit grave, il faut que ce soit brutal, que ce soit dans la durée et qu’on puisse avoir les examens avant et après pour comparer. Donc j’ai refait l’électromyogramme, j’ai refait encore le scanner, et donc ils ont voté par 27 « oui » et il y avait juste un « non », donc plus que la majorité.
C’est l’évêque de Lourdes qui a transféré le dossier à l’évêque de Beauvais qui est actuellement Mgr Jacques Benoit-Gonnin et lui, il a été amené avec ce dossier à re-convoquer une commission canonique faite de médecins, de théologiens, de prêtres, non pour remettre en cause ce que les médecins avaient voté, mais pour se faire expliquer lui-même ce dossier et voir aussi comment je vivais pour Dieu cette grâce depuis dix ans. Lui seul pouvait prendre la décision de reconnaître pour l’Eglise que c’était un miracle. C’est comme cela que le 11 février 2018, a été proclamé à Lourdes cette guérison reconnue « miraculeuse » par l’Eglise.
Là, on fait un changement dit « radical », parce que guérie personne ne le savait ou très peu, dans ma communauté bien sûr on le savait, mais d’abord on ne savait pas si cela allait durer et moi j’ai repris une vie active dès que j’ai pu. Je vivais avec cette grâce dans mon cœur, on m’avait demandé le silence, donc j’ai respecté ce silence et j’ai vécu à plein, j’ai donné ma vie aux malades, dans l’accompagnement des grands malades, au niveau de la paroisse, de la congrégation et de la Fraternité, avec cette grâce au cœur mais sans en faire état et éclat disons. Du fait que cela a été reconnu par l’Eglise, alors là, il est vrai que tout a changé parce que j’ai affronté le passage d’une vie cachée à une vie publique. C’est un pas à faire, et ce n’est pas forcément évident, je l’ai accueilli comme une mission de l’Eglise parce que j’ai conscience que ce don m’a été fait, oui, mais en même temps c’est un don qui est fait à l’Eglise pour éveiller notre foi.
Sœur Bernadette, Mgr Benoit-Gonnin vous a demandé comment vous avez reçu cette grâce : comment en vivez-vous et comment vivez-vous vos retours à Lourdes ?
A chaque fois que je retourne à Lourdes, c’est toujours une grande émotion parce que forcément c’est un peu ma deuxième terre, je dirais, et que quand je retourne à Lourdes en pèlerinage je vais avec les malades et je les accompagne avec l’Hospitalité. Je me suis engagée dans l’Hospitalité de l’Oise à Lourdes, pour le soin des malades, au mois de juillet. Cette année, j’y suis retournée sept fois, alors ce n’est plus uniquement pour les malades, mais pour témoigner, témoigner dans les groupes de jeunes, témoigner auprès des malades, des soignants, des pèlerins.
Témoigner auprès des jeunes c’est important ?
Oui, oui, c’est très important parce que je crois que les jeunes ont beaucoup de questions et ils ont besoin de témoins aujourd’hui. Il se trouve que j’étais à Lille avant-hier soir avec cinq cents jeunes étudiants, c’était vraiment un temps extraordinaire. Bon, il est vrai que j’ai un peu mon tempérament, j’ai ma nature et que moi je ne me complique pas, je raconte tel que c’était et en même temps parfois avec un brin d’humour. Je ne me suis pas prise au sérieux, je reste qui je suis tout simplement parce qu’en fait je ne peux pas m’enorgueillir parce que ce don je l’ai entièrement reçu de Dieu et je n’ai qu’à le redonner comme le Seigneur m’a demandé de tout donner. J’ai déjà tout donné dans mon engagement dans la vie consacrée et je continue à donner aujourd’hui d’une autre manière. Je sens que les jeunes aujourd’hui ont besoin de témoins.
Sœur Bernadette vous avez dit un jour « avec les malades, il ne faut pas de baratin ». Que peut-on dire à un malade selon votre expérience, pour l’aider, le soutenir dans son chemin de malade ?
Je pense que la première aide c’est d’abord d’être là, d’être là dans notre présence d’amitié, être là pour tenir la main, être là avec la prière avec notre cœur parce qu’on ne peut pas toujours dire au malade : « Je prie pour toi », ou : « Tu sais, tu communies à la passion du Christ ». C’est tout un chemin à parcourir avec le malade pour en arriver peut-être un jour à lui dire : « Voilà, le Seigneur t’a choisi, tu communies à sa souffrance et ta vie est aussi féconde que la mienne et peut-être plus parce que tu as une mission dans l’Eglise que tu n’as pas choisie, que le Seigneur te demande ».
En même temps je pense que cela passe beaucoup par l’attitude par les gestes par la compassion, par la présence et par la prière intérieure. C’est pour cela que je dis, moi je ne fais pas de discours aux malades, en fait on est souvent désarmé devant le malade. On a simplement à être là pour l’écouter, lui. C’est ce que je dis aux médecins. Un jeune médecin m’a posé la question avant-hier, j’ai répondu : « Voilà la plus grande aide que vous pouvez avoir, vous les médecins, il y a la technique, c’est vrai pour diagnostiquer mais d’abord c’est l’écoute du malade, il a quelque chose à vous dire ».
Le 11 février c’est aussi un moment où l’on propose le sacrement des malades aux souffrants. Comment peut-on leur proposer ce sacrement, les accompagner à ce sacrement ?
Les accompagner à ce sacrement et le leur proposer, c’est leur proposer ce qui peut les aider, les aider à vivre leur chemin de souffrance. Mais parfois le sacrement des malades peut être aussi un sacrement de guérison. Ma Maman a été guérie après avoir reçu le sacrement des malades alors qu’elle faisait une fièvre puerpérale et à l’époque cela ne se guérissait pas. C’est un sacrement qui nous donne l’Esprit Saint, nous donne la force et quand on reçoit le sacrement des malades on prie pour la guérison du malade. En fait le Seigneur seul est le maître de la vie, mais je sais que les malades qui le reçoivent en reçoivent toujours une force, une grâce. Les malades que j’ai accompagnés en fin de vie, quand ils sont revenus de Lourdes, ils étaient plus forts et ils ont terminé leur route dans une grande paix, grâce à la grâce de Lourdes. Il y a eu le sacrement des malades, il y a eu les piscines, il y a eu la prière et la vie fraternelle, il a eu l’eucharistie. Et souvent, des malades qui ne pratiquaient pas tous les dimanches en reviennent tout autres, avec une force qu’on ne peut pas expliquer, mais que moi j’ai pu vivre avec eux jusqu’au bout et avec leurs familles. A partir de là, ils font un grand chemin dans la découverte du Christ.
Sœur Bernadette Moriau, est-ce-que je peux vous demander pour terminer, une parole de l’Evangile qui vous habite?
« Rien n’est impossible à Dieu », c’est une parole de l’ange à Marie à l’Annonciation, quand elle a demandé : « comment cela se fera-t-il ? ». L’ange lui a répondu : « Rien n’est impossible à Dieu ». Et ensuite : « le Seigneur fit pour moi des merveilles ». Je reprends souvent le Magnificat de la Vierge. Et : « Ce que vous ferez au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le ferez ». Je crois que c’est une parole d’Evangile qui est très forte. L’Evangile ce n’est pas il y a deux mille ans, l’Evangile c’est toujours aujourd’hui, Jésus peut toujours guérir aujourd’hui.
© Transcription de Zenit, Hugues de Warren
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