Le directeur de la célèbre revue jésuite « Civiltà Cattolica », le Père Antonio Spadaro, qui était dans la suite papale lors de la visite de François dans les pays baltes, commente la signature à Pékin, le 22 septembre 2018, de l’Accord provisoire entre le Saint Siège et la Chine sur la nomination des évêques, au micro de Alessandro De Carolis (Vatican News), depuis Vilnius (Lituanie), en italien. La traduction est de Zenit (Océane Le Gall).
« Il n’y a pas d’autres objectifs dans cet Accord , a expliqué le père Spadaro, les principaux défis sont de nature pastorale ; il faut aujourd’hui annoncer l’Évangile et probablement, si nous le voulons, cet accord sera aussi un signe, un signe d’espérance, un signe de paix dans un monde où l’on continue de construire des murs, surtout entre l’Ouest et l’Est. »
Un travail commencé par ses prédécesseurs
Il a souligné qu’il s’agit d’un accord pastoral pour la communion de l’Eglise en Chine: « Par cet accord, il n’y a plus ces difficultés qui maintenant l’Église divisée entre deux communautés. A ce stade, il n’y a pas d’obstacles à la communion de l’Eglise dans son ensemble en Chine et dans ses relations avec le Saint-Père. C’est l’objectif atteint par le présent accord provisoire. Mais, en même temps, on complète un processus de longue haleine, entamé par Jean-Paul II, de légalisation, c’est-à-dire de réadmission à la communion avec le Pape, d’évêques qui ont été ordonnés illégalement, donc ordonnés par le gouvernement, sans mandat pontifical. On compte déjà depuis 2000, 40 évêques légitimés ; François a complété ce travail. Sans aucun doute, ce sera aussi une étape importante pour la mission de l’Évangile. L’Église, non plus divisée, pourra être plus libre, vivant un processus de réconciliation, d’annoncer l’Évangile, ce qui est le plus important. »
Les désirs profonds de Benoît XVI
Le p. Spadaro rappelle aussi que l’accord s’inscrit ans le sillage de la Lettre de Benoît XVI en 2007: « Benoît XVI avait une idée très, très claire : il fallait trouver un moyen d’établir la confiance entre le gouvernement chinois, les autorités chinoises et le Saint-Siège. La confiance ouvrirait des espaces de dialogue et nous arriverions lentement au point que nous avons atteint aujourd’hui. Je dirais donc que François a fait que se réalisent les désirs profonds écrits par Benoît XVI dans ce document très important. »
Un grand désir d’Évangile
Il fait aussi observer l’importance de l’accord pou l’annonce de l’Evangile: « L’Asie est le continent du futur. Il y a beaucoup de catholiques en Asie : ce sont parfois de petites communautés. Dans certains pays, elles sont extrêmement dynamiques. Des communautés que l’on pourrait dire au « point zéro » : petites, mais extrêmement fortes ; semences d’un avenir. La Chine a un énorme besoin spirituel : elle l’exprime. Les conversions au christianisme atteignent des pourcentages très élevés. Il s’agit généralement de conversions au protestantisme, car les communautés protestantes n’ont pas de liens particuliers, de difficultés avec le gouvernement et sont donc davantage lancées dans la mission. L’Église catholique est aujourd’hui appelée à répondre à ce grand désir d’Évangile. »
«La Lumière du monde» de Benoît XVI, en édition chinoise
Il s’agit aussi de ne pas continuer à construire des murs: « L’avenir consiste à prêcher l’Évangile. Il n’y a pas d’autres objectifs dans cet accord. Mais il y a une dimension pastorale qui, porte de toute évidence en elle les germes d’un avenir. Nous devons donc aussi comprendre ce que cela signifie pour l’Église universelle. Par exemple, Benoît XVI, dans son introduction au volume « La Lumière du monde », publié en édition chinoise, appelle à un christianisme chinois, c’est-à-dire, pleinement chrétien et pleinement chinois. Qu’est-ce que cela voudrait dire en termes de théologie, de réflexion, compte tenu de la grande culture de ce pays à laquelle le Pape François a fait appel à maintes reprises, en se disant « admiratif » face à cette sagesse ? Je le répète, les principaux défis sont de nature pastorale ; il faut aujourd’hui annoncer l’Évangile et probablement, si nous le voulons, cet accord sera aussi un signe, un signe d’espérance, un signe de paix dans un monde où l’on continue de construire des murs, surtout entre l’Ouest et l’Est. »
Les racines des arbres qui portent du fruit
Le p. Spadaro a fait le parallèle avec le message du pape François sur les « racine » dans les Pays baltes: « Le message de François ici en Lituanie vaut certainement pour tous les catholiques, y compris les catholiques chinois. Quand le pape ici, à Vilnius, a parlé de racines, il a aussi parlé d’accueil et d’ouverture. C’est-à-dire qu’il faut, au fond, récupérer les racines pas tant pour s’y accrocher mais pour qu’elles portent du fruit : les racines sont les racines des arbres qui portent du fruit. Et le pape l’a dit très clairement, en débarquant à Vilnius, que ce pays est un pays qui, fort de ses racines, a su accueillir des personnes de nationalités différentes, de langues différentes, de religions différentes. L’avenir c’est cela. »
Construire la confiance, aimer un peuple
Il a aussi rappelé l’engagement des jésuites pour la Chine: « Pour nous, jésuites, cet accord signifie beaucoup car nous disons que dans le cœur de chaque jésuite, il y a la Chine. Matteo Ricci est un homme formé à la culture de la Renaissance et qui, après avoir absorbé la culture européenne, a décidé d’aller en Chine. Et cela – sa formation proprement dite – lui a permis de dialoguer avec la culture de ce grand pays : il en est tombé amoureux, il l’a absorbée. Et les jésuites après lui ont élaboré, appris cette culture, le confucianisme aussi, et l’ont transmise à l’Europe. Alors, comment ont-ils sinisé l’Europe ? Il est très frappant de voir que l’évangélisation, pour ces premiers jésuites, passe par un amour profond pour la culture d’un peuple. Il n’y a donc pas de désir d’évangélisation intégriste ou de mission pour ainsi dire culturelle, mais il y a un désir de rencontrer un peuple et ses idées. J’ai également été très frappé par le fait que le Global Times, qui est un journal officiel chinois, le jour même de la signature de l’accord entre la Chine et le Saint-Siège, a appelé le pape François « le premier pape jésuite » et le reliait directement à Matteo Ricci en disant que cet homme, comme son prédécesseur, avait une relation et a une relation très souple et dynamique pour l’évangélisation, capable d’aimer son peuple. J’ai été frappé parce que c’est exactement le sens de cet Accord : construire la confiance, aimer un peuple. »
AB
Traduction de ZENIT, Océane Le Gall
Antonio Spadaro SJ @ wikimedia commons
"L'accord Saint-Siège-Chine, un signe d'espérance et de paix", par le p. Antonio Spadaro SJ
Un accord pastoral pour la communion de l’Eglise en Chine