Le pèlerinage, la gratitude et la prière de Benoît XVI s’expriment dans une lettre à la rédaction du quotidien italien “Corriere della Sera”, publiée ce 7 février 2018.
L’adresse est la sienne: Monastero Mater Ecclesiae, V-120 Città del Vaticano. C’est le monastère du Vatican où le pape émérite Benoît XVI s’est retiré en 2013, entouré de son secrétaire, Mgr Georg Gänswein, de quatre consacrées, “Memores Domini”, de Communion et Libération, et assisté de sa secrétaire, Birgit Wansing, laïque consacrée du Mouvement de Schönstatt.
La signature est de sa main: Benoît XVI. La lettre est dactylographiée. Elle est adressée au journaliste italien du Corriere, Massimo Franco. Elle est arrivée au siège du journal, à Rome, mardi 6 février, au matin, avec l’inscription “urgent à la main”.
On connaît la grande sensibilité de Benoît XVI, musicien, ami de la Création et des animaux, sa grande délicatesse de coeur, sa stature de théologien – un “docteur de l’Eglise” déjà pour certains – et sa carrure spirituelle. Trop occupés à des comparaisons avec son prédécesseur, on n’a pas encore mesuré combien son pontificat a consolidé les bases de celui de son successeur, à sa façon, discrète et décidée, non sans des analogies avec Thérèse de Lisieux dont il a tellement soutenu le « doctorat », et sa « petite voie ». D’autres diraient, en référence au saint patron de l’Europe, moine et fondateur, dont il porte le nom: un travail de « bénédictin ». L’un et l’autre, probablement.
Il dit d’emblée son émotion: “Cela m’a ému que tant de lecteurs de votre journal désirent savoir comme je passe cette dernière période de ma vie.”
Et, au moment où le pape François ne cesse d’inviter à bouger, il dit son chemin: il marche vers, mot à mot, “à la Maison”. Un chemin de retour. Il parle de “pèlerinage” intérieur, alors que ses forces pour marcher physiquement déclinent: “A ce propos, je peux dire que, dans le lent déclin des forces physiques, intérieurement, je suis en pèlerinage vers la Maison. ”
Il perçoit l’amour qu’on lui porte. Ne reçoit-il pas de nombreuses visites, et un courrier abondant, au coeur de sa vie de moine faite de prière et d’étude? Il parle de “grande grâce” – inimaginable – sur ce chemin: “C’est une grande grâce pour moi d’être entouré, sur ce dernier bout de route, parfois un peu fatigant, d’un amour et d’une bonté que je n’aurais jamais pu imaginer. ”
Il y a cinq ans, le 27 février 2013, il affirmait qu’il continuerait “d’accompagner le chemin de l’Eglise par la prière et par la réflexion” et voilà qu’il se surprend à être lui-même accompagné: “Je considère aussi la demande de vos lecteurs comme un accompagnement pour une étape.”
Il avait remercié déjà, en 2013, les francophones, dans son français impeccable: “Je vous salue cordialement chers pèlerins de langue française, en particulier les personnes venant de France, de Belgique et des pays francophones qui ont voulu m’accompagner en étant présentes ici ou par la radio et la télévision. ”
Enfin, il dit sa gratitude et sa prière: “C’est pourquoi je ne peux que remercier, en vous assurant tous, de mon côté, de ma prière.”
Une lettre qui prend toute sa signification alors que, dimanche prochain, 11 février, ce sera le cinquième anniversaire de l’annonce d’une décision révolutionnaire: le pape Ratzinger se retirait après huit ans de pontificat, instituant pour la première fois la retraite des papes.
Au dernier jour de son pontificat, le 28 février 2013, alors que les cardinaux allaient entrer en conclave, il avait fait cette déclaration également inédite, gage de sérénité: “Parmi vous, dans le Collège cardinalice, il y a aussi le futur Pape auquel déjà aujourd’hui je promets ma révérence et mon obéissance inconditionnelles. ”
Le 13 mars suivant, le collège des cardinaux réuni en conclave élisait comme Successeur de Pierre le cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio, qui a choisi le nom de François. Il était élu à 76 ans : il en a aujourd’hui 81. Benoît XVI avait été élu à 78 ans et s’est retiré à 85 ans : il en aura 91 le 16 avril prochain. Sa dernière apparition « publique » date de la célébration du 65e anniversaire de son ordination sacerdotale, le 28 juin 2016. Et récemment, le 28 octobre 2017, le directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, Greg Burke a publié sur son compte twitter un photo du pape émérite entouré de deux religieuses qu’il tient par la main pour la photo, selon son geste affectueux, démentant des « fake news » sur son état de santé. Ses visiteurs notent combien il est présent et garde une excellente mémoire.
Enfin, comme dans un premier testament spirituel, Benoît XVI avait surtout invité à la confiance dans le Christ, lors de la dernière audience générale de son pontificat, le 27 février 2013: “En cette Année de la foi, je vous invite à renouveler votre ferme confiance dans le Seigneur et à vous sentir aimés de Dieu qui nous a montré son amour infini. Il guide et soutient toujours son Église. Ne perdons jamais de vue cette vision de foi ! Que votre cœur soit rempli de la joyeuse certitude que le Seigneur est proche de nous et qu’il nous accompagne de son amour ! ”
Lui même venait de poser un puissant acte de foi qui instituait pour les papes une nouvelle façon de vivre à la suite du Christ dans un âge avancé, au moment où les forces déclinent, comme il le disait déjà alors : “Ces derniers mois, j’ai senti que mes forces avaient diminué et j’ai demandé à Dieu de m’éclairer pour prendre la juste décision pour le bien de l’Église. Je vous remercie pour le respect et la compréhension avec lesquels vous l’avez accueillie.”
Il invitait à prier pour lui-même, pour les cardinaux électeurs et pour son futur successeur: “Je vous demande de vous souvenir de moi devant Dieu et de prier pour les Cardinaux appelés à élire un nouveau Successeur de l’Apôtre Pierre. Priez aussi pour que le Seigneur l’accompagne de la lumière et de la force de son Esprit ! Que Dieu vous bénisse ! Merci.”
Voici notre traduction, rapide, de travail, de la lettre du pape émérite Benoît XVI au Corriere della Sera.
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Direction
Cher Docteur Franco,
Cela m’a ému que tant de lecteurs de votre journal désirent savoir comme je passe cette dernière période de ma vie.
A ce propos, je peux dire que, dans le lent déclin des forces physiques, intérieurement, je suis en pèlerinage vers la Maison.
C’est une grande grâce pour moi d’être entouré, sur ce dernier bout de route, parfois un peu fatigant, d’un amour et d’une bonté que je n’aurais jamais pu imaginer.
Dans ce sens, je considère aussi la demande de vos lecteurs comme un accompagnement pour une étape.
C’est pourquoi je ne peux que remercier, en vous assurant tous, de mon côté de ma prière.
Salutations cordiales.
Benoît XVI
Traduction de ZENIT, Anita Bourdin
Le pape émérite Benoît XVI et le pape François 28/06/2016 © L'Osservatore Romano
Le pèlerinage, la gratitude et la prière de Benoît XVI
Lettre dactylographiée à un quotidien italien