« Le chemin qui conduit à la Vie »: c’est le thème de ce commentaire des lectures de la messe de dimanche prochain, 14 mai 2017, proposé par Mgr Francesco Follo (Vème Dimanche de Pâques – Année A – 14 mai 2017, Ac 6,1-7; Ps 32; 1 P 2,4-9; Jn 14,1-12).
« C’est pourquoi à la question: Où est notre demeure ? La réponse est : notre demeure est dans le cœur du Père », explique Mgr Follo.
Comme lecture patristique, l’Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO à Paris propose un electure de saint Augustin d’Hippone, et il ajoute: « avec le souhait de comprendre que la Vie vers le Père est se laisser guider par le Christ, par sa parole de Vérité, et d’accueillir le don de sa Vie ».
Le chemin qui conduit à la Vie
1) On demeure là où l’on est aimé.
L’évangile de ce cinquième dimanche de Pâques commence par l’invitation de Jésus à ne pas se laisser prendre par la peur: « Que votre cœur ne soit pas bouleversé » (Jn 14,1). Aux disciples troublés par le fait qu’ils vont assister à sa passion et sa mort, le Christ leur dit de ne pas avoir peur et d’avoir foi en Dieu et en Lui. En étant avec eux (et avec nous), il a montré le Père et a ouvert le chemin vers la maison paternelle. En s’en allant de cette façon, il nous donne la force de le suivre. Qui croit en lui, trouve le chemin du retour : participe à sa vie de Fils et connaît la vérité de Dieu comme Père. Face à la peur de la souffrance et de la mort, de l’incertitude et du futur, le Rédempteur Messie répond qu’il n’y a qu’une façon pour vaincre cette peur: avoir foi en Dieu et foi en Lui. Et il a raison: Dieu seul est le roc. Les autres certitudes déçoivent. L’amour de Dieu est fidèle et ne nous abandonne jamais : cette grande certitude apaise le croyant.
Accueillir l’invitation: « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi » (Jn 14,1), n’est pas une adhésion abstraite à un message mais une adhésion amoureuse et confiante à une personne, le Christ, à le suivre quotidiennement, dans les petits gestes quotidiens de notre journée.
Cette confiance amoureuse permet de les faire entrer dans notre cœur et nous comprenons les paroles que Jésus prononce aux versets suivants: « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : “Je pars vous préparer une place” ? Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi. » (Jn 14, 2-3). Que veulent dire ces paroles ? Elles veulent dire que la vraie question n’est pas où est la demeure du Père, mais qui est la demeure du Père ? Le Fils, son corps.
C’est pourquoi à la question: où habite le Père et où habite le Fils ? Jésus répond: « Je suis dans le Père, et le Père est en moi » (Jn 14, 11), car une personne demeure là où elle est aimée. Le Père demeure pleinement dans le Fils qui l’accueille, comme le Fils demeure pleinement dans le Père. Et dans cette maison du Père il y a de la place pour beaucoup de gens, il y a de nombreuses demeures. Combien de demeures y-a-t-il dans la maison du Père ? Autant qu’Il a d’enfants, car s’il n’y avait pas une place pour chacun de nous il ne serait pas ce Père que l’on dit juste et miséricordieux.
C’est pourquoi à la question: Où est notre demeure ? La réponse est : notre demeure est dans le cœur du Père.
Mais cette réponse soulève une autre question: Dans quel sens le Christ, notre Frère, nous prépare une place dans « notre » maison ? Il nous la prépare en ce sens qu’il nous la fait connaître, parce que nous ignorions que nous étions des enfants dans le Fils. Donc Jésus nous révèle que nous sommes les enfants du Père et que nous avons donc une place en Lui. Et puis non seulement il nous le révèle, mais il nous donne son amour en nous pardonnant et en se faisant nourriture pour nous, de manière à ce que par cet amour nous demeurions dans le Père et le Père en nous.
2) Le chemin vers la demeure de la vraie vie.
Déjà dans l’Ancien Testament le croyant priait: « J’ai demandé une chose au Seigneur, la seule que je cherche : habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, pour admirer le Seigneur dans sa beauté et m’attacher à son temple » (Ps 26/27, 4). Mais il faut dire que cette demande de bonheur et d’amour vrai, donc d’un saint amour, est dans le cœur de tout être humain, en tout lieu et de tout temps. A l’homme qui cherche le sens de la vie, d’une vie qui dure et qui demeure dans l’amour du Christ, Jésus Christ dit: « Je suis le chemin ». A ce propos Saint Augustin commente: « Avant de te dire « pour où », il a commencé par te dire « par où ». Moi, je suis le Chemin. Le Chemin pour où ? – La Vérité et la Vie. Il t’a dit d’abord par où aller, il t’a dit ensuite où aller. Moi, je suis le Chemin, moi, je suis la Vérité, moi, je suis la Vie. Lui qui demeure auprès du Père, il est la Vérité et la Vie ; en revêtant notre chair, il est devenu le Chemin. ».
Jésus est le chemin qui amène à la vie, ou plutôt Lui-même est la vie. Il est la vie avant tout: on dit en effet « en lui est la vie », et parce qu’il était la vérité, parce qu’il « était la lumière des hommes » (Jn 1, 4). Et la lumière c’est la vérité. Donc si tu cherches par où passer, accueillons le Christ parce qu’Il est la vie: « Voici le chemin, prends-le ! » (Is 30, 21).
Lui est le chemin pour arriver à la connaissance de la vérité, je dirais même qu’il est la vérité ; Guide-moi, Seigneur, sur ton chemin et je marcherai suivant ta vérité (cf. Ps 85, 11). De même qu’il est le chemin pour arriver à la vie, ou plutôt la vie elle-même : « Tu m’as appris le chemin de la vie » (Ps 15, 11 vulgate).
Ce chemin est la chemin de l’amour accompli, le chemin du lavement des pieds, de la bouchée donnée à Judas, du don et du pardon, le chemin de la croix, le chemin qui nous ramène à la maison du Père, le seul chemin, celui de l’amour qui nous fait être avec lui et comme Lui, qui nous aime.
Pour prendre le Chemin de la Vérité et de la Vie, accueillons sérieusement l’invitation de saint Paul quand il écrit: « Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus » (Phil 2,5), qui « ne se dépouilla d’aucune partie constitutive de sa nature divine, et malgré cela me sauva comme un guérisseur qui se penche sur les plaies infectées. Il était de la lignée de David, mais il fut le créateur d’Adam. Il était revêtu de chair, mais il était aussi étranger au corps. Il fut engendré par une mère, mais par une mère vierge; il était circonscrit, mais il était aussi immense. Et il fut accueilli dans une mangeoire, mais une étoile servit de guide aux Rois Mages, qui arrivèrent en lui portant des dons et s’agenouillèrent devant lui. Il fut victime, mais également prêtre suprême; il fut sacrificateur, et pourtant, il était Dieu. Il offrit son sang à Dieu, et de cette façon il purifia le monde entier. Une croix le souleva de terre, mais le péché resta enfoncé par les clous. Le Fils immortel assuma cette forme terrestre en lui, car il t’aime » (Saint Grégoire de Nazianze).
Pour répondre et correspondre à ce « car il t’aime », à cet amour fraternel, nous devons éprouver ce que le Christ éprouvait. Nous devons donc conformer notre manière de penser aux sentiments de Jésus, qui sont des sentiments d’amour et de compassion, d’humilité et de don, de détachement et de générosité.
Mais cela ne suffit pas. Pour aimer vraiment le Christ et avoir le vrai amour en nous nous devons observer ses commandements, qui témoignent de ses sentiments.
3) La vie consacrée, œuvre et vie d’amour.
Tous les croyants sont appelés à témoigner de cet amour, qui est le vrai chemin, un chemin vital, vers la Maison du Père, mais les vierges consacrées en témoignent de manière spéciale car – en se donnant totalement au Christ – elles sont tout particulièrement greffées sur son cœur et rendues capables d’aimer avec Son amour, de donner avec Son cœur, de servir avec Sa lumière, d’œuvrer avec Ses dons. En s’offrant complètement à lui, en vivant leur vie avec joie, ces femmes témoignent que le Christ est le chemin, la vérité, et la vie du monde. Les consacrées sont témoins de cela grâce au langage éloquent d’une existence transfigurée, capable de surprendre le monde. A la stupeur des hommes ces femmes répondent par l’annonce des prodiges de grâce que le Seigneur accomplit en ceux qu’Il aime et qui, humblement, Lui répondent en l’acceptant comme Epoux.
Ces femmes montrent que Jésus est le chemin de la liberté, une liberté qui sait donner la vie, et elles nous rappellent que témoigner n’est pas tant de donner le bon exemple mais de transmettre plutôt le message chrétien « par » l’exemple, « par » la parole, « par » les actes, « par » la vie réelle vécue en faveur de la vérité considérée comme une valeur plus précieuse que notre bien-être et notre propre vie.
Par ailleurs, celles-ci témoignent qu’en se donnant sans réserve au Christ, on reçoit la vraie vie : la vie de Dieu, que le Christ nous a donné l’amour de Dieu comme notre vie. En effet, il ne suffit pas « que Jésus Christ soit le chemin, qu’il soit la vérité, il doit être la vie » (Benoît XVI). Jésus, Parole du Père, est le chemin pour trouver la destination, la vérité, pour ne pas confondre le bien et le mal, et la vie pour ne pas rester esclaves de la mort (Pape François).
Bref, ces femmes consacrées, en vivant une relation personnelle avec le Christ, montrent que LUI l’Epoux n’est pas seulement un maître dont on se limite à apprendre quelque chose. Il est la vérité même: il faut donc avoir une relation personnelle avec lui. En parcourant ce chemin et construisant un rapport avec cette vérité on arrivera à la vie, qui permet d’être avec le Père, dans sa demeure et la nôtre.
Traduction de ZENIT, Océane Le Gall
Lecture patristique
Saint-Augustin d’Hippone
Discours 141
ANALYSE. – Les philosophes ont pu avec les lumières de la raison se faire quelque idée de la grandeur et de la majesté de Dieu. Mais au lieu de prendre le chemin qui les aurait conduits à la possession de ce bien suprême, ils se sont égarés jusqu’à adorer les idoles. Ah! que nous sommes heureux que la Vérité même se soit faite notre voie dans la personne de Jésus-Christ! Attachons-nous inséparablement à Lui.
1. Pendant qu’on lisait l’Evangile saint, vous avez entendu, entre autres, ces paroles du Seigneur Jésus: «Je suis la voie et la vérité et la vie.» Quel homme n’aspire à la vérité et à la vie? Mais chacun n’en découvre pas la, voie.
Quelques philosophes même profanes ont vu en Dieu une vie éternelle et immuable, intelligible et intelligente, sage et principe de toute sagesse; en lui aussi ils ont vu une vérité ferme, stable, invariable et comprenant les idées et les formes de toutes les créatures. Malheureusement ils ne l’ont vue que de loin et du sein de l’erreur; aussi n’ont-ils point découvert la route qui conduit à la possession de ce magnifique, de cet heureux et ineffable héritage.
Ce qui prouve en effet qu’ils ont vu réellement, autant du moins que l’homme en est capable, le Créateur à travers la créature, l’ouvrier à travers son ouvrage et dans le monde l’auteur même du monde, c’est le témoignage, irrécusable pour les Chrétiens, de l’Apôtre saint Paul. Il dit donc en parlant d’eux: «La colère de Dieu éclate du haut dit ciel contre toute l’impiété.»
Vous reconnaissez bien ici le langage de l’Apôtre. «La colère de Dieu éclate du haut du ciel contre toute l’impiété et l’injustice de ces hommes qui retiennent la vérité dans l’iniquité.» L’Apôtre dit-il que ces hommes ne possèdent pas la vérité? Non, mais ils «la retiennent dans l’iniquité.» Ce qu’ils possèdent est bon, mais ils ont tort de le garder ainsi: «ils retiennent la vérité dans l’iniquité.»
2. On pouvait demander à saint Paul: comment ces impies sont-ils parvenus à la vérité? Dieu a-t-il adressé la parole à quelqu’un d’entre eux? Ont-ils reçu de lui la loi, comme le peuple d’Israël par le ministère de Moïse?
Comment alors peuvent-ils retenir la vérité, fût-ce dans l’iniquité même? – Prêtez l’oreille à ce qui suit, c’est la réponse. «Parce que ce qui est connu de Dieu est manifeste en eux; Dieu le leur a manifesté.» – Comment! il le leur a manifesté et il ne leur a pas donné sa loi? – Voici de quelle manière. «En effet, ses invisibles perfections; rendues compréhensibles par ses oeuvres, sont devenues visibles.» Interroge le monde et la magnificence du ciel, l’éclat et la disposition des astres, le soleil qui suffit pour former le jour, et la lune qui nous ranime pendant la nuit; interroge cette terre qui produit en abondance et la verdure et les arbres, qui se couvre d’animaux et qu’embellit le genre humain; interroge 1a mer, les grands et nombreux poissons qui la remplissent; interroge l’atmosphère et les oiseaux qui en font la vie; interroge enfin tous les êtres et dis-moi si tous ne te répondent pas à leur manière C’est Dieu qui nous a faits. De nobles philosophes ont ainsi interrogé l’univers, et cet oeuvre leur a fait connaître l’ouvrier.
Mais alors, comment dire que la colère de Dieu éclate contre leur impiété? C’est qu’ «ils retiennent la vérité dans l’injustice.»
Venez, Apôtre, expliquez-vous. Déjà vous avez montré comment ils sont parvenus à connaître Dieu. «Ses invisibles perfections, dit-il, rendues compréhensibles par ses oeuvres, sont devenues visibles, aussi bien que sa puissance éternelle et sa divinité: de sorte qu’ils sont inexcusables. Car après avoir connu Dieu ils ne l’ont point glorifié comme Dieu ni ne lui ont rendu grâces; mais ils se sont perdus dans leurs pensées et leur coeur insensé s’est obscurci.» C’est toujours l’Apôtre qui parle et non pas moi. «Et leur coeur insensé s’est obscurci. Ainsi en disant qu’ils étaient sages ils sont devenus fous.» L’orgueil leur a fait perdre ce que la curiosité leur avait fait découvrir. «En disant qu’ils étaient sages,» en s’attribuant les dons de Dieu, «ils sont devenus fous.»
Encore une fois c’est l’Apôtre qui l’assure: «En disant qu’ils étaient sages, ils sont devenus fous.»
3. Montrez maintenant, prouvez qu’ils étaient fous. O Apôtre, vous nous avez fait voir (576) comment ils ont pu parvenir à connaître Dieu, «c’est que rendues compréhensibles par ses oeuvres, ses invisibles perfections sont devenues visibles.» Montrez-nous de la même manière comment «en se disant sages ils sont devenus fous.» – Le voici: C’est parce qu’ «ils ont changé, répond-il, la gloire du Dieu incorruptible contre une image représentant un homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles (1).» Les Païens en effet se sont faits (les dieux des figures de ces animaux.
Quoi! tu connais Dieu et tu adores une idole! Tu connais la vérité et tu la retiens dans l’injustice! Ce que te révèle l’oeuvre de Dieu, tu le sacrifies à l’oeuvre d’un homme! Tu as tout examiné, tu as saisi l’harmonie du ciel et de la terre, de la mer et de tous les éléments; et tu ne veux pas remarquer que comme le monde est l’ouvrage de Dieu, cette idole est simplement l’ouvrage d’un homme. Si cet homme pouvait donner un coeur à son idole comme il lui a donné une physionomie, cette idole adorerait son auteur. N’est-il par vrai, mon ami, que cette idole est l’oeuvre d’un homme, de même que tu es l’oeuvre de Dieu? Qu’est-en effet ton Dieu? Celui qui t’a formé. Et le Dieu de l’ouvrier en idoles? Celui également qui l’a formé.
Le dieu de l’idole n’est-il donc pas aussi l’auteur de l’idole, et ne s’ensuit-il pas que si cette idole avait un coeur, elle adorerait aussi l’ouvrier qui l’a formée?
C’est ainsi que ces philosophes ont retenu la vérité dans l’iniquité et qu’après l’avoir vue, ils n’ont point trouvé le chemin qui conduit à elle.
1. Rm 1,18-23
4. Mais le Christ est dans le sein de son Père la vérité et la vie, il est le Verbe de Dieu et c’est de lui qu’il est écrit: «La vie, était la lumière des hommes(1);» il est donc dans le sein de son Père la vérité et la vie, et comme nous n’avions pas le moyen de nous réunir à cette vérité,, lui, le Fils de Dieu, qui est éternellement avec son Père la vérité et la vie, s’est fait homme pour devenir notre voie. Suis cette voie de son humanité, et tu arrives à la divinité. C’est lui qui te conduit à lui-même, et pour y parvenir ne cherche personne que lui. Hélas! nous serions toujours égarés, s’il n’avait daigné se faire notre voie; il est réellement devenu la voie où tu dois marcher.
Je ne te dirai donc pas: Cherche la voie. Cette voie s’est présentée elle-même devant toi; en avant, marche! Ce sont les moeurs qui doivent marcher en toi en non les pieds; car il en est beaucoup dont les pieds vont bien, tandis que leur conduite va mal, et tout en courant bien ils se précipitent hors de la voie. Tu rencontreras effectivement des hommes dont la conduite est régulière, mais qui ne sont pas chrétiens: ils courent bien, mais hélas! hors de la voie, et plus ils courent, plus ils s’égarent, puisqu’ils s’éloignent de leur chemin. Ah! si ces hommes entraient dans la voie, s’ils s’y tenaient, quelle sûreté pour eux, puisqu’ils courraient sans s’égarer! Combien au contraire ils sont à plaindre de tant marcher sans être dans la voie! Mieux vaut y marcher en boitant, que de n’y être pas en marchant d’un pas ferme. Que votre charité veuille se contenter de ceci.
1. Jn 1,4 – 2. Voir. Ser. I.
Mgr Follo, 2016 © courtoisie de la Mission du Saint-Siège à l'UNESCO
"Le chemin qui conduit à la Vie", par Mgr Francesco Follo
Lectures du dimanche 14 mai 2017: « Notre demeure est dans le coeur du Père »