Le médecin risque de perdre son identité de serviteur de la vie, fait observer le pape François qui a reçu ce vendredi matin, dans la Salle Clémentine du Vatican, les gynécologues catholiques participant à la rencontre promue par la Fédération internationale des associations de médecins catholiques.
Le pape rappelle que « la fin ultime de l’agir médical reste toujours la défense et la promotion de la vie » et il insiste sur l’importance de la « conscience ». Il a ajouté: « Le Seigneur compte aussi sur vous pour diffuser l’ « Évangile de la vie ». »
Il leur a confié cette mission, de la raison et de la science: « Vous qui êtes appelés à vous occuper de la vie humaine dans sa phase initiale, rappelez à tous, par vos actes et par vos paroles, que celle-ci est toujours sacrée, dans toutes ses phases et à tout âge, et qu’elle est toujours de qualité. Et pas par un discours de foi, non, non, mais de raison, avec un discours de science ! »
Anita Bourdin
Voici notre traduction intégrale du message du pape.
Discours du pape François aux médecins
Je vous prie de m’excuser pour le retard, parce qu’aujourd’hui… ce matin, c’est trop compliqué, avec les audiences… Je vous prie de m’excuser.
1. La première réflexion que je voudrais partager avec vous est celle-ci : aujourd’hui, nous assistons à une situation paradoxale, qui concerne la profession médicale. D’un côté, nous constatons – et nous en remercions Dieu – les progrès de la médecine, grâce au travail des savants qui, avec patience et sans s’épargner, se consacrent à la recherche de nouveaux traitements. Mais de l’autre, nous constatons aussi le danger pour le médecin de perdre son identité de serviteur de la vie.
L’égarement culturel a porté atteinte même à ce qui semblait un domaine inattaquable : le vôtre, la médecine ! Bien qu’étant par nature au service de la vie, les professions de la santé sont parfois induites à ne pas respecter la vie. Au contraire, comme nous le rappelle l’encyclique Caritas in veritate, « L’ouverture à la vie est au centre du vrai développement ». Il n’y a pas de véritable développement sans cette ouverture à la vie. « Si la sensibilité personnelle et sociale à l’accueil d’une nouvelle vie se perd, alors d’autres formes d’accueil utiles à la vie sociale se dessèchent. L’accueil de la vie trempe les énergies morales et nous rend capables de nous aider mutuellement » (n. 28).
La situation paradoxale se voit dans le fait que, alors qu’on attribue à la personne de nouveaux droits, parfois aussi de prétendus droits, on ne protège pas toujours la vie comme une valeur première et comme un droit primordial de tout homme. La fin ultime de l’agir médical reste toujours la défense et la promotion de la vie.
2. Le second point : dans ce contexte contradictoire, l’Église fait appel aux consciences, à la conscience de tous les professionnels et volontaires de la santé, et d’une manière particulière à vous, gynécologues, appelés à collaborer à la naissance de nouvelles vies humaines. Vous avez une vocation et une mission singulières, qui requièrent étude, conscience et humanité. Autrefois, les femmes qui aidaient à l’accouchement s’appelaient des « commères » : c’est comme une mère avec l’autre, avec la vraie mère. Vous aussi, vous êtes des « commères », et vous aussi des « compères ».
La mentalité diffuse de l’utile, la « culture du rebut », qui aujourd’hui rend esclaves les cœurs et les intelligences de beaucoup, a un coût très élevé : elle demande d’éliminer des êtres humains, surtout s’ils sont physiquement et socialement plus faibles. Notre réponse à cette mentalité est un « oui » à la vie décidé et sans hésitations. « Le premier droit d’une personne humaine est sa vie. Elle a d’autres biens et certains d’entre eux sont plus précieux ; mais c’est celui-là le bien fondamental, la condition pour tous les autres » (Congrégation pour la doctrine de la foi, Déclaration sur l’avortement provoqué, 18 novembre 1974, 11).
Les choses ont un prix et elles sont vendables, mais les personnes ont une dignité, elles valent plus que les choses et n’ont pas de prix. Si souvent, nous nous trouvons dans des situations où nous voyons que ce qui coûte le moins, c’est la vie. C’est pourquoi l’attention à la vie humaine dans sa totalité est devenue ces derniers temps une véritable priorité du Magistère de l’Église, en particulier l’attention à la vie qui est le plus sans défense, c’est-à-dire à la personne handicapée ou malade, à l’enfant à naître, au petit enfant, à la personne âgée, dont la vie est le plus vulnérable.
Dans l’être humain fragile, chacun de nous est invité à reconnaître le visage du Seigneur qui, dans sa chair humaine, a expérimenté l’indifférence et la solitude auxquelles nous condamnons souvent les plus pauvres, que ce soit dans les pays en voie de développement ou dans les sociétés riches. Tout enfant non né, mais condamné injustement à être avorté, a le visage de Jésus-Christ qui, avant même de naître, et ensuite à peine né, a expérimenté le refus du monde. Et toute personne âgée – j’ai parlé du petit enfant, parlons maintenant des personnes âgées, un autre point – et chaque personne âgée, même si elle est infirme ou à la fin de ses jours, porte en elle le visage du Christ. On ne peut pas les rejeter, comme nous le propose la « culture du déchet » ! On ne peut pas les rejeter !
3. Le troisième aspect est un mandat : soyez des témoins et des diffuseurs de cette « culture de la vie ». Le fait d’être catholiques vous confère une plus grande responsabilité : avant tout envers vous-mêmes, par votre engagement de cohérence avec votre vocation chrétienne ; et puis envers la culture contemporaine, pour contribuer à reconnaître dans la vie humaine la dimension transcendante, l’empreinte de l’œuvre créatrice de Dieu, dès le premier moment de la conception. C’est un engagement de nouvelle évangélisation qui exige souvent d’aller à contre-courant, en payant de sa personne. Le Seigneur compte aussi sur vous pour diffuser l’ « Évangile de la vie ».
Dans cette perspective, les départements de gynécologie des hôpitaux sont des lieux privilégiés de témoignage et d’évangélisation, parce que là où l’Église se fait « véhicule de la présence du Dieu » vivant, elle devient en même temps « instrument d’une véritable humanisation de l’homme et du monde » (Congrégation pour la doctrine de la foi. Note doctrinale sur quelques aspects de l’évangélisation, 9).
Avec une conscience mûre du fait qu’au centre de l’activité médicale et d’assistance médicale, il y a la personne humaine dans sa condition de fragilité, la structure sanitaire devient le « lieu où la relation de soin n’est pas un métier – votre relation de soin n’est pas un métier – mais une mission, le lieu où la charité du Bon Samaritain est la première chaire et le visage de l’homme souffrant le visage même du Christ » (Benoît XVI, Discours à l’Université catholique du Sacré-Cœur à Rome, 3 mai 2012).
Chers amis médecins, vous qui êtes appelés à vous occuper de la vie humaine dans sa phase initiale, rappelez à tous, par vos actes et par vos paroles, que celle-ci est toujours sacrée, dans toutes ses phases et à tout âge, et qu’elle est toujours de qualité. Et pas par un discours de foi, non, non, mais de raison, avec un discours de science ! Il n’existe pas de vie humaine plus sacrée qu’une autre, de même qu’il n’existe pas de vie humaine qualitativement plus importante qu’une autre. La crédibilité d’un système sanitaire ne se mesure pas uniquement à son efficacité, mais
surtout à l’attention et l’amour envers les personnes, dont la vie est sacrée et inviolable.
Ne cessez jamais de prier le Seigneur et la Vierge Marie pour avoir la force de bien accomplir votre travail et de témoigner avec courage – avec courage ! Aujourd’hui, il faut du courage – de témoigner avec courage de l’ « Évangile de la vie » ! Merci beaucoup.
Traduction de Zenit, Hélène Ginabat